Accueil > Société | Par Jackie Viruega | 1er février 1999

« Relever le niveau de vie des plus pauvres est urgent »

Entretien avec Nicole Borvo

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Estimez-vous suffisante et efficace la loi contre l’exclusion ?

Nicole Borvo : Les associations, notamment ATD-Quart monde, ont lutté pendant des années pour obtenir cette loi-cadre. Dans le long processus qui a abouti à son vote, le mot "exclusion" a été mis en débat car il prête à confusion. Il pourrait laisser croire qu’un nombre résiduel d’habitants de notre pays serait incapable de s’intégrer à une société en bon état de marche. En réalité une partie croissante des catégories populaires est privée de ressources normales à cause de l’insuffisance d’emploi. Ce sont des salariés, surtout ouvriers et employés, qui pâtissent de la forte dégradation de l’emploi et de l’inégalité croissante entre la part des salaires et celle des profits. Ils forment une partie importante de la société.

Le PCF a soutenu la loi votée en 1998, plus pertinente que le projet de la droite, qui n’a d’ailleurs jamais vu le jour pour cause de dissolution. Cette loi est un premier pas. Elle concentre et redéploie des moyens existants, de façon quelquefois non négligeable, pour remédier aux aspects les plus visibles de l’exclusion. Elle ne prévoit pas de moyens réellement nouveaux ; elle reste dans le curatif, l’assistance sociale ; elle ne s’attaque pas suffisamment aux causes et à la prévention de la pauvreté.

Cette faiblesse provient en partie de ce que les entreprises ne sont pas mises à contribution, ne serait-ce que pour indemniser le chômage. Or la dégressivité des indemnités est un drame pour de nombreux chômeurs. Et des milliers de jeunes ne trouvent que de petits boulots précaires n’ouvrant pas droit à indemnisation. Le volet assurance maladie universelle ne figure pas dans la loi. Quant au logement, des mesures d’interdiction d’expulsions sont amorcées mais le texte reste à mi-chemin concernant les taxations de logement vacants et les réquisitions.

Quelles sont les mesures urgentes à prendre ?

Nicole Borvo : Le relèvement du niveau de vie des plus pauvres. Un dixième de la population vit avec moins de 3800 francs par mois. La hausse de 3% des minima sociaux est trop faible. Leur augmentation et celle des bas salaires serait une mesure de justice sociale et contribuerait à une amorce de croissance.

La fiscalité des entreprises devrait pénaliser les suppressions d’emplois. Aujourd’hui, les licenciements massifs prennent de vitesse les trop faibles créations d’emplois. Le maintien de l’emploi existant est indispensable. Les incitations publiques doivent être plus pertinentes et les aides à la création d’emplois plus contraignantes pour les entreprises. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

La précarité frappe massivement les jeunes. Les dispositions de la loi contre l’exclusion pour les intégrer sont trop limitées. Une dynamique plus forte passe par des mesures contraignantes d’embauche des jeunes. Les entreprises ne s’engagent pas dans des emplois durables alors qu’elles bénéficient depuis des années d’une précarisation du travail qui ne leur coûte pas cher. Je pense qu’il n’y a pas à leur accorder d’aides publiques supplémentaires. Le budget reste cependant dans une logique de diminution des charges pour les employeurs sans aucune contrepartie. En même temps, la précarité se développe, la proportion des contrats à durée déterminée par rapport aux emplois stables croît et embellit.

Notez-vous un changement global d’attitude concernant la pauvreté ?

Nicole Borvo : Une combativité nouvelle se fait jour depuis quelques années. Elle est liée à la massification de l’appauvrissement des catégories populaires. Même si les plus militants sont minoritaires, ils représentent beaucoup de monde. Leur mise en mouvement est une heureuse surprise. Après les "années fric", le mouvement des salariés de 1995 et celui des chômeurs de 1997 constituent les deux manifestations nouvelles de résistance et de mobilisation contre le libéralisme débridé. Peut-être amorcent-elles, bien qu’on ne puisse rien prédire, une inversion de tendance et une reprise de la combativité sociale ?

* Secrétaire du comité national du PCF, responsable des questions de société

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