Les écrits des Forges, maison d’édition canadienne, publient de jeunes écrivains pas toujours connus. Pari gagnant avec la jeune poète libanaise Hyam Schoucair Yared, dont le troisième volume, Naître et mourir , écrit en français, paraît dans la collection L’idée bleue.
Une voix qui trame des passions dans la langue du corps, une frénésie du vécu sublimée dans un verbe ardent, entre la vie et la mort. Suprême liberté de parole d’un féminisme viscéral, s’adressant à un « toi » reconstruit dans l’émotion doublée d’une intelligence séductrice : « Tu es le récipient d’un autre. Ton corps/ est mon mirage. On ne s’appartient pas. La flamme a sa perspective du feu » . Le poème lui-même brûle dans un vers vif comme un feu follet : « Enseigne à ta mort à périr/ sur mes lèvres. Il n’est pas d’heures./ Il est temps. » La phrase de Bachelard mise en exergue : « L’instant c’est déjà la solitude » : jette son ombre sur ces pages où les longueurs sont voluptueuses et le mot sans détour griffe les bienséances : « Tu bandes où l’infini me tue. retire ta/ plaie/ de mon visage. Les rivières meurent/ les jambes ouvertes » . On s’arrime à cette dissolution des corps dans la matière infinie : « L’eau/ est sœur de l’extase. Je suis foule où tu bois à peine/ (...) » ; le rappel d’une extériorité désastreuse qui charge chaque temps de l’amour hante les parages : « Le geste est sans cadavre. Pourtant/ mon corps : ce peuple mort » . Au détour, Beyrouth, la violence des jours : « Il y a du kérosène dans le sang et bientôt/ : très bientôt, l’ONU inspectera nos orifices./ C’est par là qu’on nous accuse de détenir/ des produits chimiques » .
Le vocabulaire de l’amour, comme le singulier de Hyam Schoucair Yared, n’est qu’un leurre, tant il se laisse décliner dans de plurielles conditions humaines. La chute du volume est revêche : « Ne plus écrire./ Le silence est une marche absente/ Peut-être vivre est le dernier mouroir/ Peut-être qu’aimer » .
Julia Moldoveanu
Hyam Schoucair Yared , Naître et mourir , éd. Ecrits des forges, L’idée bleue, 12 e