Loin de la fable présidentielle sur les « premiers de cordée », c’est au contraire un processus de sécession des classes dominantes qui se dessine sous nos yeux. Une telle évolution est bien sûre lourde de régressions démocratiques, car il faudra bien contraindre par la force la masse des laissés pour compte.
L’enquête réalisée par le Compas pour l’Observatoire des inégalités, "Niveau de vie et inégalités : comment se situe votre commune ?", est une mine pour apprécier les dynamiques à l’œuvre dans les grandes agglomérations.
Pour chacune des 419 communes de plus de 20.000 habitants de la France métropolitaine, il est possible de connaître le niveau de vie médian, celui minimum des 10% les plus riches, celui maximum des 10% les plus pauvres ainsi que le taux de pauvreté et le niveau des inégalités selon l’indice de Gini. Les revenus des habitants ont été calculés en enlevant les impôts directs payés et en ajoutant les prestations sociales.
De Gif à Clichy : le piège des indices
Pour exemple, on relèvera, aux deux extrémités de ce classement, les cas de Gif-sur-Yvette dans l’Essonne et de Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis.
Gif-sur-Yvette se hisse au troisième rang du revenu médian le plus élevé avec 2.767 euros. Les 10% les plus riches sont au-delà de 4.950 euros mensuel quand les 10% les plus pauvres sont en-deçà de 1.391 euros. Le taux de pauvreté culmine à 5%, bien au-dessous de la moyenne nationale qui s’élève à 14,69%, et l’indice d’inégalité est assez bas à 0,28 (plus il tend vers zéro plus l’espace considéré est égalitaire).
À l’inverse, Clichy-sous-Bois dispose d’un niveau de vie médian de 1.088 euros, soit 21% de moins que le seuil des 10% les plus pauvres de Gif ! Le niveau des 10% les plus riches commence à 2.032 euros, dans une ville où le taux de pauvreté, un des plus élevé de France, atteint 44,23% – mais avec un coefficient de Gini de 0,27.
La quasi égalité, pour les deux villes, de l’indice d’inégalité montre que cet indicateur n’a en fait aucun intérêt pour des villes moyennes. Il a son utilité à l’échelle d’un pays, d’une métropole, mais dans le cas présent il traduit par un même chiffre une ville riche sans pauvres et une ville pauvre sans riches.
« Un processus de séparatisme social »
Cette extrême ségrégation pourrait apparaître comme le fruit de deux cas extrêmes si nous ne disposions pas d’une deuxième étude réalisée par l’IFOP pour la fondation Jean Jaurès : "1985-2017 : quand les classes favorisées ont fait sécession".
L’auteur de l’étude, Jérôme Fourquet, analyse l’évolution de la densité de cadres dans le cœur des grandes métropoles ; le comportement scolaire avec un recours toujours plus important à l’école privé des couches dominantes ; la quasi disparition des couches populaires dans le recrutement de quatre des plus grandes écoles.
Il décrit ainsi « un processus de séparatisme social qui concerne toute une partie de la frange supérieure de la société. Les occasions de contacts et d’interactions entre les catégories supérieures et le reste de la population sont en effet de moins en moins nombreuses ».
Étudiant les résultats du second tour de la présidentielle, il constate que « le représentant En Marche a atteint des scores hégémoniques oscillant entre 90 et 95% sur un très vaste territoire. Cet écosystème étant étendu (car englobant la majeure partie des arrondissements de la capitale ainsi que certaines communes aisées des Hauts-de-Seine, soit plusieurs centaines de milliers de personnes), ces populations peuvent parfaitement vivre en vase clos dans ce périmètre ».
Régressions sociales et reculs démocratiques
Le risque d’une classe dominante, s’autonomisant par rapport au reste de la société est donc bien réel. Dans son dernier livre, Où atterrir, Bruno Latour pose le même constat « Tout se passe en effet comme si une partie importante des classes dirigeantes était arrivée à la conclusion qu’il n’y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants ».
Et d’ajouter : « Par conséquent, elles ont décidé qu’il était inutile de faire comme si l’histoire allait continuer de mener vers un horizon commun où tous les hommes pourraient également prospérer. Depuis les années 1980, les classes dirigeantes ne prétendent plus diriger, mais se mettre à l’abri hors du monde ».
Une classe ne domine pourtant pas durablement une société sans médiations, compromis sociaux, sans des sources de légitimité. Par dogmatisme, les élites déchirent le tissu social au nom de la liberté de mouvement du capital. Sans un minimum de consentement, le recours à la coercition ne peut qu’augmenter. Les régressions sociales devront donc s’appuyer sur des reculs démocratiques croissants. Dans la durée, il est douteux qu’une telle politique puisse se pérenniser dans un pays comme la France sans affrontements de grande ampleur.
Le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki qui vient d’obtenir le prix du meilleur réalisateur à la dernière Berlinale en a profité pour déclarer : « Nous devons exterminer les riches et les politiciens qui leur lèchent le cul ». Le propos est sans doute outrancier, l’idée est là.
Bonjour
Un bon article , qui apporte beaucoup d’éléments, qui confirme d’autres analyses, et particulièrement sur les immenses écarts de richesse, et surtout que les riches vivent entre eux, mais aussi les classes moyennes, la gentrification des centres villes (lire jean pierre Garnier), les banlieues résidentielles, ou populaires, ou périphériques (Guilluy), qui maintenant sont immigrés, ainsi de suite. comment le communautarisme s’installe de fait ......
Mais , toute est fait dans ce sens, par la division du travail, l’organisation du travail, les villes , métropoles sont organiser dans ce sens, les transports (TGV), les aéroports....mais aussi internet
le capitalisme re -modéle géographiquement , et les populations se regroupes en fonction de leurs affinités : les très riches et riches entre eux, les classes moyennes entre eux, les classe populaires entre eux, les immigrés entre eux.....
Donc les catégories sociales ne se rencontrent plus, ne se fréquente plus, n’entre plus en contact, mais cela n’est pas nouveaux (autrefois le grand bourgeois ne rencontrer pas le prolo, n’habitez pas le mêmes quartier)), mais renforcer par la technologie, car avant le travail rester encore un lieue de rencontre , plus maintenant avec internet les transports modernes......Un cadre sup , peut au sein mêmes d’une entreprise ne pas rencontrer ses subalternes , les simples employés ; il fait tout par internet, téléphone, vidéoconférences....puis il prend sa voiture, tgv, avions, et rejoins sont quartier résidentielle sans voir rencontrer personne d’un autre milieux que lui.
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