Accueil > idées/culture | Par La rédaction | 23 novembre 2009

Réflexions pour un postcapitalisme

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Postcapitalisme

Du neuf dans la gauche radicale : Postcapitalisme. Imaginer l’après, ouvrage collectif de l’équipe de Regards coordonné par Clémentine Autain, est disponible dans toutes les bonnes librairies. Cet ensemble de contributions vise à affirmer un parti pris, celui de la nécessité de se projeter au-delà du capitalisme. Le livre rassemble des points de vue et analyses d’une vingtaine d’intellectuels et acteurs sociaux et politiques, issus de traditions et de cultures diverses. On y découvre des convergences et des contradictions. Et une volonté commune de rouvrir sérieusement le débat sur l’alternative, sur le contenu du projet « postcapitaliste » et sur la stratégie pour y parvenir. Extraits.

Michel Onfray, philosophe

Je ne crois pas au grand soir, à l’eschatologie, au messianisme, aux lendemains qui chantent, au paradis sur terre, au grand soir après lequel les hommes vivraient d’amour, à la mécanique simpliste et pour tout dire infantile, qui consiste à croire que le réel plierait devant la machine d’une révolution, même relookée... Appropriation collective des moyens de production et fin de l’aliénation, disparition de l’exploitation ? Ne rêvons pas.

Pour autant, le réformisme me déplaît : il est le meilleur gage pour ne rien changer véritablement sous prétexte qu’on change un tout petit peu chaque jour et qu’il vaut mieux l’homéopathie sociale-démocrate (et son effet placebo, le seul d’ailleurs...) que le bain de sang d’une chirurgie lourde révolutionnaire. Je tiens que l’anarcho-syndicalisme, parce qu’il est vivant et non doctrinaire, pragmatique et non théorétique, concret et non idéaliste, direct et non médiatisé, constitue une solution. [...] Pas besoin d’attendre la révolution pour demain et se croire révolutionnaire en faisant le jeu du capitalisme libéral ici et maintenant qui se moque de cette religion qui ne l’inquiète pas et laisse en place sa brutalité. Il faut agir, créer des coopératives, les fédérer, les mutualiser, inventer des banques de quartier, fédérer des combats locaux, mettre sur pied des structures d’éducation populaire, et créer tout un maillage alternatif qui permet de sortir du fantasme de la révolution en bloc pour passer à la révolution en fragments. Car en matière de perspective politique, si c’est tout ou rien, ce sera rien...

Claire Rodier, juriste au GISTI et présidente de Migreurop

Organiser : ou interdire : la mobilité des populations aspirant à émigrer d’après la seule mesure des besoins des pays d’arrivée, alors que se creuse l’écart économique, social et environnemental entre les deux rives de la Méditerranée, est un calcul à court terme dont il faut redouter l’effet boomerang. On sait aujourd’hui qu’il existe un lien étroit entre la croissance que les pays occidentaux revendiquent comme un droit pour leurs populations et l’appauvrissement des pays du Sud.

Isabelle Garo, philosophe

L’idée de postcapitalisme est, en tant qu’idée politique, la plus confuse qui soit. Non pas d’abord en raison des multiples options antagonistes qui se présentent aussitôt à l’esprit afin de surmonter l’indétermination de l’expression. Mais surtout parce que la formule, ne nommant pas la nature propre de l’« après », ne dit rien des moyens pour y parvenir. Le terme est de ce fait, avant tout, révélateur de notre immense difficulté à envisager les voies de passage vers un avenir autre que le présent : plus capitaliste que jamais : et surtout meilleur que lui, et cela alors même qu’un tel dépassement semble plus que jamais nécessaire, vital. [...] Elision censément rassurante de tout processus politique révolutionnaire, le terme de « postcapitalisme » obtient sa coloration hyperconceptuelle et sa saveur de science-fiction par le fait même qu’il semble fracturer en deux le temps, sans donner à penser ce qui en relie les deux pans. Impolitique, il est plus encore anhistorique. Son mérite est pourtant de renouer avec l’idée que le capitalisme n’est pas la fin de l’histoire, suggérant même que la poursuite de l’histoire exige la fin du capitalisme.

