Accueil > idées/culture | Par Roger Martelli | 1er novembre 2005

Pistes pour une République participative

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Présidentialisme ou parlementarisme ? On peut aussi penser au-delà de ces termes. Point de départ ici proposé : la primauté de la sphère publique dans le champ économique et social et une démocratie participative, fondée sur la primauté des droits de la personne. Réflexions.

Qui méconnaît les contraintes de l’Etat de droit, fût-ce au nom de la démocratie « réelle », s’expose à des dérives dont le soviétisme a montré les redoutables dangers. Pourtant, de l’autonomie du droit à sa séparation, il y a un pas qu’il importe de ne pas franchir.

Le substrat constitutionnel ne détermine pas le contenu économique et social. Mais mieux vaut penser la transformation institutionnelle en la raccordant à un projet de société explicite. Il est impératif de penser une alternative qui soit capable de relier, sans les confondre, la primauté de la sphère publique dans le champ économique et social et une démocratie franchement participative, fondée sur la primauté des droits de la personne. Une VIe République ne deviendra donc pertinente que si elle respecte trois conditions fondamentales.

Le pouvoir ou les droits ?

La première de ces conditions est dans la structure même de la Constitution future. La tradition constitutionnelle place, selon le choix, le Parlement ou le Président de la République en tête des institutions retenues. De façon curieuse, le texte de Constitution proposé par Arnaud Montebourg place en tête le Président de la République, alors même que le parti pris énoncé est ouvertement parlementariste (1). Le plus significatif serait d’ouvrir le chapitre des institutions, non par la désignation d’un pouvoir mis en valeur, mais par l’énoncé des droits. On a pris l’habitude de cantonner les droits fondamentaux dans un Préambule vague, se référant la plupart du temps à l’énoncé des préambules antérieurs, à partir de la Déclaration de 1789. Considérés comme pré-acquis sans même n’être plus énoncés, ces droits sont peu contraignants et ne valent en fait que si le Conseil constitutionnel, devenu un véritable « gouvernement des juges », se réfère explicitement à ces droits dans l’énoncé de ses jugements. Une innovation significative serait de détacher les droits de leur place improbable en préambule et de les consigner dans une nouvelle Déclaration des droits fondamentaux et des libertés de la personne. Cette Déclaration serait placée en tête de la Constitution, comme son titre premier. Les droits qui y seraient énoncés devraient être contraignants, assortis d’obligations de responsabilité publique et ils devraient pouvoir être directement opposables en justice, sans le prisme d’un conseil de constitutionnalité. Par ailleurs, la garantie de ces droits pourrait être dans la capacité directe des citoyens à agir pour contrôler leur exercice et à peser réellement sur le fonctionnement des institutions. La démocratie participative, élargie à toutes les sphères de la vie publique, devient ainsi à la fois un objectif et un moyen de l’efficacité publique et de l’effectivité des droits : l’élargissement de la citoyenneté par la citoyenneté de résidence, les référendums d’initiative citoyenne, l’extension des conseils territoriaux et la transformation profonde des missions et de la composition du Sénat pourraient être des manières concrètes d’aller dans ce sens.

La sphère de la démocratie

La seconde condition d’une VIe République durable est dans la conception de la démocratie. Une démocratie qui se cantonne à ses seules dimensions institutionnelles est une démocratie incomplète et donc fragile. Si l’intérêt public s’arrête aux portes de l’entreprise, si la citoyenneté ne s’élargit pas au monde du travail, on conforte l’opposition entre un espace politique voué à la seule parole et une sphère économique décidant seule de l’allocation des ressources et donc des moyens mêmes attribués à l’exercice démocratique. Une Constitution moderne se doit ainsi d’affirmer l’importance cardinale d’une démocratie pleinement sociale. Et celle-ci, à son tour, implique que les droits d’intervention des salariés soient garantis, que la sécurité professionnelle sans laquelle l’implication est impossible soit tenue pour un objectif pour la société tout entière. Cela implique aussi que la puissance publique arrive à s’appuyer sur un véritable espace public. Une Constitution n’a certes à se prononcer ni sur le régime de propriété, ni sur les politiques publiques qu’il convient d’appliquer. La Constitution de la VIe République ne peut pas reproduire les défauts en ce sens de la Constitution européenne. Mais il n’est pas indifférent à l’équilibre démocratique que la responsabilité publique et nationale puisse s’appuyer sur des outils concrets et donc sur un service public authentique, qui ne serait d’ailleurs pas assumé par le seul secteur public mais aussi par les réseaux de l’économie solidaire.

L’articulation planétaire

La troisième condition d’une relance républicaine est l’ampleur suffisante de son extension géographique. Une Constitution nationale vaut pour le pays qui la détermine. Mais il y a déséquilibre possible, et donc dysfonctionnement envisageable, si la construction institutionnelle ne s’articule pas avec les échelles continentale et planétaire. La réappropriation citoyenne des choix est une exigence universelle : son effet serait automatiquement limité si les mécanismes supranationaux contredisaient la méthode nationale. La démocratie participative « dans un seul pays » n’a pas de sens. La capacité à penser de façon cohérente la subversion démocratique en France, en Europe et au niveau mondial est une clé de la crédibilité à venir.

Si ces trois conditions sont réunies, la France pourrait bien s’engager dans l’une des plus ambitieuses transformations politiques qu’elle ait connue depuis la Révolution. Pour la première fois, l’horizon démocratique pourrait n’être pas corseté dans les limites « bourgeoises » de la juste représentation. En s’articulant avec le désir d’alternative globale, la controverse institutionnelle pourrait aussi perdre son caractère hermétique et devenir, non pas la propriété de quelques-uns, mais l’affaire de toutes et tous.

1. Arnaud Montebourg, François Bastien, La Constitution de la VIe République. Réconcilier les Français avec la démocratie, Odile Jacob, 2005.

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