« Devenez propriétaire au Maroc », la publicité pour le salon fait d’abord miroiter un statut social aux membres de cette « diaspora » qui ont pu rester frustrés de ne pouvoir y accéder en France. Les termes montrent que l’affaire est à prendre au sérieux, il n’est donc pas question de « s’offrir une agréable maison », formulation qui serait sans doute perçue comme bien trop féminine quand, selon les statistiques mêmes des organisateurs, avec 65 % d’hommes et 35 % de femmes, les visiteurs sont « majoritairement masculins et adultes : les principaux décideurs dans les familles » ! Les promoteurs savent que les émigrés marocains qui l’ont pu ont constitué un petit pécule, peut-être pas, finalement, pour organiser leur retour définitif au pays, mais pour y acquérir un pied-à-terre pour les vacances ou de longs séjours pendant leur retraite. Aussi proposent-ils « des projets pour tous les prix ». Un deux-pièces neuf à partir de 20 000 euros comme une villa à Marrakech à 350 000 euros. Les banques marocaines et leurs filiales françaises sont présentes, prêtes à proposer leurs offres de crédit. Les notaires sont aussi sur place. Peur d’omettre une clause ou un détail dans la précipitation ? Tout est prévu pour que rien ne vienne inhiber un coup de cœur ni gâcher un bon argumentaire : des avocats sont là pour rassurer, dispensant conseils juridiques et fiscaux. Il serait dommage de rester, faute d’accréditation d’expert, dubitatif face à cette attrayante disposition : 80 % de réduction sur l’impôt sur le revenu pour les retraités étrangers résidents au Maroc transférant et déclarant leurs revenus sur place. Une mesure simple et efficace pour attirer les devises.
Le Maroc vient vendre ses atouts, profitant de l’inexorable inflation immobilière qui sévit en France. A terme, on peut craindre qu’il pâtisse aussi de la fortune relative des étrangers venant faire grimper le prix des terres et des rues. Ici, les Parisiens ont aligné les loyers d’Aix-en-Provence sur ceux de la capitale et la Cannebière est la récente propriété d’Américains. La Côte d’Azur, qui concentre seule tout ce qu’on peut trouver de palmiers sur le territoire, est devenue la région du luxe et de la retraite, mais elle en vient à saturer et ne porte pas toujours un regard favorable sur ses envahisseurs. Le Maroc, « oasis de soleil et de bien être », est, lui, « réputé terre d’accueil ». Après deux-trois séjours dans les principales médinas que la démocratisation du voyage a rendues familières aux Européens, on comprend que le charme évident du pays et la perspective de repousser les limites de sa pension de retraite séduisent de plus en plus de Français sans origines locales. Agadir, Casablanca, Tanger, Marrakech, Essaouira, il y en a pour tous les fantasmes. Résidences gardiennées, palmiers, piscines, hammams, personnel de maison docile et discret qui cuisinera bien mieux qu’au restaurant de délicieux tajines dont on a appris à se régaler en métropole, mais à l’occasion seulement... Là-bas la viande n’est une fête que pour les locaux qui, à la faveur de quelques dirhams, savent la cuisiner comme telle au quotidien et enchanter l’ordinaire de leurs nouveaux employeurs. Pour une aide ménagère à temps plein il faut compter 150 euros par mois. Et c’est tout le quotidien qui, en plus d’une autre couleur et d’un confort de vie souvent jamais connu jusqu’alors, prend une autre dimension. Au « caractère toujours très abordable du coût de la vie pour un Européen » mis en avant par les organisateurs et aux mesures d’incitation fiscales mises en place par le Royaume, il faut ajouter une autre facilité : l’absence de barrière linguistique. Presse, télé, administration, commerçants, le français est parlé partout. Il vaut de surcroît au visiteur une certaine forme de respect.