Accueil > économie | Par Jean-Baptiste Ferrière | 28 avril 2008

Retraites : les moins de 30 ans prennent la parole

Si la plupart des lycéens ne se préoccupent pas encore de ce que deviendra leur retraite, les étudiants se sentent, eux, concernés par la réforme du régime général prévu au second trimestre 2008. De leur côté, les jeunes travailleurs ont le nez dans le guidon et ne se sont pas en mesure de manifester contre l’allongement à 41 ans de cotisation. Question d’emploi du temps.

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Lycée Voltaire à Paris. Les élèves sont en lutte contre les suppressions de postes. Entre deux manifestations, l’ambiance est à la décontraction. Humour potache et bousculades devant le bahut. Bien évidemment, la retraite leur paraît loin. D’autant que bon nombre d’entre-eux ne savent encore vers quel métier s’orienter. Anaïs Raslain, 17 ans, en terminale scientifique, souhaite devenir illustratrice. La réforme des retraites ? Passe ton bac d’abord : « C’est pas une question que je me pose parce que à 17 ans, j’ai d’autres préoccupations que ma retraite. Je suis en train de construire mon avenir professionnel. Pour le moment je ne suis pas inquiète. Un an de cotisation supplémentaire ne me paraît pas énorme. Mais j’ai du mal à me rendre compte de ce que cela représente dans une carrière ». De son côté, Marius Atherton, 17 ans, lui aussi en terminale scientifique, a suivi le mouvement des cheminots à l’automne 2007 : « les retraites, cela ne me parle pas, même si j’ai suivi les grèves contre la réforme des régimes spéciaux. J’étais solidaire des cheminots. Pour ce qui est du régime général, 41 ans, ça fait beaucoup, mais je me manque de recul pour juger vu que je n’ai pas encore vécu la moitié de ça ». Contrairement à ses camarades, David Cohen, 18 ans, en terminale littéraire, se dit prêt à manifester contre cette réforme : « 41 ans c’est long parce que si on fait un bac + 5, on commence à travailler à 23 ans dans le meilleur des cas et on termine vers 64 ans. C’est maintenant qu’il faut manifester pour les retraites, pas dans 40 ans. Après ce sera trop tard ». Pour sa part, Mathias Leblanc, 16 ans, en première scientifique, s’estime mal informé : « Les retraites, on en parle pas assez, on est mal informé là dessus. Je trouve qu’on en parle très peu aux informations. Les journalistes devraient réaliser des sujets pédagogiques, ce serait plus intéressant que la vie people de notre président ».

Université de Tolbiac. Entre deux cigarettes, on discute, on potasse les derniers cours ou on profite du soleil en toute simplicité. La plupart des étudiants se sentent concernés par la réforme du régime général des retraites, même si cela ne constitue pas pour eux un enjeu majeur. Certains, comme cette étudiante de 20 ans inscrite en 1ère année d’histoire, constatent en effet que la réforme des retraites passe au second plan de l’actualité. D’où l’absence de mobilisation : « On peut dire merci à la flamme olympique d’avoir zapper cette question de l’opinion publique ». Et se dit très pessimiste quant à son avenir : « Ceux qui ont 20 ans aujourd’hui n’auront pas de retraite, c’est clair qu’on est dans la merde. On est la première génération qui pourra dire à ses parents qu’elle ne vivra pas mieux qu’eux. Et avec la retraite par capitalisation il n’y aura pas de retraite égalitaire. On est une génération sacrifiée. La génération des années 80-90, c’est la génération du sida, du chomage et de la précarité. C’est pour ça que c’est important en tant que jeune de se mobiliser. J’étais mobilisée contre le CPE. Si demain il y a des manifestations contre cette réforme, je me tiens prêt à manifester. J’ai apprécié le fait de voir les retraités se mobiliser en mars, de voir un métissage des cultures. C’est historique. Avant on se battait pour acquérir des droits sociaux, maintenant on se bat pour les préserver ».

