Regards.fr : Pourquoi ce livre ?
A quel besoin répond-il ?
Pierre Laurent : La crise du capitalisme, les
mouvements sociaux dans plusieurs
continents, la situation
sociale et économique française
et européenne, etc. Tout
cela remet en selle des fondamentaux
du Parti et son ambition
première de dépassement
du système capitalisme. Dans
ce contexte, et à quelques mois
d’échéances électorales importantes,
j’avais envie de dire ce
qu’est le Parti communiste
aujourd’hui et les intentions qui
l’animent. Je ne voulais pas d’un
livre qui, une nouvelle fois, raconte
les débats qui traversent
le Parti depuis des années. Le
choix a été fait de le conserver
et, aujourd’hui, il s’agit de
le transformer profondément et
durablement.
Regards.fr : L’année dernière, beaucoup
de militants ont encore
quitté le Parti communiste,
déçus par son incapacité à
se transformer. Cette fois-ci,
c’est la bonne ?
Pierre Laurent : Je leur ai dit, à l’époque, qu’ils
étaient partis trop vite, que j’entendais
que des camarades, qui
avaient exigé des changements
qu’ils n’ont pas vu aboutir, pouvaient
avoir été gagnés par le
découragement. Je le dis dans
le livre : l’un des chantiers devant
nous est sûrement de faire
revenir ces forces-là et beaucoup
d’autres.
Si l’on regarde ce qu’était le
Parti il y a 30 ans et ce qu’il est
aujourd’hui, le changement est
très profond. Il s’est fait progressivement,
plus que par rupture.
Depuis les années 2000,
cependant, les chocs politiques
de 2002 et de 2007, renforcés
par un important renouvellement
générationnel, sont venus
bouleverser la manière dont les
communistes se vivent eux-mêmes
et vivent leur rapport à
la société.
Regards.fr : Quels changements peut-on
déjà constater ?
Pierre Laurent : Une chose a particulièrement
changé : c’est notre pratique
de la démocratie militante. Les
militants n’appliquent plus d’initiatives
qui viennent d’en haut.
Ils attendent de participer aux
prises de décisions. Ce que l’on
vient de vivre avec la dernière
consultation sur les élections
de 2012 en est l’illustration.
Et cela a abouti à un choix qui
n’allait pas de soi pour les communistes.
Ça change la vie du
Parti lui-même. Ça nous pousse
à approfondir nos processus
démocratiques. L’un de nos
gros chantiers est l’harmonisation
de nos structures avec ces
nouvelles pratiques politiques
de co-élaboration militante.
Cette exigence est présente
aussi dans la société. Beaucoup
de gens restent à l’écart de
la vie politique, non pas parce
qu’ils la rejettent en soi, mais
parce qu’ils n’y retrouvent pas le respect de leurs opinions. C’est
probablement là-dessus que
nous avons le plus de travail
à faire. Ça veut dire que notre
manière de faire de la politique
dans la société doit se traduire
par une pratique permanente
d’association et de mobilisation
des citoyens, sans forcément
que cette mobilisation ne se
traduise par une adhésion.
Regards.fr : Pourquoi la désignation
d’un candidat non-communiste
a-t-elle été possible
en 2011, contrairement
à 2007 ?
Pierre Laurent : J’écris que la séquence
2005 - 2007 présente un paradoxe
: le succès du « non »
au référendum (2005), puis la
terrible défaite de 2007 avec
notre propre score, l’échec des
collectifs antilibéraux et l’élection
de Sarkozy. Ce momentlà
a été fondateur pour les
communistes : on a beaucoup
réfléchi sur ces échecs, lors du
congrès de 2008. C’est à partir
de là que l’on a entrepris la
démarche du Front de gauche,
avec cet objectif d’agréger des
gens de cultures politiques
diverses et de construire une
nouvelle manière de penser
la transformation du monde.
C’est un processus complexe,
qui fait encore discuter. Mais, il
a fait ses preuves et, au fil des
consultations internes, l’adhésion
des communiste à cette
démarche n’a cessé de croître.