L’ouvrage sur les « aspects du mouvement communaliste dans le Midi », publié sous la direction de Gérard Leidet et Colette Drogoz aux éditions Syllepse et Promemo, est passionnant à plus d’un titre, d’abord parce qu’il souligne la dimension provinciale du mouvement, trop souvent occultée au profit des évènements parisiens ; il y est question des communes de Marseille et de Lyon, mais aussi de Narbonne ou de Toulouse. Sont aussi évoquées les réactions d’autres villes, de Bordeaux à Aix-en-Provence et à Toulon. Il s’agit de « tirer de l’oubli ce moment fort de la République sociale », souligne Gérard Leidet, d’en finir avec l’amnésie ou l’occultation de l’insurrection "en région", comme on dirait aujourd’hui.
Ensuite, le nombre et la diversité des contributions donnent une idée de l’ampleur du mouvement ouvrier et de la complexité politique de cette période de l’histoire et de ses prolongements. Quinze auteurs, historiens, journalistes, militants syndicalistes et écrivains, dont Jean-Claude Izzo et Robert Mencherini, président de Promemo, ont participé à ce livre, où alternent description des faits, résultats d’enquêtes minutieuses dans les archives, réflexions et analyses, notamment sur les rapports entre la République et le mouvement ouvrier.
La lutte contre la monarchie ou le clergé, dénominateur commun entre radicaux, socialistes et anarchistes, ne saurait masquer les divergences profondes entre "modérés" et révolutionnaires, centralisation jacobine et fédéralisme des "villes libres", république bourgeoise (et sanguinaire !) de Thiers et république communaliste portée par une base ouvrière largement évoquée ici. Roger Vignaud recense une grande diversité de métiers chez les communards, Jean-Louis Robert note la dimension internationale des « révolutionnaires migrants du 19e siècle qui fabriquent du lien entre Paris et la province, entre la France et les Etats-Unis et qui dépassent les particularismes ». Enfin, la qualité et la quantité des documents reproduits, photos, dessins, affiches, et l’abondance des témoignages revivifient l’époque.