Je peux écrire mon histoire : d’emblée ce titre interpelle par sa façon directe, franche, d’affirmer une capacité. Cette possibilité du témoignage est énoncée par Abdulmalik Faizi, jeune Afghan contraint en 2008 de quitter du jour au lendemain son pays, afin d’échapper à la pression islamiste. Alors âgé de quinze ans, le jeune homme laisse sa famille et s’embarque pour un périple de plusieurs mois.
Cet exil, dont il ne connaît ni l’issue ni la destination finale, dépendant à chaque fois du bon vouloir des passeurs comme des opportunités du jour, l’amène à Mulhouse en avril 2009. Là, Abdulmalik Faizi va rencontrer d’autres difficultés, qu’on désigne trop souvent comme pudiquement "administratives" alors qu’elles s’avèrent purement kafkaïennes, insupportables dans leur négation de l’individu. En dépit de celles-ci, et grâce aux nombreux soutiens rencontrés, notamment au sein du lycée mulhousien où il étudie, le jeune homme vit toujours en France aujourd’hui. Après plusieurs années d’incertitude, il a obtenu récemment sa carte de séjour.
Ce sont les multiples étapes de son voyage inouï que Je peux écrire mon histoire relate dans une langue simple, épurée. Le récit pudique co-écrit avec la journaliste Frédérique Meichler s’attache à demeurer au plus près de la reconstitution des faits. Pour leur faire écho, les dessins réalisés par Bearboz composent des images saisissantes par la puissance autant que par l’économie de leur trait.
Pour autant, la modestie formelle et l’absence de lyrisme n’empêchent pas la force du propos. Ainsi l’énoncé Je peux écrire mon histoire se teinte d’une ambiguïté. Car si elle sonne comme une déclaration clôturant un récit à prendre comme un geste de résilience, cette adresse renvoie aussi le lecteur à d’autres histoires. Celles de ceux qui meurent dans les longs chemins vers l’Europe ; ou à celles de ceux qui, aujourd’hui encore, demeurent parqués, violentés par des politiques d’immigration répressives inhumaines.