Mais de qui se moque-t-on ? Le conseil des ministres des finances de l’Union européenne vient de retirer huit pays de la liste noire des paradis fiscaux. La peau de chagrin rapetisse : de dix-sept, on passe donc à seulement neuf pays. Et au passage, on enlève le Panama, les Emirats arabes unis, les îles de la Grenade ou la Barbade. Et toujours pas de pays européens sur la liste, puisqu’ils en ont été écartés dès le début – et l’on imagine bien les motivations politiques sous-jacentes qui ont amené à ce que l’Irlande, le Luxembourg ou les Pays-Bas ne figurent pas sur cette liste.
Cette liste qui a vu le jour il y a à peine un an, avait été élaborée au lendemain de toute une série de scandales d’évasion fiscale qui ont émaillé notre presse depuis 2013 (Offshore Leaks, Football Leaks, LuxLeaks, Panama Papers, Paradise Papers…). Force est de constater qu’elle démontre à elle seule le manque d’ambition de nos politiques européennes en matière d’évasion fiscale : outre le nombre dérisoire d’Etats sur la liste, aucune sanction n’a jamais été, à ce jour, envisagée. « Etre sur la liste est déjà une sanction en soi » a-t-on même entendu dire à Bruxelles par des représentants de Malte, du Luxembourg et de l’Irlande. En soi, ça prête surtout au sourire et au haussement de sourcil.
Une liste noire sans conséquence
Mais il y a pire que l’UE : la France liste seulement sept paradis fiscaux dans le monde et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), c’en est presque risible, un seul : Trinidad-et-Tobago. A croire que tous ces gens ne lisent pas la même presse que nous : où sont tous ces Etats qui font la une de la presse de façon de plus en plus récurrente ? La Suisse, les ïles Caïmans ou les Bahamas ? Nulle part. Non, à la place, on a le droit, sur la liste de l’UE, à la Namibie – pas vraiment connue pour être un pôle central de l’évasion fiscale mondiale…
Pourtant, pas besoin d’être Prix Nobel d’économie pour établir des critères relativement fiables et précis : faible taux d’imposition (quand il n’est pas tout à fait nul), avantages fiscaux (sans forcément avoir une activité sur le territoire) et absence de transparence (secret assuré pour les propriétaires d’actifs – et surtout jamais aucune transmission d’information à des Etats-tiers). Avec ce mode de discrimination et un peu de bonne foi, Oxfam décompte cinquante-huit pays susceptibles d’appartenir à ladite liste.
Aucune volonté politique
Mais, au sein de l’UE, on ne le voit pas sous le même angle : ce sont de simples « lettres signées à un très haut niveau » qui auraient suffi à faire changer d’avis les ministres des finances européens sur les huit Etats qu’ils ont « déblacklistés ». La teneur des engagements pris dans ces lettres ? Personne n’en a aucune idée – y compris, probablement, les responsables européens qui l’ont décidé. Mais on nous dit aussi qu’ils seront maintenant placés sur une liste grise qui comprend une quarantaine d’Etats et « feront l’objet d’un suivi ». De quel type ? Là encore, c’est on ne peut plus flou…
Mais c’est vraisemblablement suffisant pour Bruno Lemaire puisque c’est avec un enthousiasme qu’on espère non feint qu’il a souligné sur Twitter que « la pression européenne a[vait] apporté ses premiers résultats ! ». Avec une telle façon d’envisager le monde en dépit du bon sens, peut-être que le ministre de l’économie twittera bientôt : « Merci à Emmanuel Macron d’avoir mis fin aux guerres et à la misère. » Nous, en attendant, on continue de trouver ça très très très insuffisant.
Bonjour
Et oui !, cela devrait faire réfléchir sérieusement , sur la capacité du système économique a résister ?.
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