
Regards.fr : Les expulsions de campements Roms
se multiplient malgré le changement de
majorité. Vous êtes déçus ?
Saimir Mile : Nous avons appris à nous prémunir contre la
déception. Pour être déçu, il aurait fallu que
nous espérions beaucoup des socialistes. Nous
ne sommes pas naïfs. Nous nous attendions à
ce manque d’honnêteté et de courage.
Toutefois, on pouvait tout de même attendre
une légère amélioration ne serait-ce que parce
que la gauche doit parfois essayer de se
démarquer de la droite ! Mais non, Manuel Valls
s’inscrit dans la lignée des Sarkozy, Guéant,
Besson et Hortefeux.
En quoi est-ce un manque de courage ?
Les réactions des socialistes aux dernières
expulsions se multiplient et le message est
toujours le même : « Nous étions face à une
urgence, il fallait réagir. » De quelle urgence
s’agit-il ? Cette situation dure depuis 20 ans.
En quoi est-il impossible de prendre le temps
pour trouver des réponses durables aux
questions qui se posent ?
Nous sommes en pleine hypocrisie. Manuel
Valls se comporte en huissier qui exécute des
décisions de justice, pas en ministre qui indique
une politique, propose des lois, définit une ligne.
Brice Hortefeux, lui, faisait de la politique. Elle
était catastrophique pour nous mais il l’assumait,
comme l’ensemble de son gouvernement.
On continue à parler d’un problème Rom…
Oui, de la droite jusqu’à la gauche au pouvoir,
on utilise des éléments de langage racistes.
Nous sommes considérés comme un problème.
Plutôt un problème sécuritaire pour la droite et
plutôt un problème social pour la gauche ; mais
toujours un problème. C’est une conception
négative et déformée des identités. La France
est coutumière du fait. Les Arabes ou les Noirs
subissent le même genre d’assignation, même si
pour eux, on use de périphrases : « Le problème
des banlieues. » Pour les Roms, le vocabulaire
est décomplexé même si on nous appelle parfois
« les gens du voyage ».