Près de 300 étudiants se sont réunis en assemblée générale mercredi 16 mai sur la faculté de Nanterre (Paris X). Le mot d’ordre : préciser les revendications sur des sujets comme l’éducation et l’immigration en vue prochaines mobilisations contre le gouvernement Sarkozy. Les intervenants se sont succédés au micro devant un public acquis d’avance. L’après midi, 1500 personnes ont manifesté leur hostilité au gouvernement Sarkozy, de la place de la Bastille à Nation, sous le regard d’une myriade de journalistes.
« Tu sais ici on est mobilisé ! » Un étudiant en seconde année d’histoire patiente en décortiquant l’ébauche d’un CV. Assis non loin de l’amphi DD de l’Université de Nanterre, il représente à lui seul un certain dilemme posé à nombres d’étudiants : voter lors de l’AG de 12 heures en ce mercredi 16 Mai 2007 la poursuite de la mobilisation contre Sarkozy et son gouvernement ? « Oui, mais j’ai TD cet aprèm’, je pourrais pas être à la manif’. » Dans le hall, on décèle des bribes de discussions sur la manifestation prévue cet après-midi pour 14 heures à Bastille. Un groupe s’active, parlemente, jettent des regards discrets, presque inquiets, sur la multitude de journalistes présents.
Gabriel, béret "révolutionnaire", étoile rouge en pin’s intégré à la chemise, à l’aise avec le mégaphone, milite aux jeunesse communistes révolutionnaire (JCR). « Après quatre interviews, j’en ai un peu assez », précise-t-il, avant de rappeler le mot d’ordre de l’AG : « Il s’agit d’avancer sur l’explication du programme de Nicolas Sarkozy, notamment l’immigration et l’éducation. L’objectif principal de la manifestation de cet après midi est de montrer que la jeunesse ne lui donne pas le champ libre pour faire ce qu’il veut ». Une journaliste lui demande si ce n’est pas prématuré de se mobiliser alors que Nicolas Sarkozy vient d’être officiellement investi à 11 heures ce matin. Résigné, Gabriel rappelle que « Sarkozy est au pouvoir depuis 5 ans. On a déjà un gros passif à régler avec lui. Et puis, il y a déjà eu des mesures prises avec la répression massive, les peines de prisons, pour les manifestants ces deux dernières semaines ! »
Une AG légitime
Sur les murs de l’amphi accueillant l’AG des triomphants "Responsables mais pas coupables" "Soyons cruels" ou "Jouissez fort mes petits" inscrits au marqueur annoncent la couleur. Entre 250 et 300 personnes sont réunies, un chiffre « encourageant » pour les organisateurs en ces périodes d’examens. Pendant qu’une quinzaine d’intervenants défilent au micro, certains dans la salle y vont de leurs commentaires, d’autres sortent fumer une cigarette. Néanmoins la plupart sourient. Les orateurs semblent prêcher les convaincus. Une attitude qui contraste avec l’AG du jeudi 10 mai où de nombreux étudiants pro-sarkozy étaient venus défendre leur prise de positon.
Xavier, militant aux JCR, balance des chiffres qui démontent les fantasmes d’une immigration massive en France. Une étudiante propose un « petit topo » sur les cinq années sécuritaires de Sarkozy au gouvernement. Une autre expose ses craintes de voir des filières « comme Psycho ou Staps dévalorisées au profit d’Eco et de Droit ». Puis c’est au tour de Fatia d’insister sur la légitimité de la révolte actuelle. « C’est notre devoir de nous rassembler. Les luttes sont criminalisées. J’appelle à un front unique contre la répression ! » Ovation dans la salle, mais Fatia, insensible aux applaudissements, explique à la fin de sa prise de parole sa perplexité au sujet de la non concertation avec les autres campus en lutte, à savoir Jussieu, la Sorbonne ou encore Tolbiac.
