Hier, les salariés du groupe pharmaceutique Servier étaient dans la rue. Une première. Il faut dire que l’entreprise n’a pas lésiné pour susciter la colère en son sein. Comptant 21.200 salariés dans le monde, dont 5.000 en France, Servier vient d’annoncer un bénéfice net de 352 millions d’euros, contre 77 sur l’exercice précédent, et… la suppression imminente de 610 postes nets. Un simple mail envoyé aux salariés pour leur annoncer le choix stratégique de l’entreprise, qui s’assoit sans complexe sur l’emploi, sur l’humain.
Son concurrent Sanofi a pour sa part annoncé la suppression de 600 postes sur trois ans. Le groupe a pourtant réalisé 2,3 milliards d’euros de profit au premier semestre 2015, et distribué 3,8 milliards de dividendes l’année dernière. Il a aussi bénéficié de 27 millions d’euros de l’État au titre du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en 2013 et 2014, et de 125 millions à celui du Crédit impôt recherche (CIR) en 2014…
Les dividendes contre l’emploi
Chez Servier Biogaran comme chez Sanofi, la main de la direction ne tremble pas quand il s’agit de laisser sur le carreau des centaines de salariés. Ainsi va ce monde de brutes : du matin au soir, le gouvernement et le Medef demandent au grand nombre de « faire des efforts » parce que c’est la crise et, dans le même temps, les dividendes reversés aux actionnaires explosent.
C’est une étude très sérieuse du cabinet Eres qui, sans grand relai médiatique, a récemment rendu des conclusions éloquentes à ce sujet. Depuis 2006, nous assistons à une nette remontée de la part des bénéfices reversée en dividendes. En 2014, 46 milliards d’euros ont ainsi été attribués pour les seules entreprises du CAC 40. Les salariés sont les vaincus du système : cinq fois plus de bénéfices sont versés en dividendes aux actionnaires qu’en primes aux salariés.
Oui, les rentiers du capital profitent de "la crise". Selon une étude de l’IFGE (Institut français de gouvernement des entreprises), entre 1991 et 2011, le montant des dividendes des principales entreprises françaises a été multiplié par sept. Le chômage n’a, lui, cessé d’augmenter et les salaires plongent à la baisse.
Justice pour les Goodyear
Dans ce contexte, la colère des salariés trouve une légitimité renforcée. Cela ne signifie pas qu’elle se manifeste plus massivement et fortement tant la peur du chômage rôde et l’état des rapports de force s’est détérioré. L’État ajoute une pierre à l’édifice des difficultés pour les salariés : la pénalisation des mobilisations sociales, qui s’est développée ces dernières années, avec une accélération toute récente sous couvert de climat d’état d’urgence prolongé.
La condamnation inouïe des Goodyear, avec neuf mois de prison ferme pour des salariés rebelles à l’annonce d’un plan de licenciement massif, a suscité un vaste mouvement d’indignation. C’est heureux : la lutte des Goodyear s’élève contre le mépris de classe qui conduit les puissants à contenir la révolte populaire contre un système économique et social de plus en plus injuste. Plus de 150.000 personnes ont, en quelques jours, signé l’appel "Nous sommes tous des Goodyear". Un chiffre qui traduit l’écœurement grandissant à l’égard de politiques visant à stigmatiser et punir ceux qui subissent de plein fouet les méfaits d’un capitalisme financiarisé mortifère.
Jeudi 4 février, une journée de grève et de manifestations est organisée en solidarité avec les Goodyear. En Île-de-France, les RER seront au ralenti car des salariés de la RATP entendent exprimer leur soutien. Au moment où le débat public se focalise sur la guerre des identités, gageons que demain, les enjeux de justice et d’égalité passeront le mur du son.
La colère monte en fonction de bien des paramètres, dont ces deux-là
l’ampleur des régressions sociales et démocratiques
la perte des illusions sur le PS entretenues si longtemps par les politiciens du FDG
Le relevé journalier des grèves et luttes est un des outils de mesure. Relevé du jour : http://wp.me/p5oNrG-jno
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