Afin de mettre en œuvre une véritable politique de la ville et défendre une culture vivante, à l’opposé des logiques de ghettos sociaux, éducatifs, géographiques ou ethniques, il est décisif de développer des lieux ouverts à tous et exigeants, qui manifestent avec acharnement que l’art est nécessaire pour interroger notre présence au monde et favoriser la cohésion sociale ; des lieux publics où s’éprouve, par la vision commune et le débat nourri, la communauté des spectateurs, donc des citoyens.
Au cœur de ce projet culturel et politique s’affirme la conviction qu’il est important de défendre un cinéma de proximité de grande qualité dans une zone relativement défavorisée et d’inciter, par le même geste, la population parisienne à fréquenter cette banlieue dont les médias s’obstinent à ignorer la richesse culturelle.
Pour ce complexe art et essai, la ville de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), entend fermement conserver les trois labels, attribués par le CNC, qui distinguent aujourd’hui le travail du Méliès en direction du « jeune public », tout comme sa valorisation du cinéma de « recherche », de « découverte », de « répertoire » et de « patrimoine ». Le passage de trois à six salles permettra d’amplifier cet effort.
En s’engageant à ne pas projeter plus de films qu’aujourd’hui mais à les exposer mieux, c’est-à-dire plus souvent et plus longtemps, le Méliès veut lutter, à sa manière, contre la rotation accélérée des films qui favorise la fréquentation d’impulsion initiée par le marketing et la communication des grands médias, au détriment du bouche-à-oreille et du *cinéma le plus exigeant. Pour rester dans une logique qui se veut sélective, fondée sur l’appréciation subjective et néanmoins ouverte de films réellement vus, donc pour ne pas se perdre dans l’illusion de servir sans point de vue chaque semaine « toute l’actualité du cinéma », deux de ces six salles seront consacrées à la fois au cinéma de répertoire (avec une visée pédagogique revendiquée dans la cité de Georges Méliès et des studios Pathé) et à la prolongation de films de qualité au-delà des deux ou trois semaines rituelles qui les voient parfois être chassés simultanément de tous les écrans des grands circuits parisiens.
Nous, réalisateurs et distributeurs indépendants, avons aujourd’hui besoin de lieux d’exception qui soutiennent ainsi nos œuvres, non pas les yeux des programmateurs rivés sur le seul box-office, mais subjectivement, passionnément. Ainsi ne voyons-nous nulle contradiction, bien au contraire, dans le fait que ce projet soit municipal et qu’il puisse être encouragé par l’Etat. Son statut de salle publique garantit des prix de place raisonnables pour la rendre accessible au plus grand nombre et particulièrement aux classes et écoles envers lesquelles un travail systématique d’accompagnement des films est réalisé.
En ces temps dépourvus d’audace où la notion d’œuvre est réduite à celle de produit de consommation, le cinéma d’auteur et les salles art et essai les plus entreprenantes sont engagés dans un même combat pour la qualité, la diversité et le respect de la liberté commune des créateurs et des spectateurs. N’est-ce pas cette exigence, ce refus du renoncement à la passivité, autrement dit à la seule loi du marché, qu’il est urgent de promouvoir dans le cadre d’une réelle politique culturelle ?
Les réalisateurs solidaires : Theo Angelopoulos, Sólveig Anspach, Olivier Assayas, Jacques Audiard, Catherine Breillat, Dominique Cabrera, Laurent Cantet, Leos Carax, Jean-Louis Comolli, Catherine Corsini, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Claire Denis, Arnaud Desplechin, Olivier Ducastel, Pascale Ferran, Abel Ferrara, Jacques-Rémy Girerd, Philippe Grandrieux, Robert Guédiguian, Hou Hsiao-hsien, Alejandro González Iñárritu, Benoît Jacquot, Jia Zhang-ke, Abbas Kiarostami, Cédric Klapisch, Nicolas Klotz, Jeanne Labrune, Isild Le Besco, Noémie Lvovsky, David Lynch, Tonie Marshall, Dominik Moll, Murali Nair, François Ozon, Bruno Podalydès, Nicolas Philibert, Carlos Reygadas, Francesco Rosi, Abderrahmane Sissako, Bertrand Tavernier, Tsai Ming-liang, Agnès Varda, Wim Wenders, Wong Kar-wai...
L’association Renc’Art vient de lancer une pétition contre les recours déposés par les groupes UGC et MK2 devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour tenter de bloquer le transfert et l’extension du cinéma municipal Georges Méliès de Montreuil.
Pour signer la pétition : http://www.rencartaumelies.fr/dossiers.html