Article publié le 20 avril 2011 - L’ouverture de Tomboy est magnifique : un visage
d’enfant vole dans les airs comme en apesanteur.
« ça va, là-haut ? » L’enfant a sorti la tête hors du
toit ouvrant de la voiture. Son père le prend sur
ses genoux et le fait conduire. En anglais, « tomboy
» signifie « garçon manqué ». Laure (Zoé Héran),
10 ans, vient d’emménager avec ses parents
et sa petite soeur, Jeanne (Malonn Lévana). L’été
a encore quelques feux et surprises devant lui,
avant la rentrée des classes. A la faveur d’un malentendu,
qu’elle ne tient pas à démentir, Laure,
au corps androgyne et au look de garçon, se fait
passer pour Michaël auprès de sa nouvelle bande
de copains, et notamment de l’intrépide Lisa, qui
ne tarde pas à s’éprendre de lui (elle).
Dans le sillage de son premier long-métrage très
remarqué, Naissance des pieuvres (2007), la
jeune Céline Sciamma file à nouveau le thème
de l’identité amoureuse. En quittant l’adolescence
pour rejoindre le territoire de l’enfance :
« Cela faisait longtemps que j’avais en tête cette
histoire d’une petite fille qui se fait passer pour
un petit garçon. Elle a une saveur d’inédit, dans
le sens où les questions d’identité pendant le
temps de l’enfance ne sont pas si souvent traitées
au cinéma. Il y a presque un tabou dans
l’évocation du trouble enfantin. Alors que l’enfance
est le lieu de sensations fortes et d’une
forme de sensualité », raconte la réalisatrice.
Si le film a l’audace de substituer la question du
travestissement à celle, plus convenue, du déguisement,
il reste trop souvent étouffé par ses
intentions. On sent parfois peser l’attachement à
la conversion du « sujet » en trouvailles de scénario
– comme le faux sexe en pâte à modeler dissimulé
dans la boîte à dents de lait. La résolution
finale et la reprise en mains de la petite fille par
sa mère (Sophie Cattani) déçoit.
Tomboy réserve toutefois quelques envolées,
dignes de la séquence d’ouverture aérienne : ainsi
le match de foot, la façon dont Laure observe
et mime les codes masculins – crachat, posture,
souffle, etc. Ainsi, la relation très énigmatique et
subtile entre le père (excellent Mathieu Demy) et
sa fille. Ainsi, le rôle joué par la petite Jeanne qui
couvre sa soeur aînée, offrant au film un décollement
troublant vers la pure fiction.
Tomboy, de Céline Sciamma, en salles le 20 avril.