Accueil > idées/culture | Par Roger Martelli | 20 septembre 2015

La querelle des intellectuels ou la droitisation des esprits

Dans un champ idéologique reconfiguré par plusieurs décennies de "révolution conservatrice", les intellectuels français ont-ils basculé à droite ? Comment la gauche peut-elle, sur le terrain des idées, repartir à la conquête de son hégémonie culturelle perdue ?

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"Des intellectuels à la dérive ?", titre Le Monde sur deux pages consacrées à la responsabilité des intellectuels face à la montée du Front national. Michel Onfray, dont le ressentiment ne cesse de croître, s’en prend à son tour au « politiquement correct », qui lui permet de fustiger, en vrac, la « fausse gauche », les journalistes, les « intellectuels de cour » et la « classe politique », autant de notions dont on sait depuis longtemps que certaines ne brillent pas par leur tropisme de gauche. Laurent Bouvet, l’homme de « l’insécurité culturelle » défend Onfray, dénonce la « gauche Savonarole » et récuse l’idée de la « droitisation » du champ intellectuel.

À l’inverse de Bouvet, je suis convaincu que les balbutiements de certains intellectuels s’inscrivent dans une longue période intellectuelle dont le terme de droitisation n’épuise pas toutes les facettes, mais dit la direction essentielle. Historiquement, la gauche politique et sociale issue de l’impulsion révolutionnaire (1789-1917) et du mouvement ouvrier a été défaite. L’implosion de la social-démocratie historique, l’échec du soviétisme, la crise du syndicalisme et l’essoufflement du communisme du XXe siècle en ont été les expressions les plus directes. Or cet échec politique s’est accompagné, et même il a été précédé, par une réorganisation globale du champ idéologique et culturel.

Concurrence, gouvernance, guerre des civilisations, identité…

Qu’y a-t-il au cœur de la dichotomie ancienne de la droite et de la gauche, par-delà les formes concrètes qu’elle a pu prendre ici ou là ? Sur le fond, on trouve la question de l’égalité. Ou bien on considère que l’inégalité est naturelle et bénéfique (la compétition), mais qu’il faut éviter la jungle (homo hominis lupus, l’homme est un loup pour l’homme), ce qui suppose de l’ordre et de l’autorité : tel le socle culturel de la droite. Ou bien on pense que la nature a fait les hommes perfectibles et égaux et que la dynamique sociale "vertueuse" repose sur l’égalité couplée à la liberté et à la solidarité (ou fraternité) : tel est le marqueur de la gauche.

À partir de là s’amorcent bien sûr d’autres controverses, propres à chaque grand pôle. À gauche, le dilemme le plus structurel tourne ainsi autour de la question de savoir si la quête de l’égalité est possible en restant à l’intérieur des logiques dominantes de "l’aliénation" (exploitation et domination) ou si elle suppose au contraire que l’on s’en débarrasse par "abolition-dépassement". Il n’en reste pas moins que la question cardinale de l’égalité structure la totalité du champ. Nous n’en sommes plus du tout là aujourd’hui. Or le mouvement qui porte à cet effacement ne date pas d’hier, mais de quelques décennies.

À l’échelle internationale, un homme suffirait à lui seul à incarner le changement de dominante intellectuelle. Il est américain et il fut célèbre en son temps : il s’agit de Samuel Huntington. En 1975, avec deux autres chercheurs, il avance l’idée que la démocratie est en crise, qu’elle est victime de ses « excès » et qu’il faut pour cela lui substituer les mécanismes de la « gouvernance ». En 1992, il entend montrer que le moteur de la dynamique mondiale se trouve dans l’affrontement de « civilisations » unifiées avant tout par le fait religieux et il ajoute que, pour une longue période, c’est le heurt de l’Occident et de l’Islam qui est décisif. En 2004 enfin, il explique que les États-Unis sont au bord du chaos parce que la minorité expansive des hispanophones est en train de miner le socle identitaire de la nation américaine. Pour Huntington, la question principale est « Qui sommes-nous ? ». À quoi s’ajoute une question subsidiaire : « comment faire en sorte que nous restions chez nous ». Concurrence, gouvernance, guerre des civilisations, identité… Tout est dit.