Catherine Tricot, architecte-urbaniste

La ville est devenue un des lieux où se façonne notre système économique, social, politique et idéologique. Au même titre que l’Etat et l’entreprise, la question urbaine participe donc de l’invention d’une alternative à l’histoire présente. Cette question a la particularité d’être à la fois neuve et ancienne : la ville est là depuis longtemps, mais sa place structurante est un fait récent. Sans doute est-ce pour cela que nous avons du mal à penser ses nouvelles dimensions et sa nouvelle importance.

Denis Vicherat, membre d’Utopia

Comme pour l’environnement, le combat contre l’idéologie de la consommation ne peut se limiter à essayer de faire changer les comportements individuels : il est aussi éminemment politique. Il n’est pas facile car il nécessite de lutter démocratiquement contre des représentations du désir et du plaisir, certes détournées en pulsions d’achats par le monde marchand, mais situées au cœur des motivations de chacun. Il nous faut rappeler inlassablement le caractère illusoire de ce bonheur par la consommation, véhiculé mondialement par les publicitaires. Il nous faut être capables de réenchanter le monde en substituant aux biens matériels les biens relationnels. [...] C’est donc obligatoirement à une contestation radicale de ce système, au-delà des dégâts environnementaux engendrés par le productivisme, que nous entraîne ce combat.

Aurélie Trouvé, coprésidente d’Attac

La souveraineté alimentaire consiste à reconnaître le droit de chaque pays ou groupes de pays à définir sa propre politique agricole et alimentaire, c’est-à-dire le droit de se protéger. Ce droit englobe aussi des devoirs de solidarité avec les pays du Sud et celui de répondre aux enjeux écologiques. Et l’environnement ne peut plus être qu’un enjeu transnational.

Jacques Généreux, économiste et membre du Parti de gauche

En réalité, sortir du capitalisme, c’est à la fois très simple et très compliqué. C’est assez simple en termes techniques, contrairement à ce que l’on croit, car cela ne demande pas une révolution générale, une mise à bas de la société telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Il s’agit de s’attaquer aux bonnes institutions, aux bonnes règles de droit, aux bons régimes de propriété. [...] Là où l’affaire est beaucoup plus complexe, c’est qu’il faut également s’émanciper d’une culture particulière et bien ancrée. Si le capitalisme s’est installé avec une relative aisance et qu’il a pu surmonter assez facilement ses contradictions et ses limites, c’est que le mode de société et son fonctionnement vont de pair avec les piliers de la culture moderne, individualiste et productiviste. S’émanciper du capitalisme en cet autre sens, pas seulement comme système de production mais comme culture qui a soutenu et continue de soutenir ce système même quand il est en pleine crise, c’est une affaire bien plus délicate. D’où la nécessité de penser une nouvelle émancipation.

Daniel Bensaïd, philosophe et membre du NPA

Quand les survivants d’une gauche réformatrice envisagent une alternative keynésienne européenne au libéralisme, il est possible de faire un bout de chemin ensemble s’ils sont vraiment prêts à lutter pour sortir des traités européens en vigueur, pour établir des normes sociales européennes en matière de salaire, d’emploi, de protection sociale, de droit du travail, pour promouvoir une harmonisation fiscale fortement redistributive, ou pour socialiser les moyens de production et d’échange nécessaires à la construction de services publics européens en matière d’énergie, de transport, de télécommunications. [...] A supposer qu’il se trouve des réformistes suffisamment déterminés pour emprunter cette voie, nous pourrions donc combattre côte à côte pour des objectifs communs, et il se pourrait que ces mobilisations enclenchent une dynamique sociale allant au-delà des objectifs initiaux. Mais cela ne signifierait nullement une harmonieuse synthèse entre keynésianisme et marxisme. Comme projet politique d’ensemble, et non comme somme de mesures partielles, le programme de Keynes, hautement proclamé, est de sauver le capital de ses propres démons. Celui de Marx est de le renverser.

Postcapitalisme. Imaginer l’après } , un ouvrage coordonné par Regards et Clémentine Autain. Éd. Le diable Vauvert, 20 euros, dans toutes les bonnes librairies.

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