Me voici donc à Copenhague dans la grande messe du climat, une nouveauté pour moi. C’est mon premier sommet sur les enjeux climatiques, mais je ne suis pas vraiment dépaysée. Cela m’évoque toutes ces conférences mondiales sur le sida organisées tous les deux ans, auxquelles j’ai participé depuis 1998 en tant qu’activiste pour Act Up puis en tant que journaliste. La dernière avait réuni en 2008 à Mexico plus de 25000 personnes, toutes mobilisées pour répondre à l’urgence de l’épidémie, qui touche aujourd’hui près de 36 millions de personnes.
Je retrouve donc le fonctionnement bien huilé des conventions internationales sous l’égide de l’ONU, où chacun doit être à sa place et doit agir dans le respect des règles diplomatiques. Les ONG dans leur coin, à qui on laisse le soin de faire de l’agit-prop tant que cela reste bien policé, les délégations et les négociateurs d’un autre, et les lobbys un peu partout présents. Quant aux médias, très nombreux, nous pouvons quasiment circuler partout ou presque, ce qui nous donne la possibilité d’avoir une approche globale du sommet, mais d’être aussi complètement perdus, dans le flot d’informations et d’évènements.
Mais ce qui change ici par rapport à ce que j’ai connu dans le domaine du sida, c’est que nous sommes dans le cadre d’un sommet de négociations : les politiques sont donc là. Et chacun joue d’astuce pour communiquer au bon moment, provoquer les incidents de séance quand il le faut, voir médiatiser les rapports de force quand cela est nécessaire. Reste à savoir si l’humanité convoquée à Copenhague arrivera à conclure un accord acceptable, à la hauteur des enjeux.
Le déséquilibre Nord-Sud est en tout cas bien visible : en salle de presse, on est inondé des communications officielles des pays riches (Etats-Unis, Union européenne dont l’Allemagne ou la France) ainsi que de nombreux groupes industriels sur leurs efforts pour la réduction des gaz à effets de serre (DHL, Scandinavian AirLines, plusieurs constructeurs automobiles). Par contre, il est un peu plus difficile de trouver les communications des Etats du G77 (qui réunit à peu près les pays non-alignés), dont les délégations, bien présentes, sont loin de disposer des mêmes moyens pour diffuser leurs points de vue.
LE CALME AVANT LA TEMPÊTE
Après l’agitation des premiers jours que l’on m’a relaté, aujourd’hui est une journée un peu plus tranquille au Bella Center (où se tient le sommet). Le Réseau « Sortir du nucléaire » et ses partenaires internationaux [1] de la campagne « Don’t Nuke the Climate ! », ont rompu ce calme apparent, en affublant ce midi la Petite Sirène d’un masque, afin de dénoncer l’instrumentalisation de la crise climatique pour favoriser l’industrie nucléaire. Un avant-goût des mobilisations, avant la manifestation organisée le 12 décembre (http://12dec09.dk/content/english) dans les rues de Copenhague.
Hormis les nombreux militants qui sont en train pour rallier le Danemark (les Amis de la terre partent demain de Paris avec 400 personnes), nombreuses sont les personnalités politiques françaises annoncées. Evidemment une importante délégation des Verts/Europe Ecologie est en route avec Cécile Duflot et José Bové, mais on attend aussi Olivier Besancenot (NPA) et Pierre Laurent (PCF). Martine Aubry est aussi annoncée la semaine prochaine, tout comme un certain nombre de parlementaires français, venus dans les bagages de Jean-Louis Borloo. Ne gâchons pas ce plaisir : on doit se réjouir que la question climatique ne soit pas seulement portée par les ONG et les activistes, mais qu’elle figure aussi à l’agenda des politiques. Pour autant, leur présence ne doit pas les exonérer d’être militant sur ces enjeux, et notamment d’arrêter de tergiverser sur la nécessité d’une fiscalité écologique et équitable ou la nécessaire reconversion de l’industrie automobile.
Nous voici donc dans un Round d’observation avant les réelles négociations attendues la semaine prochaine. D’où tout l’intérêt des mobilisations du 12 décembre, ici et partout dans le monde, pour rappeler à tous ces chefs d’Etat qu’ils sont observés et surveillés quant aux engagements qu’ils sont prêts à conclure. Emmanuelle Cosse, rédactrice en chef de Regards
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