Accueil > économie | Par Jean-Claude Oliva | 1er juin 2000

Le patronat face à la mondialisation

Entretien avec Jean Magniadas

Vos réactions
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

Au delà de la symbolique, la transformation du CNPF en Medef est lourde de sens. Ce changement de sigle correspond à une nouvelle stratégie pour faire face au choc de la mondialisation. On peut noter des processus comparables dans d’autres pays européens, Italie, Allemagne et Suède notamment. Le patronat doit adapter ses structures qui étaient fortement organisées sur le modèle national : l’organisation proprement dite, les relations sociales, et le rapport à l’Etat.

En termes organisationnels, il s’agit pour le Medef de se développer à l’échelle internationale mais aussi de renforcer le niveau local par un quadrillage plus dense. Car la mondialisation fait monter les critiques d’en bas ; aussi faut-il "mettre le patronat sous tension", l’encadrer au niveau local, avec de nouveaux services pour aider les PME à s’adapter, sans toutefois concurrencer les consultants. Le patronat est en permanence confronté à une contradiction d’intérêts entre les entreprises multinationales et la masse des PME. La nouvelle stratégie consiste à resserrer, à regrouper le rôle social et le rôle économique de l’organisation patronale. Aussi, une des premières décisions de E.-A. Sellière a été de supprimer la Commission économique et la Commission sociale.

Ordre public social et syndicats maison

En termes de relations sociales, il s’agit de faire de l’entreprise le lieu principal, sinon exclusif, de négociation sociale, suivant le postulat libéral de moins de loi. Certes le Code du travail est particulièrement lourd. Mais la faute en revient au patronat français qui, de fait, s’est le plus souvent refusé à la négociation. Il a longtemps préféré que le législateur intervienne. Cela permettait de se dégager sur l’Etat par rapport aux PME. Aujourd’hui, il y a un renversement de tendance. Le Medef prône la convention collective d’entreprise qui par définition n’est pas transférable à une autre entreprise ; mieux, elle ne s’applique qu’à un noyau de salariés, ceux des sous-traitants en sont exclus. Cela génère des inégalités sociales. Les conventions collectives nationales qui pourraient avoir un effet unificateur sont peu ou pas signées. Le SMIC, seul élément égalisateur, est menacé de ne pas évoluer, donc de perdre toute utilité. C’est également la voie ouverte à de mauvaises conventions signées par des syndicats maison. Enfin cela concerne le rapport à l’Etat par la remise en cause de l’ordre public social qui accorde la priorité à la loi sur le système conventionnel. Désormais la loi généraliserait les conventions signées, tirant tout le système vers le bas. Cela constituerait une dépossession citoyenne car ce n’est plus le Parlement qui en fin de compte ferait les lois sociales. La menace de rompre le paritarisme est un chantage pour faire pression sur le gouvernement et les partenaires sociaux, mais tous les patrons ne sont pas favorables au retrait des organismes paritaires.

Le Medef parle au nom de tous les patrons mais un certain désintérêt des patrons pour les organisations patronales inquiète leurs dirigeants dans le contexte de la mondialisation. Il s’agit donc de "redonner au patronat de l’identité", du muscle pourrait-on dire, par une opposition spectaculaire à la législation sociale, l’accentuation du discours libéral et la volonté d’étendre le secteur privé. Le terme de mouvement (dans Medef ), préféré à celui de conseil (dans CNPF) marque la volonté d’action ; l’adjectif français a disparu, indiquant clairement qu’on ne se situe plus au niveau national. Les "vrais" patrons sont appelés en première ligne ; E.-A. Sellière est à "mi-temps" et garde ses fonctions à la tête d’un groupe. Ce ne sont plus des fonctionnaires patronaux qui dirigent le Medef : même volonté en Italie de recréer de l’identité patronale avec l’accession de Pirelli dans l’organisation. Ce patronat musclé entend "exercer de l’influence" : il s’agit d’un vrai lobbying sur les centres de décision, se déplaçant du Parlement vers Bruxelles et l’OMC, avec des campagnes publiques ; c’est un changement du système de relation avec l’Etat, soumis à rude pression de la part des "tueurs".

Pouvoirs et influence d’un patronat musclé

Dans un contexte de dégradation continue des conditions de travail, la flexibilité accrue que tente d’imposer le patronat avec le changement d’organisation lié à la réduction du temps de travail est très dangereux. La précarisation à outrance ne semble pas non plus à la hauteur des exigences productives nouvelles liées à la révolution informationnelle. Les contrats de cinq ans (ni CDI ni CDD) constituent une mauvaise réponse à la nécessité d’organiser la mobilité. Toujours est-il que cette "refondation" place salariés, organisations syndicales et partis de gauche face à de nouveaux défis. n

Vos réactions
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

Du même auteur

1er juillet 2000
Par Jean-Claude Oliva

L’empire du temps

Vos réactions

Forum sur abonnement

Pour poster un commentaire, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas encore enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?