//« Du cœur de l’obscurité
L’âme isolée
La mémoire brûlée
Nous avons tous
Les paupières baissées
Devant les coutumes choisies
Pour nous cacher »//
Ainsi Momin Latif clôt-il ce livre élégant qu’il intitule Peut-être moi . Seul poète indien contemporain qui écrit en français, nous signale André Velter dans sa préface. Un Indien du monde, car il y vécut un peu partout : Londres, Paris, Rome, Madrid, Lisbonne, Delhi. Jamais oublié, Delhi. « Mon héritage » « Les miens et les horribles rimes » rouvrent la plaie de l’enfance, les violences du père, la mort de la grand-mère, « A cinq ans j’étais adulte/ Enfant à vingt-cinq » . Sublimées, ces années investissent un poète qui a « perdu son innocence » , travaillé par les langues et les langages, par « Le péché et le savoir » . Poursuivi par une question radicale : comment « découvrir l’énigme » « par le seul mot » ?
« Dans ma cour le jasmin en fleur/ Porte son parfum sur mon lit/ Et je tremble devant les signes » . Dans sa cour, Momin Latif reçoit fastueuement tous les bruits des contrées qu’il traverse, de la musique de 8 et demie de Fellini aux échos des poètes Cavafy d’Alexandrie ou Prévert. Erudition filtrée par les quatre sens, brûlée dans des rêves de chair, harcelée par le souvenir. Et le poème dernier, « Etrangers », qui clôt cette farandole d’aveux courts, instantanés, petites sphères qui concentrent la mappemonde. Peut-être lui ? Peut-être nous ?
Julia Moldoveanu
Momin Latif , Peut-être moi , éditions Dumerchez,
collection Double Hache, 17 euros