Régression sociale

Pour beaucoup d’étudiants, en effet, l’allongement à 41 annuités constitue avant tout une régression sociale comme l’affirme Victor, 21 ans, en 3e année d’histoire : « On a fait sauter le dernier verrou avec les cheminots à l’automne sous prétexte d’équité pour tout le monde. On nous parle de progrès, de croissance et en parallèle on voit que l’on est confronté à des reculs sociaux bien réels. L’allongement de la durée de cotisation en est un exemple frappant. Passer de 40 à 41 voire plus est synonyme de régression sociale. Toute cette logique répond aux exigences néolibérales du Medef. C’est plus de l’ordre de la régression que du progrès. On se fait entuber tout les jours un peu plus profondément. Et je déplore le fait que l’on en parle si peu dans les médias. Il y a peut-être une connivence entre les journalistes et le gouvernement. Toujours est-il que je me sens concerné par cette réforme et je me tiens prêt à aller manifester si l’occasion se présente ». Même son de cloche du côté de Vincent Donne, 22 ans, en 3e année d’économie : « On se situe un peu à un tournant par rapport à la réforme qu’avait engagé Fillon en 2003. Il y aura sûrement une levée de bouclier dans les années à venir quand il s’agira de passer à 42 annuités. Etant donné que la réforme était passée en 2003, la seule chance de sauver le système des retraites c’est justement de manifester aujourd’hui. C’est maintenant qu’il faut se mobiliser. Je trouve les syndicats de travailleurs un peu dociles car ils se contentent de mesurettes comme les augmentations de salaire. Au final, le pouvoir d’achat reste leur préoccupation numéro un alors que l’on pourrait mener ces deux combats de front. Malheureusement, je pense que cette réforme va passer comme une lettre à la poste. Aujourd’hui, c’est plus quelque chose qui mobilise vraiment les gens. On a tendance à voir les chose de manière trop corporative. Les syndicats font mine de résister un peu pour soigner leur image auprès de leur base. Mais la CFDT, la CGT et FO seront prêts à accepter une telle réforme qui marque une période nouvelle où l’on commence à perdre nos acquis sociaux. Cela ouvre une ère très négative pour les droits des travailleurs ».

Militant à ATTAC Simon Lowry, 19 ans, en 2e année d’histoire, considère que la défense du système par répartition est vital : « J’ai la double nationalité américaine et je vois que là bas les vieux sont obligé de travailler tard. C’est un acquis social à défendre, c’est évident ». Pour sa part, Maïté Ducatez, 21 ans, en 3è année de droit public pense que le problème du financement des retraites aurait dû être réglé bien avant : « Certaines catégories de personnes seront sûrement plus touchés que d’autres. Je m’inquiète quand je vois le faible taux de pension de certains retraités. On a pas suffisamment anticipé le problème du financement. Il aurait fallu s’attaquer au problème bien avant le départ à la retraite des baby boomers. On aurait du régler la question il y a 20 ans, à l’image de l’environnement ou de la sécurité sociale ». Syndiqué à la Fédération syndicale étudiante (FSE), William, 25 ans, prépare le Capes d’histoire. Il suit la question des retraites depuis 2003 : « Dans ma famille les gens commencent à partir à la retraite et quand je vois que je gagne 200 euros de plus qu’eux en étant surveillant, je me pose des questions quant au devenir de nos retraites. Le taux de natalité et de mortalité se sont équilibrés, les gens vivent plus longtemps. Mais travailler plus longtemps pour gagner moins d’argent, je vis ça comme une perte de droit. Ceci dit, le terme de régression est un peu excessif. C’est égoïste de dire ça vu le monde dans lequel on vit ». Et d’ajouter : « J’ai lu dans un article que la jeunesse de France est la plus pessimiste sur son avenir de toute l’Europe. Il faut dire que se projeter dans l’avenir, socialement parlant, c’est difficile. On a vraiment le sentiment que l’apogée du niveau de vie est arrivé avec la génération de nos parents ».

Absence de mobilisation

Parvis de la Défense. Le nez dans le guidon, les jeunes travailleurs de moins de 30 ans sont des gens pressés. Et rares sont ceux qui se laissent abordés pour une interview. Julien Biheur, 29 ans, dessinateur, relativise l’argument consistant à avancer que l’allongement de la durée de cotisation doit aller de paire avec celui de l’espérance de vie : « Il faut prendre en compte la pénibilité au travail. Un ouvrier ne pourra pas travailler jusqu’à 65 ans sans avoir des problème de santé. D’autant que les travaux physiques sont souvent les moins bien payés donc ceux qui donnent droit aux retraites les plus maigres. Il faut relativiser l’allongement de la durée de vie. Tout le monde ne vit pas jusqu’à 90 ans et en bonne santé ». Stéphane Revah, 26 ans, assistant marketing dans le domaine des jeux vidéo se dit, lui, impuissant pour contester cette réforme : « Si il faut cotiser plus, on a pas le choix. C’est une fatalité ». Idem pour Karim Mazit, 29 ans, travailleur au service courrier d’une banque : « On peut rien faire parce que c’est le gouvernement qui décide. On est impuissant. C’est difficile de mettre en place une manifestation massive sur cette question dans la mesure où l’on en parle peu dans les médias ». Et pour Faustine Sarrazin, 24 ans , employée au service marketing dans une banque, la solution de la retraite par capitalisation reste inégalitaire : « On ne sait pas si on aura une retraite plus tard. La solution passera sûrement par les retraites par capitalisation mais cela aura pour conséquence de creuser les inégalités. Un an de plus, ça va encore, mais il ne faudrait pas l’allonger jusqu’à 45 ans ». Clément Giren, 26 ans, commercial, ne se fait, lui, pas d’illusion : « On nous dit 41 ans mais je ne suis pas dupe : cela va sûrement augmenter dans les années à venir ».

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