Une époque bien tranquille…
Les discours politiques et
médiatiques, usant d’une rhétorique
émotionnelle autour
du fait divers et de chiffres
auxquels ils font dire ce qu’ils
veulent, laissent entendre que
la violence flambe et que les
jeunes et les immigrés en sont
les premiers auteurs. C’est une
thématique rentable dans une
société amnésique et vieillissante.
Or « non seulement les
connaissances scientifiques
disponibles ne confirment pas l’idée d’une augmentation permanente
de la violence, mais elles la contredisent sur plusieurs plans
décisifs ». Laurent Mucchielli, sociologue spécialisé sur les questions
de sécurité, emprunte de nombreux détours historiques et
appuie son argumentaire sur un décryptage serré des statistiques
policières et judiciaires.
Sa démarche se veut rigoureuse et précise. Sur le modèle « Intox/
Désintox », l’auteur dissèque les affirmations et les préjugés, déjoue
les manipulations. « En 30 ans, la délinquance des mineurs a triplé.
» Ainsi débutait l’exposé des motifs de la « proposition de loi visant
à mieux responsabiliser les délinquants mineurs de plus de 16
ans », déposée par Christian Estrosi, le 1er février 2011. Les statistiques,
Mucchielli les a lues et n’y a pas trouvé la même chose. « Les
mineurs condamnés pour des crimes ne représentent que 1 % du
total des mineurs condamnés. » Puis : « Il en résulte que 99 % des
mineurs ont été condamnés pour des actes moins graves. Lesquels
? D’abord, encore et toujours des vols. » Le nombre d’homicides,
lui, a chuté de moitié en quinze ans. Quant à la part de
délinquance des étrangers dans les statistiques de police, elle « n’a
cessé de diminuer, passant d’environ 14 % des personnes poursuivies
à la fin des années 1970 à environ 10 % de nos jours ».
En réalité, il semble que notre société supporte de moins en moins
la violence, alors même qu’un processus de pacification des moeurs
est à l’oeuvre. Le normal est-il devenu intolérable ?