Quel rôle tient la dimension politique de la chanson dans la programmation ?
Roxane Joseph : Le festival TaParole, qui revendique un côté militant, s’attache à remettre au goût du jour cette tradition contestataire. Il existe des classifications assez subjectives entre chanson et variété, mais je tiens malgré tout à la différence entre les deux. Car le mot « chanson » inclut une dimension politique. Au cours de nos recherches dans les bars, les sous-sols, les théâtres, les festivals, nous recherchons toujours une étincelle d’engagement. Mais ce serait réducteur de ne s’intéresser qu’à la chanson militante au sens strict. On peut être très engagé en parlant d’amour comme d’injustice sociale. Ce qui compte, c’est que le public ait envie, en sortant des concerts, de déplacer des montagnes.
La chanson, c’est aussi ce lien indissociable entre musique et texte…
Roxane Joseph : L’un des objectifs de l’association est de briser les barrières qui séparent poésie écrite et poésie orale. Des chanteurs comme Léo Ferré, Jean Ferrat et tant d’autres ont beaucoup œuvré à la popularisation de la poésie. Nous avons invité cette année Jean Vasca – un bel exemple de l’alliance profonde qui existe entre engagement, poésie et chanson. Ce monsieur qui a traversé les années est une sorte de franc tireur qui se revendique anarchiste, tout en s’inscrivant dans la tradition de la poésie. Ses textes sont magnifiques.
Cette année, deux artistes issus du monde du rap et du slam seront présents. Est-ce une volonté de déplacer les frontières du genre ?
Roxane Joseph : Yas And The Lightmotiv est une slameuse qui s’est entourée de très bons musiciens. Elle défend des textes ancrés dans le social, avec une poésie et une puissance d’interprétation saisissante. Quant à Alee, c’est un Breton qui a tourné pendant dix ans dans un groupe de hip hop et qui un jour a décidé de faire la tournée des bars avec sa guitare et son flow particulier. Un joli contraste ! Le genre « chanson » est divers, il va du rock au slam et au hip hop, en passant par le récital, la guinguette ou le jazz manouche. Mais, même si le concert de Casey est l’un des plus frappants auxquels j’ai assisté cette année, il faut garder une cohérence. On ne veut pas être démagogues.
D’où vient l’envie de programmer du théâtre ?
Roxane Joseph : Lorsque j’ai assisté au spectacle de Nicolas Lambert, Elf la pompe Afrique, j’ai été abasourdie par le travail et par le résultat. Assister pendant deux ans au procès Elf, en faire un texte extrêmement théâtral, avec une telle performance d’acteurs, est quelque chose d’impressionnant. Nous avons aussi programmé Sarkophonie. Dans cette pièce, seul en scène à la manière d’un auteur compositeur interprète, le clown n’attend pas d’être animé par le désir d’un metteur en scène ou d’autres comédiens. Il arrive avec un propos qu’il transcende.