Jusqu’où ira la crise de la social-démocratie ? Cette semaine, une photo publiée par le Monde d’un des prétendants au poste de premier secrétaire du parti socialiste, Olivier Faure, m’a donné le vertige. On le voit cheveux lissés, costard ajusté posant sur un fond mordoré. En légende, il était dit qu’il avait « envie de conduire la renaissance des socialistes ». Comment ne voit-il pas que tout dans cette photo dit qu’il ne le peut pas ?
Si l’on en croit les nouvelles qui viennent du grand parti social-démocrate allemand, le bout du tunnel n’est pas en vue. Alors même qu’un mouvement social se développe outre-Rhin, appuyé par le syndicat IG Metall, pour la revalorisation des salaires de 6% et le passage à la semaine de 28 heures, Martin Schulz et Angela Merkel sont sur le point de sceller une nouvelle alliance sous domination de la CDU-CSU (Union chrétienne démocrate d’Allemagne – Union chrétienne sociale en Bavière). Bien que sorti étrillé de la dernière grande coalition (en recul de 5% sur le déjà calamiteux, score de 2013), l’argument qui conduit le SPD (Parti social démocrate d’Allemagne) à accepter aujourd’hui ce qu’il récusait hier, vaut en lui-même son pesant d’or : il va à Canossa pour éviter un retour aux urnes ! On ne saurait mieux dire que les deux termes, social et démocrate, sont aujourd’hui à terre dans le projet du SPD.
Martin Schulz et la direction du SPD ne sont pas certains de faire avaler cette pilule aux adhérents. Un réflexe de préservation du parti pourrait conduire une grande partie d’entre eux à récuser cette perspective. Cela sera-t-il suffisant pour assurer la suite de l’histoire ? Le SPD reste accolé aux réformes libérales et brutales du dernier chancelier issu de son rang, Gerard Schröder. Les Allemands lui attribuent les lois Hartz IV qui ont introduit les merveilleux « emplois à un euro » et remis en question les allocations chômage. C’est l’opposition à cette politique qui provoqua le départ de l’ancien ministre de l’économie, Oscar Lafontaine. Mais ce départ resta circonscrit et après le Labour anglais et avant le PS (Parti socialiste) français et le PD (Parti démocrate) italien, le SPD assume sa mue libérale. Mieux, il n’a pas d’autre idée. La préservation de positions acquises et du système en place parait être sa seule perspective.
C’est en fait l’ensemble des partis sociaux-démocrates européens qui sont dans une panne telle qu’elle pourrait entrainer leur effondrement. On l’a vu en France, en Grèce et dans une moindre mesure, en Espagne. Le cas français ne manque pas d’étonner. Nos socialistes vont élire leur nouveau premier secrétaire et définir leur projet sans faire retour sur ce qui les a totalement déconsidérés : cinq ans d’un président à ce point peu socialiste qu’il fut incapable de se représenter et son secrétaire général qui, élu président, révèle au grand jour le fond des projets qui se chuchotaient au palais… On ne voit pas comment le PS peut se redresser sans une grande lucidité à l’égard d’une politique qui l’a conduit dans une telle ornière.
Est-ce à dire qu’entre les libéraux et ceux qui veulent rompre avec ce système, il n’y a rien ? Jeremy Corbyn en Angleterre et Benoît Hamon en France font le pari qu’il reste un espace pour un aménagement social et démocrate. Chacun identifie des terrains de recul possible de l’emprise libérale. Les options qu’ils mettent en avant sont cohérentes et crédibles : nouvelles protections sociales, nouveaux droits pour la jeunesse, progrès démocratiques, révolution environnementale. Mais la mue ne saurait être seulement programmatique. Elle se doit d’être globale, c’est-à-dire construire une culture politique qui passe par des pratiques plus populaires, des luttes, des rapports de force à toutes les échelles… Même pour ces audacieux, la route reste longue.
Il serait amusant de remplacer dans le texte Robert Hue par M. Schulz et de mettre PCF à la place de SPD, vous aurez une description de l’échec eurocommuniste en France, Italie et Espagne, depuis la chute du mur de Berlin qui a mené ces mouvements vers l’existence marginale...
Simple exercice de style !
Mais kess, mais kess, mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?
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