Le désir d’identité contre le désir d’égalité

En France, c’est la Nouvelle droite qui a donné le ton, dès la fin des années 1970. En 1977, avec son Vu de droite, Alain de Benoist lance la « révolution conservatrice » à la française. L’un de ses maîtres à penser est le juriste allemand Carl Schmidt, qui s’abîma dans le nazisme. L’égalité, expliquait-il, est une illusion et pousse à la Terreur ; en revanche « le mot identité caractérise le côté existentiel de l’unité politique ». En novembre 2013, le même de Benoît affirme qu’il faut assumer le fait que « les identités peuvent s’affronter entre elles » et qu’il faut donc abandonner tout « angélisme ». Il ajoute cette phrase sublime : « Le désir d’égalité, succédant au désir de liberté, fut la grande passion des temps modernes. Celle des temps post-modernes sera sur le désir d’identité ».

Pour l’instant, force est de constater qu’Alain de Benoist a gagné. La droite s’aligne à marches forcées sur la logique du « nous ne sommes plus chez nous » qui fait les beaux jours du Front national. Et malheureusement, une partie de la gauche prête le flanc (lire aussi "Éric Fassin : « Les "briseurs de tabous" sont les intellectuels organiques du néolibéralisme »"). Quand, à partir de points de vue politiques apparemment contradictoires, le think tank socialiste Terra Nova et le socialiste dit de gauche Laurent Bouvet entérinent l’idée que les clivages de classes ont laissé la place à ceux de l’identité et que les frontières politiques ne sont donc plus les mêmes qu’hier, ils donnent quitus à la droite radicalisée de la lignée "Nouvelle droite" (lire aussi "L’obsession identitaire. À propos d’un livre de Laurent Bouvet").

Quand le géographe Christophe Guilluy explique qu’il faut comprendre que les « petits Blancs » ouvriers de la « France périphérique » s’offusquent de ce que l’on ne s’occupe que des banlieues immigrés de la « France métropolitaine », il légitime l’angoisse de ne plus être « chez soi » (lire aussi "La gauche dans le piège de Guilluy"). Quand le philosophe Jean-Claude Michéa, qui n’aime pas Jaurès et déteste l’affaire Dreyfus, encense les valeurs traditionnelles d’appartenance et les antiques communautés pour laisser Jacques Julliard, dans un livre écrit avec lui, affirmer qu’il faut lutter « contre toutes les menaces extérieures, y compris celle que représente l’immigration » [1], il ouvre un boulevard à un Front national promu de fait au rang de porte-voix du « petit peuple de gauche » dont la gauche ne peut plus « comprendre les bonnes raisons ».

Remporter le conflit d’idées

Ne tirons pas de tout cela la conviction que "les" intellectuels sont passés à droite ou que "la" société française a changé de camp. Mais il est vrai que, en matière d’idées, la gauche a longtemps donné le ton et que, désormais, c’est la pensée de droite qui tient le haut du pavé (lire aussi "Gauche : enquête sur une disparition présumée"). Pour contredire cette tendance dangereuse, contrairement à ce que suggère Laurent Bouvet, il n’est pas besoin de recourir à une "gauche Savonarole" ou à une "gauche Fouquier-Tinville".

Il n’est pas question de couper des têtes : il suffit que la gauche redresse la sienne, qu’elle reprenne le conflit d’idées que la droite a su porter pendant quatre décennies et qu’elle se montre capable de regagner la relative "hégémonie" qu’elle a renoncé à exercer. Pour cela, mieux vaut d’abord qu’elle se convainque de ne pas mettre ne fût-ce qu’un petit doigt dans l’engrenage mortifère de l’idéologie frontiste. Ce que j’énoncerai en quelques phrases lapidaires, en assumant ici le risque provisoire de la simplification et de l’outrance.

1. Nous sommes confrontés à un univers mental dominé par trois "fondamentaux" :
 la libre concurrence est le moteur de toute créativité ;
 la gouvernance (le pouvoir de l’expertise) est le pivot de toute bonne régulation politique ;
 le choc des civilisations débouche aujourd’hui sur une situation "d’état de guerre".
Il en découle une conviction : la définition et la clôture des identités sont la base de l’ordre social et la condition d’une survie de l’Occident.

La gauche, intellectuelle ou non, doit récuser ce triptyque radicalement et lui y en opposer un autre :
 le développement sobre des capacités humaines est le pivot des dynamiques sociales équilibrées ;
 la promotion d’un nouvel âge de la citoyenneté est la base de toute sociabilité politique ;
 la mise en commun, à toutes les échelles de territoires, est la clé d’une humanité pacifiée. L’égalité-liberté-solidarité doit primer sur l’identité.

