Accueil > Société | Par Nicolas Kssis | 1er septembre 2008

Le sport a-t-il besoin d’un ministre ?

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Bernard Laporte s’en est félicité. En cette année olympique, il a préservé un tantinet le budget de son presque ministère, pourtant dans le viseur de Bercy. Après le coup de gueule de Bernard Amsalem, président de la Fédération française d’athlétisme, qui réclame un « Grenelle » du sport, ce « milliard » ressemble quasiment à un « bouche à bouche », faute de tenir les promesses « pharaoniques » du Nicolas Sarkozy en campagne. De toute manière, le modèle sportif français vit sûrement ses derniers instants. Bernard Laporte ne s’y trompe pas, lui dont le principal boulot consiste à expliquer aux dirigeants fédéraux qu’il faudra désormais se tourner vers les collectivités territoriales ou, évidemment, les sponsors privés pour les disciplines médiatiquement glamour. L’annonce de la fermeture d’un tiers des Centres régionaux d’éducation populaire et sportive (« les usines à champions » de l’Etat), de la vente d’une partie aux régions et le rattachement du reste à l’Institut national du sport et de l’éducation physique indique la tendance. Inventaire avant fermeture du « ministère de la paresse » comme le désigna la droite lors de sa création, en 1936 ?

Faute d’une réelle légitimité, l’intervention de l’Etat dans le sport a souvent été rattachée à des grands domaines « nobles » de compétence, que ce soit l’Education nationale ou, plus récemment, et de nouveau, la Santé. Il faudra attendre 1966 pour que soit institué un ministre des Sports ès qualité, confié à l’époque à François Missoffe, qui donna en quelque sorte le coup d’envoi de Mai 68 lors d’une rixe verbale avec Daniel Cohn-Bendit à Nanterre. Ensuite, durant les années 1990, quand s’affirme le problème des « banlieues », le sport se retrouvera happé dans la noria des programmes d’insertion et/ou de prévention. Le député communiste Georges Hage, rapporteur du budget des sports a l’Assemblée nationale en 1992, en déduira qu’il est « satellisé » par celui de la Ville. En outre, les ministres sont maintenant contraints de répondre aux angoisses de « l’opinion publique » quand la machine sportive s’emballe, comme l’illustre le combat de Marie-George Buffet contre le dopage.

Les profils des ministres ou sous-secrétaires d’Etat se révèlent surtout à l’image de l’humeur politique du moment. Les périodes fortes de notre histoire sont également celles des grandes politiques d’Etat dans le sport. Le grand souffle du Front populaire, emporté par Léo Lagrange. Le chantier permanent du gaullisme triomphant, avec le rôle central de Maurice Herzog en poste durant sept ans (en 1963, il déclarait « le sport est un service public » , une autre époque !) N’oublions pas l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, le travail d’Edwige Avice et sa fameuse loi de 1984. Ces héritages gouvernementaux ont balisé les rapports entre le mouvement associatif et l’Etat. Le reste du temps, se succèdent des personnalités politiques de passage, qui viennent y faire leurs classes en attendant des destins plus grands. Qui se souvient de la socialiste Andrée Viénot, sous-secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports de 1946 a 1947, militante anticolonialiste ? Plus près de nous, Michelle Alliot-Marie, dont la seule réussite entre 1993 à 1996 fut d’instaurer les interdictions de stade contre les « hooligans », preuve que notre actuelle ministre de l’Intérieur avait déjà la fibre sécuritaire.

Le paradigme libéral qui s’impose de plus en plus dans les années 1990 (Guy Drut parlait en 1996 de « requalifier » les cadres techniques, bref de remettre en cause leur statut) repousse la politique d’Etat en matière sportive à une simple fonction réglementaire et au coup par coup sur des publics dits « cibles » ou autour des moments « forts » (coupe du monde etc.). En attendant que le Pôle Lagardère s’occupe de prendre le relais pour la formation ?

N.K.

Paru dans Regards n°54, septembre 2008

Revues en Olympie

Avec les JO de Pékin, de nombreuses revues ont consacré des numéros spéciaux à la question ou au sport en général. Signalons l’approche intéressante et pluridisciplinaire de La Géographie, qui dresse un panorama didactique et original de enjeux du sport à travers l’histoire, mais aussi la diversité des logiques spatiales et géopolitiques, en s’attardant aussi bien sur « la crosse », les sports de nature ou encore la gastronomie. n

La Géographie, n° 1530, été 2008

Colonialisme, football et intégration

Le football reste un terrible miroir pour comprendre notre société et les séquelles de son passé. Plusieurs ouvrages illustrent cette intuition. Michel Nait-Challal retrace ainsi dans un livre bien documenté l’aventure de l’équipe de foot du FLN qui choisit en 1958 de déserter le championnat de France. Dans la continuité chronologique, la revue Migrance, publiée par l’association Génériques avec le concours de « We are Football », propose un excellent numéro sur les destins des footballeurs maghrébins dans l’Hexagone. Enfin Yvan Gastaut pose pour sa part la question de l’intégration au prisme de la victoire des Bleus en 1998 et de ses suites (le match France-Algérie).

« Les footballeurs maghrébins de France au XXe siècle », Migrance, n°29, 2008

Yvan Gastaut Le métissage par le foot, Autrement, 2008

Somme. L’ouvrage de référence pour qui désire

s’approprier un peu la question sportive autrement que par le biais de la lecture de l’Equipe, bref pour l’aborder dans toute son ampleur sociale, sa signification culturelle, ses implications politiques et son poids

économique. Tableaux, statistiques, problématique, retour sur l’histoire... rien ne manque.

Le Sport en France : une approche politique, économique et sociale, la Documentation française, 2008

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