Le gouvernement reste campé sur ses positions. Avant d’engager la discussion sur le bilan de la réforme des retraites de 2003, il a inscrit d’emblée dans la négociation le passage de la durée de cotisations de 40 ans à 41 ans d’ici à 2012 pour que les salariés puissent bénéficier d’une retraite à taux plein. L’âge légal de départ reste fixé à partir de 60 ans, même si le seuil maximum des 65 ans comme le cumul de revenus entre un emploi et une retraite devraient être assouplis. Les départs anticipés pour carrières longues en faveur des salariés qui ont commencé à travailler à 14 ans et 16 ans sont préservés. Avec la génération du « baby-boom », le nombre de retraités est passé de 500 000 par an au début de la décennie à 750 000 en 2007 et 2008. Bernard Thibault (CGT) juge la mesure « gravissime ». Les cinq centrales syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) ont appelé à « une journée nationale interprofessionnelle d’action et de manifestations » le 22 mai « pour la défense de la retraite solidaire ».
Pour Gérard Filoche, inspecteur du travail et membre du conseil national du PS, l’allongement à 41 annuités ne reflète pas la réalité : « Les Français travaillent en moyenne 37 ans. Donc l’allonger à 41 annuités, c’est se moquer du monde. C’est dire aux travailleurs de sauter à la perche sans perche. C’est une escroquerie que de vouloir allonger la durée de cotisation. D’autant qu’avant 60 ans, on est souvent licencié, inapte ou malade. Il faut s’en tenir à la réalité », plaide-t-il. La loi de 2003 a allongé la durée de cotisation à 40 ans pour les travailleurs du secteur public comme du privé. La nouvelle réforme pourra, elle, passer par décret. Il n’y aura pas besoin de consulter le parlement. La seule obligation du gouvernement actuel sera de consulter les partenaires sociaux. Selon Gérard Filoche, s’il n’y a pas de manifestation massive programmée, c’est parce que « l’opinion publique est un peu abasourdie par tous les mensonges que l’on déverse sur les retraites ». Alors quels mensonges ?
Choix de société
Premièrement : l’espérance de vie augmente d’un trimestre par an. « Faux, rétorque l’inspecteur du travail. C’est un demi trimestre par an. Les gens croient qu’il vont vivre centenaire mais ce n’est pas le cas. Le rapport Charpin de 1998 se trompe sur l’espérance de vie. A partir de 55 ans , deux maladie sur trois sont liées au travail. Donc reculer l’âge de la retraite a pour conséquence de limiter l’espérance de vie ».
Deuxièmement : le taux de natalité actuel ne permettra pas de financer les retraites de demain. Le rapport Charpin prévoyait 250 000 naissances par an à partir de l’an 2000. Cela signifiait que l’on aurait pas assez d’actifs pour payer les retraites. « C’est encore faux, assure Gérard Filoche. Depuis l’an 2000, on compte 850 000 naissance par an soit trois fois plus que ce qui était attendu. La démographie n’est pas si catastrophique que ça. On peut compter sur la courbe des naissances pour financer les retraites ».
Troisièmement : il faut allonger la durée de cotisation parce que les retraites sont trop chères à financer. « C’est un choix de société, considère l’inspecteur du travail. Le Conseil d’orientation des retraites a calculé le coût du financement sur une période de 30 ans (2006-2036). Cela représente 4,1 voire 4,2 points du PIB en plus. Il faut choisir : soit on place ces points sur les retraites, soit on les met ailleurs comme le souhaite le Medef ». Or, ce choix de société est possible selon Gérard Filoche : « même avec 1,7 point de croissance, le PIB double. Il ne faut donc pas raisonner à PIB constant. La solution serait d’augmenter les cotisations sociales salariales et patronales de 0,36 voire 0,4 point par an dans les 20 ans qui viennent. C’est la solution que refuse la patronat qui ne veut pas mettre la main à la poche et que se refuse à envisager le gouvernement qui est du coté du patronat . Or c’est la solution la plus favorable aux salariés », résume Gérard Filoche. Après les discussions avec les responsables sociaux, le gouvernement a prévu de traduire ses intentions dans un ensemble de mesures législatives et réglementaires, sans avoir recours à l’élaboration d’un texte spécifique. Elles devraient s’intégrer dans le projet de réforme du financement de la protection sociale renvoyé à la préparation du budget de 2009.