La création d’un casino entraîne la création de milliers de « drogués du jeu », et favorise la montée de la précarité et du surendettement ( voir le 1er article : Escroquerie et dépendance : les casinos explosent ! ). Cela n’empêche pas des grandes villes comme Bordeaux, le Havre (mairies UMP) ou Lyon (mairie PS) et prochainement Lille et Toulouse, de décider d’installer un casino. Car l’initiative leur revient. C’est la commune qui décide de l’installation d’un casino et qui négocie les autorisations nécessaires avec le ministère de l’intérieur.
A Lille et Toulouse, on constate de nombreuses ressemblances entre les deux projets de casino. Ils seront tout deux en bordure des quartiers populaires, des centaines de machines à sous (MAS) sont prévues, aucune consultation envers les habitants n’a été organisée, et la société retenue pour l’exploitation du casino est le groupe Barrière, un empire international du jeu et du luxe qui allie profits faramineux et emplois précaires.
Le cynisme des communes
A Toulouse (mairie UMP), le casino qui ouvrira ses portes en 2007 sera le plus grand de France, avec 14000 m2 et plus de 400 MAS prévues, malgré l’opposition des verts, des communistes et d’une association « Un casino à Toulouse, non merci ! ». Sa porte-parole, Marie-Christine Couthenx, est écoeurée. Selon elle, le lieu d’implantation n’a pas été choisit au hasard : « le lieu est complètement inadapté, très mal déservi car il se situe sur une île... mais le casino sera au coeur des quartiers populaires ! Une bouche de métro va même être construite non loin, et va pouvoir drainer les gens du Murail et du quartier d’Empalot (deux quartiers populaires de Toulouse qui comptent 30% de chômage) vers le Casino... C’est ces gens là que le casino va viser ! » Elle ajoute : « les mères avec qui j’ai discuté sont catastrophées, par rapport à l’attrait qu’aura le casino sur les jeunes. C’est de la provocation ! Avec les problèmes dans les banlieues, ce n’est pas cela qui va calmer le jeu. L’emplacement du casino aurait pu constituer un espace vert de deux hectares pour le quartier d’Empalot, qui n’en possède aucun actuellement ».
Stéphane Dupraz, élu communiste à Toulouse, est aussi très remonté. Lors de son intervention en conseil municipal le 4 mai 2005, il affirma que « la fiscalité sur le casino est au bout du compte une taxe sur la misère, un impôt sur l’illusion. Messieurs les libéraux, l’impôt sur la détresse sociale vous gêne moins que l’I.S.F. ! » Il dénonca « l’ignorance et l’irresponsabilité » de la mairie, alors que la dépendance aux jeu est selon lui un véritable « fléau ».
Socialisme et jeux d’argent...
A Lille, où la socialiste Martine Aubry prétend bâtir « une ville de la solidarité », le casino qui ouvrira début 2009 compte devenir le deuxième casino de France en terme de recettes, avec plus de 350 MAS. Il sera installé à la sortie des quartiers populaires de Fives et Caulier. Mais la différence notoire que l’on constate avec Toulouse, c’est que la mairie de Lille est tenue par une majorité de gauche. Seuls les Verts et l’UDF se sont opposés au projet. Les élus PS, PC et UMP ont fait front commun.
Dominique Plancke, conseiller municipal pour les Verts, semble désabusé. Selon lui, plutôt que des recettes pour la mairie, « on paiera d’abord l’augmentation des dépenses du CCAS (centre communal d’action sociale) ! ». Il ne comprend pas que « pour des raisons de fiscalité locale, on soit obliger de pomper un casino ! » Il juge la position des communistes très décevante :»j’ai eu un débat avec Eric Renault, premier adjoint communiste de Saint-Amand (qui possède un casino). Il affirmait qu’un casino, c’était une offre de loisir et qu’il n’y avait pas de raison pour que les pauvres n’aient pas accès à un casino. J’étais atterré ! ». A Lille, selon lui, « il n’y a pas eu de discussion possible avec les communistes sur ce sujet. Ils répétaient également que les pauvres ont le droit de jouer au casino ».
Quand la finance et l’emploi rendent aveugle
Mais Michel Cucheval, président du groupe communiste à Lille, assume pleinement. Selon lui, « il était clair qu’un casino allait s’installer dans les environs, puisqu’il n’existe pas de casino dans l’agglomération Lille-Roubaix-Tourcoing ». (...) « La mairie en était persuadée, donc autant que cela se fasse à Lille et que cela rapporte ». Selon lui, « on ne peut pas cracher dans la soupe quand une telle opportunité se présente. Lorsque l’on a mis les emplois créés et les recettes dans la balance, on n’a pas eu d’hésitation très longtemps ». Interrogé sur les conséquences sociales, il répond que « s’il y a des incidences négatives, il faudra probablement s’en préoccuper. Si c’est la catastrophe, il faudra prendre des mesures ». Selon lui, la clientèle viendra surtout d’Angleterre ou des milieux d’affaires, contredisant par là toutes les études qui montrent que c’est la population locale qui constitue la majorité des joueurs pour un nouveau casino en centre ville.
Cette frénésie pour les casinos ne semble pas ralentir, bien au contraire. Des casinos sont en projet à Nantes et Anglet (Pyrénées atlantiques), ainsi que dans quatre petites villes touristiques. Et récemment, c’est Lens qui s’est ajouté à cette liste. Grâce à l’annexe du Louvre qui ouvrira bientôt ses portes, la ville espère obtenir le fameux sésame du statut de ville touristique. Le maire socialiste Guy Delcourt projette donc déjà d’installer un casino... sur le parking du stade Félix Bollaert !
On reste sans mot devant un tel mépris envers la population ; devant des communes, de gauche comme de droite, qui n’hésitent pas à sacrifier une partie de leurs habitants pour grossir leurs budgets. Les verts de Lille semblent viser juste en affirmant : « A l’heure où la gauche dénonce les excès du libéralisme, les projets de privatisation, la majeure partie de cette gauche accepte sans broncher ce casino ! ». Si la candidature anti-libérale n’était pas actuellement en difficulté, une 126ème proposition concernant l’interdiction des jeux de hasard et d’argent serait la bienvenue !
(Cet article constitue la deuxième partie du dossier sur les casinos. La première partie, "Escroquerie et dépendance : les casinos explosent !", est à consulter dans la rubrique "société" )