2. Le nationalisme est aujourd’hui le pivot des extrêmes droites postfascistes qui empoisonnent le continent européen. On ne dispute pas ce nationalisme au Front national : on le combat. Les discours sur "l’identité française" ne sont pas des boucliers contre le Front national. Les grandes proclamations selon lesquelles on ne laissera pas la nation au Front national résonnent un peu comme certaines envolées antibellicistes d’avant 1914 : elles peuvent anticiper de futures capitulations. En fait, le repli national n’est pas une barrière contre la mondialisation du capital. La nation ne vaut aujourd’hui, comme médiation politique utile, que si elle assume à part entière qu’elle est partie prenante de la mondialité du développement humain. C’est en menant à toutes les échelles le combat contre les mécanismes de l’aliénation, c’est en rassemblant les catégories populaires contre ces mécanismes et pour des voies alternatives que l’on enraiera la marche délétère du monde et que l’on refondera les logiques multiformes de la souveraineté populaire.

3. On ne rassemblera pas le peuple autour de la reconquête d’on ne sait quel "chez nous". L’opposition du "eux" et "nous", du "in" et du "out" repose sur la délimitation de la frontière. Or la figure contemporaine de la frontière est de plus en plus celle du mur. Le "eux-nous" divise le peuple quand l’enjeu stratégique est de réunir ses fragments dispersés. Contre l’angoisse du « On n’est plus chez nous », sachons valoriser le seul projet éthique et réaliste : « Construisons le chez tous ».

Notes

[1L’attribution de cette citation a été modifiée, sa formulation initiale laissant penser que Jean-Claude Michéa en était l’auteur.

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Vos réactions

  • ça fait déjà un moment que Michel Onfray dérive : http://tatamoche.blogspot.fr/2014/05/alain-de-benoist-ideologue-dextreme.html

    Lui Mézigue Le 20 septembre 2015 à 17:07
       
    • On en revient à une vérité simple :
      Onfray dit/pense ce qu’il veut
      (ça vous plait ... ou non ; vous êtes d’accord ou non.)
      C’est un ... penseur, un philosophe
       :-)

      Maintenant quant à nos gouvernants, poiticiens/nes et autres :
      on peut leur demander des comptes :
      "c’est vous qui nous avez mis dans cette merde."
       :-(

      Petite nuance

      clara zavadil

      clarazavadil Le 23 septembre 2015 à 14:38
  •  
  • Roger Martelli est un homme généreux qui réfléchit et nous invite dans sa réflexion. Cela mérite mieux que les propos insultants et les condamnations péremptoires.
    Il serait bon que ceux qui se réclament de l’humanisme le pratiquent eux-mêmes quelque peu. Mon propos ne sera donc pas de m’ériger en directeur de conscience des autres. Je ne prononcerai aucun anathème.
    J’observe que l’idée d’égalité a régressé au profit de celle de compétition, que ces deux idées résument à elles seules deux choix de société fondamentaux. Et que les tenants de l’égalité ont perdu la bataille des idées. L’idée d’égalité est intimement liée à celle de souveraineté populaire au sens où on l’entendait entre 1789 et 1793. Quand les soldats de Valmy hurlaient "Vive la Nation" face aux Prussiens venus rétablir la monarchie, le mot Nation signifiait alors le peuple rassemblé, l’ensemble des citoyens et des citoyennes au bénéfice de la même égalité. Si j’ai une divergence avec Martelli, c’est sur cette idée républicaine de Nation qui n’est en aucune façon assimilable au repli identitaire des nationalistes. En ce 20 septembre 2015, on n’a pas encore trouvé un autre siège que celui de la Nation pour permettre que s’exprime la souveraineté du peuple proclamée en 1789. Il n’y a pas de peuple européen ; il n’y a pas de peuple-monde. L’internationalisme est une tension vers laquelle il faut tendre, mais en aucune façon, au nom d’un internationalisme rêvé, il ne faut brader le siège de la souveraineté populaire. C’est pourtant ce qui se produit avec l’Union européenne, comme avec l’Organisation Mondiale du Commerce, deux institutions supranationales dont le premier objectif est le dépérissement de l’Etat-Nation, non pas au profit d’une Nation-monde, mais au profit des firmes privées transnationales. Etre internationaliste, plus que jamais aujourd’hui, c’est être solidaire des peuples qui souffrent des firmes transnationales dont une partie viennent de l’Union Européenne. Ce n’est pas être complices d’institutions supranationales au service des seules firmes transnationales. Mais où est la gauche qui se dit internationaliste lorsqu’il s’agit de défendre les ouvrières du textile du Bengladesh ou du Cambodge dont les conditions de travail confinent à celles de l’esclavage ?
    Oui, il faut reconstruire une gauche qui soit socialiste au sens où l’était Jaurès. Mais cela ne se fera pas en niant la souveraineté populaire dont le seul siège est celui de l’Etat-Nation tant honni par ceux qui entendent détruire le seul lieu de résistance possible au capitalisme.
    Raoul Marc Jennar

    Raoul Marc JENNAR Le 20 septembre 2015 à 18:00
  •  
  • Rappel : les commentaires insultants sont supprimés. Merci de respecter les règles du débat autant que ceux qui y participent – auteurs compris.

