//« ... avec moins d’illusion que jamais, sans rien en attendre. Tel est l’état d’esprit de Bernard Chambaz quand il se met à écrire « un livre de mille et une séquences ... Eté finit par la séquence 500, « la deuxième partie viendra en son temps »//.
Si Eté est de la poésie... Qui pourrait en douter ? Du jaune de la couverture à l’aveu tragique du pléonasme de l’écriture, tout le vécu de Chambaz est poésie, frénétiquement, mélancoliquement, lucidement, naïvement, savamment... Faite d’une substance éclatée en milliers de registres mais fluide dans la verve du sentir. Qui n’hésite pas de nous introduire dans son artisanat, ni de se faire avec le lecteur, ni de demander conseil ou d’évoquer les ancêtres : « J’aurais voulu mieux ordonner l’ensemble, suivre plus attentivement chaque mot, chaque son (...) sans renoncer pourtant au hasard, à un après-midi bruissant de sansonnets dans une vieille ville arabe, à un gong, mot jouvien intact, petite sonnette de Malherbe, voire sornette qui émarge à côté des vers et des contes bleu de Boileau. » Le temps et l’espace sont faits de mots, que ce soit dans les « suites carolingiennes » :
//« Petitpoèmeamoureux
Pourvoircequeçadonne
Sansdétacherleslettres
Tesyeuxvertbrooklyn »//
Ou, ailleurs :
//« Le poème est aussi dessin
bloc de lignes
bloc de mots
bloc pas forcé
ment carré
mais bloc, géométrie improvisée et »//...
S’y insèrent l’étrangeté d’une langue « d’outre-entendement » , des fragments de joie, de mort et de solitude, la surprise au gré de chaque jour/séquence/instant/couleur/ image/son/blanc... et tant d’autres choses, qui nous reconstruisent, sur terre, en lisant.
Bernard Chambaz , Eté, poème, chants I à V , Flammarion, 19,50 ?