« A gauche, à gauche. Poussez ! Poussez ! » crie un éleveur à son chien, bâton à la main. Les 200 moutons quittent un champ pour gagner la départementale. Les voici partis ce lundi 28 pour parcourir sur cinq jours un peu plus de 50 kilomètres, de Mornans, dans le sud de la Drôme à Valence. Environ une centaine de personnes, éleveurs, bergers, sympathisants participent tranquillement à cette transhumance. Les organisateurs, membres du collectif « Faut pas la boucler », ont entamé cette longue marche afin d’alerter l’opinion sur le puçage électronique de leurs bêtes, obligatoire depuis juillet 2010. Cette puce électronique est censée améliorer la traçabilité : « Mais nos bêtes sont déjà tracées. Elles possèdent chacune deux boucles avec le numéro de l’exploitation et de l’animal », explique Laure Charoin, au t-shirt représentant un mouton bouclé, sous perfusion avec pour légende « No Futur. Ni pucés, ni soumis. » La puce ne contient pas d’avantage d’information.
« Pourquoi pucer ? Ca pose des questions philosophiques quand même de pucer des êtres vivants ! Et c’est un flicage de notre cheptel » assure quant à lui Etienne Mabille, tout en surveillant le troupeau qui s’apprête à quitter la route. No puçaran scande une pancarte en carton accrochée à la voiture balai, mais gare à ceux qui ne pucent pas. La résistance d’Etienne lui a coûté cher. Ses aides de la Politique Agricole commune (PAC), dont les éleveurs sont tous dépendants à des degrés divers, lui ont été ôtées. Huit mille euros de revenus en moins sur les 12.000 habituellement perçus. Et les sanctions ne s’arrêtent pas là. La direction Départementale de la protection des populations (DDPP) risque de lui donner une amende de 410 euros par brebis non identifiée. « Ils ont foutu l’exploitation d’Etienne en l’air. Nous ne pouvons plus vivre notre métier comme nous le voulons. Ras le bol des contraintes. » s’énerve un autre éleveur, Yvan Delage. Ces éleveurs drômois se voient imposer des normes qui les poussent vers une industrialisation de leurs métiers. C’est ce que critique le réalisateur du documentaire « Moutons 2.0 » qui filmait le défilé.
Bande annonce :
En 2015, ils devront se fournir en mâles reproducteurs dans des centres de sélection, des mâles « certifiés ». « Ils vont sélectionner des mâles selon des critères de productivité, pour que les brebis produisent plus de lait. Moi je choisis mon bélier en fonction de son adaptation au milieu, de sa rusticité », raconte Sébatien Pelurson, à la tête du cortège. Les pouvoirs publics « espèrent ainsi mettre fin à la tremblante mais il va y avoir une perte de la richesse génétique. Les bêtes ne sont pas à l’abri d’attraper d’autres maladies » poursuit-il. Bio ou non, ils ont tous fait le choix d’être au plus près de leurs bêtes dans de petites exploitations. A ses côtés, Patrick Resneau s’en prend aux grands exploitants : « Ce sont eux qui sont le plus touchés par les maladies parce qu’ils sur-nourrissent leurs bêtes, ce sont eux qui sont d’accord pour ces changements et à nous on nous l’impose. » Le collectif réclame le droit « d’avoir le choix », « d’exister ». Les moutons entrent dans le village de Saou. En ligne de mire, la préfecture de Valence le 1er février. Mardi matin le préfet a interdit l’accès de la transhumance à la ville.