    Jérôme Latta Le 20 septembre 2015 à 19:07
       
    • les remarques méprisantes au début d’un texte long (tant l’objet de la critique est affligeant) ne sont que les contre-parties de la malhonnête et de l’usage de contre vérités, sans la moindre retenues. La malhonnêteté est aussi de réduire un texte de 2257 caractères à 2 mots méprisants (mais complétement assumés), pour ensuite donner des leçons d’éthique au monde du football :D

      Alors peut-être que les gens comme vous autres ne voient pas ou sont les contre-vérités (par exemple sur l’histoire de la gauche et du mouvement socialisme), auquel cas, c’est le problème de votre manque de connaissance du sujet, allié à une certaine prétention à se croire à "l’avant garde du prolétariat"... mais mon éducation réactionnaire fait que quand je ne sais pas, je cherche à savoir avant de juger et parler...

      Sur certains auteurs cités, c’est juste de la manipulation pure et dure ! Quitte à jouer à ce petit jeu, autant le faire plus finement, en commençant d’abord par les lire et aussi, après avoir au préalable revu ses classiques (ça peut servir, on ne sait jamais. Ceci dit, j’emploie de façon erroné le terme "revoir" alors qu’il s’agit ici, manifestement de "voir")

      De toute façon, en France, ce genre de procédé n’est pas nouveau, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un Belge fameux, qui a eu à faire à cette tradition bien française (de gauche) de la calomnie et de la censure eut la phrase suivante : "dans une nation de garçon coiffeur, les philosophes sont plus volontiers garçons coiffeurs que philosophes"... et quand par miracle, un philosophe apparait, il est attaqué par la horde des garçons coiffeurs.

      Voilà, preuve que je ne suis pas rancunier, j’ai saupoudré ma réponse d’un où deux conseils pour mieux mentir et manipuler plus tard :
      1/ connaître l’histoire
      2/ lire les auteurs ciblés.

      Bon vend Camarade !

      Winston Le 21 septembre 2015 à 16:21
  •  
  • Ne jetez pas la pierre à Michel Onfray !
    ce n’est pas Onfray " qui file un mauvais coton " —(dixit Jofrin)
    c’est la France

    Oui, la carte de la France, intellectuelle et autre : change ; ça va devenir plus flou ... moins de monde à gauche et plus de con/nes.

    Vous vous attendez à quoi ? relisez Notre Grande Clémentine Autain (et ses opinions des derniers mois)
    et serrez vos ceintures : ça va pas être rigolo dans ces prochaines années -décennies ? —

    Et quand Libé s’attaque à Onfray : sauve-qui-peut ...

    clara zavadil
    ps— ce n’est pas un post en faveur d’Onfray : pour ceux/celles qui comprennent jamais rien :-(

    clarazavadil Le 21 septembre 2015 à 13:18
  •  
  • Cela faisait longtemps que je n’avais pas ouï pareille leçon hégéliano-paranoïaque.
    Ce qui est appréciable chez Martelli, c’est son sens de la nuance, son inclination au doute...
    Ah ! ce goût des grandes machines cinétiques ("l’impulsion révolutionnaire, 1789-1917" ; "la réorganisation globale du champ idéologique et culturel"), des grandes machines deleuzo-guattariennes (le désir d’identité contre le désir d’égalité ; l’ordre et l’autorité contre la liberté et la fraternité), et ces deus ex-machina, véritables Causes premières aristotéliciennes de "l’univers mental" (Huttington, Alain de Benoist).
    Ce n’est plus du marxisme, c’est du macro-mécanisme bourdivin, foucaldien...
    Et ces tours de passe-passe sémantiques pour voiler son impuissance face à la mondialisation : la nation, partie prenante de la mondialité du développement humain...
    Mais qu’est-ce que "la mondialité du développement humain" ? Où Martelli l’a-t-il donc vue à l’oeuvre ?
    Et par quel miracle cendrillonnesque la nation et la "mondialité" se combineront-elles ?
    Et cet irénisme sirupeux : "le développement sobre des capacités humaines" (parrainé par le Comité national de défense contre l’alcoolisme ?), un "nouvel âge de la citoyenneté" (un chakra qui nous aurait échappé ?), une "humanité pacifiée" (encyclique Humani Generis II ?).
    Avec un tel théoricien (gourou ?), on se demande comment le Parti n’a pas encore siphonné le FN et le PS d’un seul coup ?