Longs discours et excitation
« Certains m’ont surnommé Fidel Castro ! » avoue Romain, membre de l’AGEN , pour sa tendance à prononcer de longs discours. « Je peux pas être déçu de l’arrivée au pouvoir de Sarko, on s’y attendait. Il s’agit pas non plus d’être tétanisé ! » Le défilé des intervenants se poursuit, toujours dans le même ton. Tous semblent s’accorder sur une convergence de lutte nécessaire avec les autres facultés, mais aussi avec les salariés précaires, les chômeurs, pour « dépasser un certain corporatisme étudiant » admet l’un des leurs. « Et les paysans ? » questionne un autre. « On peut s’écouter s’il vous plait ! » ordonne un énervé. Le chahut est certes décelable, et c’est à ce moment qu’un "modéré" prend la parole : « Allez manifestez si ça vous fait plaisir. Moi, je pense que le réel combat passe par les législatives ! ». Huées dans l’amphi. Un audacieux lui rétorque « mais allume France 3 l’après-midi, tu les verras les parlementaires ! »
Voter pour rester mobilisé
L’AG tarde. La manifestation doit partir à 14 heures et il est déjà 13 heures 30. Gabriel, l’organisateur, procède alors au vote après le passage remarqué de Thierry, professeur dans le département d’anglais, qui appelle de ses vœux la poursuite de ces AG synonymes pour lui d’ « essence de la démocratie ». Sont adoptées trois propositions : une prochaine AG pour le jeudi 24 mai, un leitmotiv de lutte basé sur « l’arrêt des expulsions des sans-papiers, l’abrogation du CNE, et la revendication du droit de grève ». Enfin une nouvelle manifestation pour le samedi 2 juin, un jour avant le premier tour des législatives. Elle devrait rassembler le plus de monde possible, et dépasser le cadre étudiant, contrairement aux mobilisations de l’après midi. « On se regroupe devant la fac et on part groupé à Bastille », exige Gabriel tout en discutant avec une étudiante qui porte fièrement un t-shirt rouge bardé du slogan « all power to the people ».
Petite manif en bonne et due forme
Bastille quadrillée par les forces de l’ordre, circulation des voitures non compromise, c’est vers 14 heures 30 que la manifestation du mercredi 16 mai part du côté de la rue de Lyon. Avec l’aval de la préfecture, l’ambiance est à la marche calme pour quelques 1500 étudiants réunis pour montrer leur hostilité aux projets gouvernementaux de Nicolas Sarkozy. Quelques slogans fusent dont le classique « Tout est à nous, Rien est à eux, Tout ce qu’ils ont ils l’ont volé ; Partage des richesses, Egalité sociale, ou alors ça va péter, ça va péter ! ». Sans débordements aucun, c’est plutôt la présence massive de journalistes munis de leur caméra DV dernier cri qui détonne. Les manifestants prennent le chemin de l’avenue Daumesnil pour arriver tranquillement sur le boulevard Diderot. En début de cortège, un véhicule surmonté d’enceintes crachant « Mais qu’est qu’on attend pour foutre le feu » du groupe NTM brise la monotonie des marcheurs. A l’exception d’un timide fumigène, pour le feu, on attendra. En fin de cortège, des véhicules de la mairie de Paris se chargent de "nettoyer" les rues souillées par des pas contestataires.
Une manifestation déguisée ?
Les Jeunesse Communistes Révolutionnaires (JCR), présents ce midi à l’AG de Nanterre, semblent organiser la mobilisation. Quelques membres de la Confédération Nationale du Travail (CNT) sont dispersés dans la masse humaine, on perçoit aussi des militants de Sud (Solidaires, Unitaire et Démocratiques). Vision irréelle, et presque symbolique : un groupe réalise des photos de mode à l’intérieur même de la manifestation. « Déguisées » en militantes, des filles prennent la pose sur un petit tabouret pendant qu’elles sont "shootées" par les photographes. Un enfant manifeste aussi accompagnée de ces jeunes parents. Lui est réellement travesti en petit spiderman, et fait la joie des journalistes présents. Arrivée vers 16 heures à Nation, la manifestation stagne, en s’appropriant le quart de l’énorme carrefour. Xavier des JCR prend la parole et s’affirme « satisfait » de montrer que la jeunesse ne reste pas de marbre face à Sarkozy. Le public semble attendre quelque chose, mais mis à part les discussions engagées sur le thème de l’immigration et de l’éducation, l’atmosphère est festive jusqu’à 18H30. Aux sons des percussions, on dissimule pourtant sur le boulevard Voltaire la présence d’une vingtaine de cars de CRS. Mais, à l’intérieur, eux aussi semblent sourire.
Tout le contraire pour le rassemblement d’une centaine de personnes, pendant 20 minutes, aux alentours de Barbès, le soir vers 22 heures. Là-bas, « ça a pété ».
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=81638 : on peut voir sur ce lien, l’appel de l’AG d’après manif, concocté au CICP, rue voltaire.
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=81666 : un récit de la manif du soir depuis Barbès.
http://www.flickr.com/search/?q=manifestation+16+mai : plusieurs photos sur la manifestation du 16 mai, de l’après midi et du soir.