Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, ce ne sont pas des images de la révolution égyptienne qui ouvrent Je suis le peuple. C’est au bord d’une route de campagne que le documentaire débute. Là, une femme assise à l’ombre d’un arbre nous fait face et taquine celle qui se trouve derrière la caméra – on comprend qu’il s’agit de la réalisatrice Anna Roussillon.
Signifiant ainsi l’éloignement géographique vis-à-vis des événements de la place Tahrir ; soulignant également la prééminence de la rencontre avec les protagonistes du film dans sa mise en œuvre, ces deux caractéristiques participent de la pertinence de Je suis le peuple.
Ou comment, projetant initialement un documentaire sur le tourisme de masse à Louxor, puis sur la vie d’un paysan, Farraj, Anna Roussillon va voir son sujet totalement remodelé par les événements de janvier 2011. La jeune réalisatrice française – qui a grandi au Caire – va alors suivre pendant près de trois années la révolution égyptienne, par le prisme des habitants d’un village situé à 700 km du Caire et de la place Tahrir.
À travers la vie rurale, les pénuries de gaz, les liens d’amitié noués avec Farraj et ses voisins, et l’incursion du politique dans les discussions quotidiennes, Je suis le peuple raconte avec intelligence et finesse le cheminement d’une micro-société vers la chose politique.
Sans didactisme, toujours à hauteur d’hommes, ce premier documentaire d’Anna Roussillon – déjà récompensé de près d’une vingtaine de prix dans des festivals français et étrangers – rend compte des parcours personnels et des réflexions de chacun, des doutes comme des espoirs.