    Michel Renard Le 21 septembre 2015 à 18:34
  •  
  • Effectivement Winston ( c’est le nom d’un pseudo au-dessus) Vous n’avez pas lu Alain de Benoist ( c’est son véritable nom et non" Alain de Benoît" comme vous vous évertuer à l" écrire.
    Les journalistes français font toujours de l’approximation ; c’est pour cela que l’on ne leur fait plus confiance.

    Fabrice T. Le 21 septembre 2015 à 19:31
  •  
  • Enfin une analyse juste !
    On est passée d’une société homogène sur le plan culturel, religieux, ethnique, industrielle, dans laquelle la ligne de fracture était unique, sociale, de classe et sur laquelle la gauche historique triomphait.
    Vers une société multi-culturelle, religieuse, ethnique, désindustrialisée dans laquelle les lignes de fractures sont multiples.
    A la différence que la droitisation de certains philosophes ne vient pas d’en haut. Elle monte du peuple, de ses angoisses.
    Ceux là même qui veulent s’accrocher à la lutte des classes du 19 èm siècle, comme un naufragé dans l’océan s’accroche à sa bouée, pour expliquer la France moderne risquent de se perdre et de nous perdre.

    totoLeGrand Le 21 septembre 2015 à 19:59
  •  
  • Il est certain qu’avec des définitions aussi frustes que R. Martelli les donne du clivage gauche-droite ou identité et égalité, il peut ensuite facilement dire ce qui est à faire ou pas.

    Sauf que ses étiquettes sont caricaturales, en particulier s’il croit qu’elles concernent ces fameux intellectuels « coupables ».

    Que veut-il signifier précisément, sur le plan politique, en parlant « d’un nouvel âge de la citoyenneté » ?

    Là est probablement la vraie démarcation.

    La fin des nations fait-elle partie de ce « nouvel âge » ?

    Autrement dit, puisqu’il s’agit de lutte politique pour l’égalité, est-il mieux de dé-légitimer la nation au motif qu’elle est une construction sociale (quitte prendre le risque à renforcer le libre-échange « sans-frontiériste » inégalitaire) ou vaut-il mieux s’appuyer sur elle (pour contester ce qui revient à lui imposer un déracinement artificiel au nom d’intérêts économiques masqués) ?

    Tels sont les vrais termes de cette discussion.

    Il ne faut pas chercher ailleurs l’un des enjeux sérieux du conflit.

    Serge Le 22 septembre 2015 à 11:51
  •  
  • Laurent Joffrin et la stratégie de l’escargot :
    http://stop-discrimination.gouv.fr/...

    Keroual Le 22 septembre 2015 à 12:52
       
    • Bonne réponse !

      Serge Le 22 septembre 2015 à 18:44
  •  
  • A propos de l’article de R.Martelli sur « la querelle des intellectuels... »
    Et de quelques commentaires publiés à sa suite....

