Regards.fr : Amir Peretz a-t-il été élu à la tête du parti travailliste sur son programme ou simplement parce que les militants ont voulu en finir avec Shimon Pérès ?
Michel Warschawski : Plusieurs éléments ont joué en sa faveur : d’abord, les travaillistes ont pris conscience que si leur parti ne recommençait pas très vite à défendre un programme spécifique, marqué au moins un tout petit peu à gauche, même d’un rose très pâle, il risquait de disparaître. Et c’est Amir Peretz qui incarnait le renouveau face à un Shimon Pérès lié au Likoud. Ensuite, une part importante des militants, peut-être la majorité d’entre eux, en a assez de la politique actuelle où sont impliqués des ministres travaillistes, et estime que le temps est venu de passer à autre chose. Enfin, son personnage de « baroudeur marocain » a probablement fonctionné en partie auprès de ses électeurs. Peretz a été élu mais il va maintenant devoir essuyer des coups bas en interne. Amram Mitzna avait été laminé par les vieux cadres bourgeois du parti, après sa défaite [1]. Cela dit, ce sera moins facile de faire chuter Peretz, même s’il perd en mars. C’est un bagarreur et il peut compter sur son réseau de la centrale Histadrout.
Regards.fr : Quelles perspectives ouvre ce changement de leader travailliste ?
Michel Warschawski : Il ne faut pas se bercer d’illusions, Amir Peretz n’est ni Che Guevara, ni Arafat... Mais il représente le retour à un travaillisme traditionnel, celui de Rabin ou de Beilin. Sur le plan des négociations avec les Palestiniens, on peut considérer qu’il est assez proche de l’initiative de Genève, même s’il s’en défend [2]. Il faut d’ailleurs noter que durant les cinq années, très dures, qui s’achèvent, on n’a jamais entendu Peretz se joindre aux chorales haineuses qui se sont régulièrement élevées contre les Palestiniens. Sur le plan intérieur, un élément important est qu’il remet le social à l’ordre du jour en Israël où la situation est réellement dramatique pour une très grande partie de la population qui s’installe dans la pauvreté. Mais dans le contexte actuel, son arrivée est avant tout une bonne nouvelle parce qu’elle devrait permettre de mettre fin au consensus adopté par l’échiquier politique israélien ces dernières années : au nom de la lutte contre l’insécurité, seule la ligne de conduite brutale de Sharon était possible. Il faut espérer qu’il pourra redonner un sens à ce débat politique dans lequel la question sécuritaire a été sacralisée.
Regards.fr : Quelles conséquences aura, sur le paysage politique israélien, l’arrivée de Kadima, le nouveau parti d’Ariel Sharon ?
Michel Warschawski : En quittant le Likoud, qui devenait ingérable avec les prises de position extrême-extrême-droite de certains de ses leaders et des dérives quasi mafieuses, Sharon a fait un pari. Si l’on se fie aux sondages qui ont suivi son départ, et aux personnalités qui l’ont rejoint, ce pari s’avère payant : Kadima est donné en tête des intentions de vote. Mais je me garderai de faire des pronostics. Les choses vont bouger en quatre mois. La question de la sécurité va jouer. Beaucoup d’insécurité ferait le jeu du Likoud, un peu d’insécurité, celui de Sharon et un calme absolu aiderait Peretz. Aussi, il faut s’attendre à ce que, d’ici les élections, Sharon essaie de maintenir une situation à la fois tendue et contenue. Pour prouver que la guerre n’est pas finie mais qu’il contrôle malgré tout la situation. Ce qui est un jeu très dangereux, puisque cela peut toujours déraper...
Regards.fr : Le résultat des élections législatives palestiniennes peut-il influer sur la vie politique israélienne ? Comment serait perçu, par exemple, un très bon score du Hamas ?
Michel Warschawski : Israël est dans l’unilatéralisme, en permanence. Aussi, quel qu’il soit, le résultat des élections du 25 janvier aura peu de conséquences sur la politique israélienne qui n’est en rien déterminée par ce qui se passe chez les Palestiniens. Les responsables israéliens analyseront le résultat, s’en serviront, cela modifiera leurs angles d’attaque de propagande, mais pas leur politique. Une victoire du Hamas aurait surtout d’importantes conséquences sur le plan de la diplomatie internationale.