Michel Foucault ne s’est pas « droitisé » à la fin de sa vie, comme certains lecteurs de Naissance de la biopolitique ont pu le penser, il a pris au sérieux le néolibéralisme. Nuance. Au lieu d’y voir une idéologie conservatrice ou réactionnaire, le philosophe a saisi ce qu’elle produisait en termes de rupture. Dans La dernière leçon de Michel Foucault, Geoffroy de Lagasnerie pointe les potentialités d’une telle approche pour renouveler la grammaire critique à gauche. Un renouvellement dont celle-ci a bien besoin. « La gauche, et notamment la gauche radicale, a été comme désorientée, sidérée, désemparée par l’avènement du néolibéralisme. Elle s’est retrouvée comme démunie devant l’irruption de ce nouveau paradigme », affirme l’auteur, déplorant une crise générale de la capacité d’imagination, une paralysie des facultés intellectuelles, voire un anti-intellectualisme.
Qu’est-ce qui pointe derrière la critique traditionnelle de l’individualisme et de l’égoïsme des marchés ? Un éloge de l’ordre, de la régulation, de la norme collective, des transcendances institutionnelles, des pulsions autoritaires. Pour Geoffroy de Lagasnerie, la plongée foucaldienne dans les théories néolibérales permet d’ouvrir les imaginaires. Car que fait le philosophe sinon « libérer la pensée des incantations, des énoncés en forme de slogans sempiternellement utilisés pour dénoncer les méfaits du néolibéralisme mais qui servaient déjà pour disqualifier le libéralisme classique et même le capitalisme » ? Signalons au passage, avec la parution le 8 novembre de Du gouvernement des vivants, la poursuite de la publication au Seuil des cours de Michel Foucault au Collège de France. Un appel nécessaire à réinventer la gauche.
La dernière leçon de Michel Foucault. Sur le néolibéralisme, la théorie et la politique, de Geoffroy de Lagasnerie, éd. Fayard, 190 p., 17 euros
Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France (1979-1980), de Michel Foucault, éd. Seuil, 355 p., 26 euros (à paraître le 8 novembre).