    Pourquoi tant de violence dans des commentaires ? On peut ne pas partager toutes les idées, tous les points de vue de Roger Martelli – c’est mon cas – et trouver bienvenus, interessants et utiles cet article et les réflexions qu’il suscite – c’est encore mon cas.
    Au-delà des questions soulevées dans d’autres commentaires, deux problèmes méritent peut-être qu’on y regarde de plus près.
    1- La période « d’hégémonie » de la pensée « de gauche » dans les milieux intellectuels français n’a-t-elle pas été aussi celle de l’hégémonie politique de la droite dans la société française – de la troisième force alliant dans les années 1950 droite traditionnelle et parti socialiste SFIO, jusqu’au gaullisme de 1958 à 1981 ?
    Les valeurs et les idées dominantes dans les affrontements idéologiques ne seraient-elles pas toujours automatiquement dominantes dans la société et la vie politique ?.. Mais l’hégémonie d’idées de gauche largement inspirées de la pensée de Marx, pendant au moins trois décennies après la Seconde Guerre Mondiale, ne résultait-elle pas davantage d’une « timidité » voire d’une carence des penseurs de droite encore accablés des lourdes fautes des décennies précédentes que d’une « victoire » de la gauche intellectuelle ?
    Et aujourd’hui ?.. Difficile de dire ( comme J.C.Cambadélis au début de son livre – la suite est plus nuancée... ) que « la gauche a perdu la bataille »... qu’elle n’a en fait pas réellement menée... Difficulté à défendre et promouvoir des valeurs et des idées quelque peu malmenées dans l’exercice du pouvoir ; conséquences idéologiques du double échec du soviétisme et de la social démocratie traditionnelle ; enlisement de la gauche comme de la droite dans une crise de la politique , réduite à n’être plus guère – une fois les pouvoirs essentiels remis aux marchés financiers – que spectacle désolant ( et souvent déshonorant ) fait de reniements et de retournements, d’affrontements de personnes et d’ambitions, de manœuvres et magouilles en tous genres... ; absence d’élaboration cohérente et en lien avec la vie réelle d’idées neuves pour répondre aux peurs et angoisses provoquées par les bouleversements en tous genres d’un monde en mutation...la voie s’est ouverte pour la droitisation évoquée par Roger Martelli.
    Mais en même temps, si le phénomène est bien réel à propos de questions dont il souligne fort justement l’importance, sur d’autres questions – pas des moindres non plus, comme les responsabilités de « la finance », du capitalisme dans les malheurs du monde – des enquêtes (cf celles menées tous les cinq ans par la SOFRES pour la Fondation Gabriel Péri – la dernière est en cours de publication ) montrent que la réalité des évolutions dans les esprits de nos concitoyens est beaucoup plus complexe. Les réactions, interrogations et débats acuels autour du douloureux problème des « migrants » en sont une illustration.

    2- L’objectif doit-il être de « reconquérir » l’hégémonie idéologique. Comme le souligne Roger Martelli, il y a urgence à « redresser la tête », à prendre l’offensive. Et cela ne relève pas de décisions stratégiques de tel parti ou mouvement. Clairement : on ne peut attendre que les partis de gauche se décident enfin à en finir avec des façons de faire la politique, en complet décalage avec ce monde qui bouge... Aux femmes et hommes de gauche de prendre leurs responsabilité. A elles et eux de montrer, à partir de leurs expériences – dans les débats d’idées, dans les luttes sociales,économiques, culturelles, dans l’engagement citoyen...- que le choix d’une « dynamique vertueuse reposant sur l’égalité couplée à la liberté, à la solidarité (ou fraternité) » caractérisé par Roger Martelli comme « le marqueur de la gauche » est le bon choix porteur d’avenir , alors que celui du repli identitaire ne peut que conduire à de catastrophiques impasses.

    Pour cela, remarque-t-il in fine mieux vaudrait ne pas mettre ne serait-ce qu’un petit doigt dans l’engrenage mortifère de l’idéologie frontiste. Remarque bienvenue pour un article consacré à l’actuelle « querelle des intellectuels ». Qu’il me soit permis d’ajouter que mieux vaudrait également retirer ces mains malheureusement prises dans l’engrenage lui aussi mortifère des jeux politiciens qu’on se désespère de voir agiter la gauche dans toutes ses nuances...

    Pierre Blotin Le 22 septembre 2015 à 20:05
  •  
  • Ce texte est plein de concepts non-definis, fourre-tout, anti-historiques. On flotte dans le monde des idées. Bref c’est complètement idéaliste antimoderne, c’est-à-dire de droite. La politique c’est pas la recherche de la perfection morale, c’est la prise de décisions imparfaites partiellement positives pour tendre vers plus d’autonomie et d’égalité entre communautés politiques et entre individus enfin si on est de gauche...
    Je pense que ça fait tiquer beaucoup ces concepts flous qui ne veulent pas dire grand chose comme mondialité des rapports humains. Et ça finit « construisons chez tous », encore la prétention de français très franchouillards dans leur internationalisme abstrait qui pensent que les lapons, les pakistanais... les attendent, les mecs veulent qu’on leur foutte la paix, qu’on ne s’ingere plus dans leurs histoires ! encore un gars qui veut le dépassement de la nation, plus gaulois tu meurs...

    bilerions Le 22 septembre 2015 à 20:47
       
    • " La politique c’est pas la recherche de la perfection morale, c’est la prise de décisions imparfaites partiellement positives pour tendre vers plus d’autonomie et d’égalité entre communautés politiques et entre individus enfin si on est de gauche"

      Le souci (si vous aviez lu un peu plus profondément que le "fourre-tout anti-historique"), c’est qu’on ne peut plus proposer ces "décisions imparfaites partiellement positives" dans un monde où la population est mouvante et morcelée à tous les niveaux (conceptuel, culturel, religieux, économique, ...) SANS donner l’impression à tout ou partie de la société que ces décisions sont ET imparfaites ET parfaitement délétères.

