Si Anne et Julien, les commissaires de l’exposition HEY ! Modern Art et pop culture, ont choisi de faire se côtoyer des artistes d’art brut et singulier et des artistes de pop culture, c’est parce que cette rencontre était inévitable. Se refusant à verser dans l’élitisme, tous s’opposent à la notion d’avant-garde. Leur art « ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom », comme l’indiquait Dubuffet.
Des couleurs criardes, des poupées déglinguées, du sang, des viscères, des motifs surchargés, du kitsch, de l’érotisme et de la vulgarité. Voilà qui traverse les oeuvres de nombreux artistes issus des contre-cultures. Pour autant, par-delà ces motifs communs, cette expo ne laisse pas indemne. De nombreuses pièces déstabilisent des structures intimes bien ancrées, sans doute parce qu’elles donnent à voir l’autre côté du miroir, à travers le geste créateur de pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques, d’autodidactes très isolés ou d’artistes aux choix de vie radicaux.
La force des commissaires de l’expo n’est pas seulement d’avoir sorti Jean-Luc Navette de son atelier de tatouages lyonnais, ni d’exposer Henry J. Darper, artiste américain échappé d’un asile pour enfants attardés dont l’ampleur de l’oeuvre n’a été découverte qu’à sa mort. C’est aussi d’acter la vivacité de tout un monde sousjacent : DJ, éditeurs, tatoueurs, bdéastes, musiciens expérimentaux, plasticiens, commissaires d’expo, créateurs de fringues, inventeurs de jouets, collectionneurs, sérigraphistes… La soixantaine d’artistes internationaux réunis à la Halle Saint-Pierre contribue à former un cabinet de curiosité du XXIe siècle. Pendant six mois, ils ouvrent un espace tenace et résistant.