Les juges de la rue Montpensier ont estimé que la Charte, en conférant "des droits spécifiques à des groupes de locuteurs de langues régionales ou minoritaires [...] à l’intérieur de territoires", contredit les principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi. Ils visent précisément le droit à pratiquer une langue autre que le français, non seulement dans la vie privée (ce qui n’a jamais posé problème) mais aussi dans la vie publique (par exemple pour les démarches administratives, sans que cela devienne une obligation).
Une reconnaissance statutaire des langues régionales semble à beaucoup : souvent sincèrement patriotes : une menace à plusieurs titres : mise en cause de la conception républicaine de la nation ; porte ouverte à une Europe fédéraliste ; chausse-trappes pour le français, une des rares langues nationales qui résistent peu ou prou à l’hégémonie de l’anglais. Mais d’une part, si la francophonie se vit comme un bastion face à "l’agression" anglophone, son avenir est compté ; d’autre part, ne pas reconnaître les langues minoritaires revient à un déni de justice, porteur de conflits : leurs locuteurs se radicaliseront s’ils se sentent méprisés. D’ailleurs, en quoi le multilinguisme, atout culturel, peut-il affaiblir le "pacte républicain" ? Une France qui valorise à la fois sa langue commune et ses langues particulières reste une nation politique cohérente ; elle est seulement plus soucieuse de sa diversité.
Les auteurs de ce dossier sur les langues régionales n’entrevoient qu’une solution, qu’on peut résumer en un slogan : "sortir du monolinguisme français". Autrement dit, défendre le français dans le monde en défendant les langues régionales en France. Et en apprenant les langues étrangères !