      De l’hétérogénéité de la population vient ce désir grandissant de réguler, ordonner, contrôler, pour mieux l’appréhender. Et ce désir provient de cette même population qu’on va réguler/ordonner/contrôler, parce que c’est ce qu’elle réclame à corps et à cris. Par simple absence de recul sur les remaniements profonds de la populations des 30 dernières années.

      La droite peut dérouler sa partition parce qu’elle colle simplement à l’ambiance de fond. La régulation et l’ordre, ça fonctionne quel que soit le filtre d’analyse (de la lutte des classes de Marx au rationalisme de Rand). Simplement les buts (avoués ou non) diffèrent grandement.

      Penser le multiculturalisme réel au lieu de l’élément de langage du "vivre ensemble", penser ses apports et ses points d’incertitudes, afin de lever les angoisses de la population sur de potentielles spoliations ou injustices fantasmées, là est le défi que la/les gauches n’ont pu relever au niveau international.
      Et il est plus que grand temps de se bouger.

      Cpt Le 23 septembre 2015 à 08:25
  •  
  • Ce qui est fou, c’est que c’est dans « Le Figaro »qu’on trouve le mieux l’origine du conflit entre intellectuels :

    http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/09/21/31001-20150921ARTFIG00338-onfray-sapir-le-retour-en-force-de-la-gauche-du-non.php

    Serge Le 23 septembre 2015 à 07:37
  •  
  • merci pour ce dernier lien, Serge, c’est en effet confondant de constater qu’on trouve parfois plus de nuances et de mesure dans le Figaro...

    Ce que dis Onfray, c’est tout simplement que la social-démocratie, du fait de ses renoncements successifs et de son absence totale de volonté de s’en prendre au Capitalisme (osons les gros mots) prépare le fascisme.
    Ce n’est pas nouveau, ce fut déjà le cas avec le renoncement jauressien du paradigme de la révolution armée, ce fut le cas lors de la première guerre mondiale (qui gouvernait en Allemagne si ce n’est les sociaux-démocrates allemands ?) ; ce fut encore le cas avec une assemblée qui donna les pleins pouvoirs à Pétain en 1940 et qui était issue du Front Populaire (et qui, au passage avait enfermé un an plus tôt 500 000 républicain-e-s et anarchistes espagnol-e-s parce que leur révolution était trop subversive pour les Blums et consorts), etc., etc. On pourrait aussi citer Mitterand contre le peuple burkinabe et le propre peuple français, Tony Blair et la montée de Ukip, les délires répressifs de Ben Ali -membre de la II ème internationale jusqu’à tard... et on en passe des vertes et des pas mures.

    Bref, ce que dit Onfray c’est qu’en fait de gauche, le PS est (a été et sera toujours) un parti de droite (qui, malheureusement, arrive encore à faire passer des vessies pour des lanternes à nombre de ses militant-es-s et électeurs-trices...
    Pourtant, des alternatives, il en existe à travers l’histoire, y compris récente : Kurdistan syrien et municipalisme libertaire, Chiapas et EZLN, révolution sociale espagnole ou encore La Commune de Paris... c’est un peu plus bandant que Macron et Valls, non ?

    guillaume Le 23 septembre 2015 à 12:03
       
    • guillaume

      Le compromis (du verbe se compromettre) n’est pas l’apanage du seul PS. Il infecte aussi la gauche "critique" (cf. l’effort de Clémentine Autain pour faire avaler la méthode Tsipras dans son billet de ce jour).

      Jean-Marie Le 23 septembre 2015 à 12:57
  •  
  • C’est à la gauche radicale de prendre le pouvoir et commencer par se rassembler, il ne faut pas reporter la faute qu’à l’oligarchie et la finance.

    La gauche a honte d’être de gauche, facilement écrasée par quelques libéraux qui ont tous les médias ouverts.
    Des intellectuels brillants comme Frédéric Lordon sont marginalisés alors qu’il est le plus clairvoyant dans l’avenir de la France, dans les problèmes et solutions à apporter.
    Il devrait mener le débat de la gauche radicale et être porté par l’union de la "vraie" gauche.
    Trop de partis, trop de micro partis, rien ne ressort vraiment à gauche depuis 1983.

    Julien.R Le 23 septembre 2015 à 19:23
  •  
  • Ne jetez pas la pierre à Michel Onfray !
    ce n’est pas Onfray " qui file un mauvais coton " —(dixit Jofrin)
    c’est la France

    Oui, la carte de la France, intellectuelle et autre : change ; ça va devenir plus flou ... moins de monde à gauche et plus de con/nes.

    Vous vous attendez à quoi ? relisez Notre Grande Clémentine Autain (et ses opinions des derniers mois)
    et serrez vos ceintures : ça va pas être rigolo dans ces prochaines années -décennies ? —

    Et quand Libé s’attaque à Onfray : sauve-qui-peut ...

    clara zavadil
    ps— ce n’est pas un post en faveur d’Onfray : pour ceux/celles qui comprennent jamais rien :-(

    clarazavadil Le 24 septembre 2015 à 10:15
  •  
  • La contre-revolution est en marche et son socle est bien néo-kantien assuré par des intellectuels qui se disent (dont on croit) qu’ils sont de gauche. Du libéralisme-libertaire au néo-fascisme, il n’y a qu’un pas... (Lire Michel Clouscard et agir, vite !).

    Goldoni Le 26 septembre 2015 à 09:57
  •  
  • Le positionnement de la famille Bolloré aux côtés du FN fait penser au slogan "plutôt Hitler que le front populaire" Si ces gens là en sont à ce point de stratégie il nous faut resserrer les rangs et clarifier nos idées (er arrêter de dire que onfray est un philosophe, c’est un lecteur de philosophes, nuance)

    serguei Le 27 septembre 2015 à 13:11
       
    • Que cela plaise ou déplaise : "Toute licence en Art " est mon slogan
      et il s’applique aux peintres, aux musicien/nes, etc ... et aux écrivain/nes

      Le penseur a le droit de demander aux politicards :
      "qu’avez-vous fait du monde ?"
      Pas le contraire
       :-)

      clara z

      clara zavadil Le 4 octobre 2015 à 12:48
  •  
  • Reprendre les vieilles antiennes de la gauche en pensant qu’elles fonctionneront comme autrefois, c’est humain, mais ça ne marche pas. L’égalité est un concept mathématique, il a toute sa place dans un espace abstrait, mais bute sur la diversité du réel dès qu’il n’est pas circonscrit à un espace précis : le corps des citoyens, des nationaux, en tout cas un groupe donné et fermé, avec une certaine homogénéité et des règles précises ; ce que l’auteur n’arrive pas à penser car il reprend la définition anthropologique des capitalistes, celle d’un individu égoïste et calculateur. Non seulement cette définition est fausse historiquement, mais elle dénie toute légitimité et espace aux groupes intermédiaires : famille, ethnie, nation, citoyens etc... Ne reste que des individus isolés et un super pouvoir coercitif, un Léviathan. Plus d’espace pour la politique donc car plus de Cité possible. C’est la raison pour laquelle il n’y a plus de politique aujourd’hui. Les méchants droitistes proposent de remettre des limites pour recréer les conditions de la politique.

    Jul Le 28 septembre 2015 à 15:23
       
    • Parfaite réponse !

      Serge Le 29 septembre 2015 à 16:41
  •  
  • Qui suis-je pour dire si quelqu’un est de gauche ou pas ?

    Dire qu’une idée, l’est ou non, est plus facile puisque l’idée se suffit à elle même, elle n’est pas un être sensible et un objet biologique neuronal affectif et complexe.

    Mais on peut apprécier le résultat produit par les penseurs, les acteurs enfin un groupe humain, qui en l’occurrence se définit comme ceci ou cela, de gauche ou pas.

    De cette Histoire récente, de ces expériences accumulées, notre société en sort elle plus équilibrée, apaisée, non violente, plus érudite, en santé ? Non, bien sûr. Et évidemment, c’est toujours la faute de l’autre. Non, on a pas besoin de faire l’inventaire, c’est la faute aux autres, aux vilains .... Mais autour de l’échiquier, n’y a t il pas deux joueurs ? Le "mat" ou le "pat" n’est il pas le fruit, le point d’équilibre de deux façons de concevoir le monde ? Et la partie est elle toujours gagnée ou perdue parce que le gagnant est plus fort ? Et la partie nulle parce que les deux joueurs sont égaux ?

    Aux échecs, comme ailleurs, il y a des temples et des gardiens du temples. Des églises et des prêtres. Mais a t on le droit de penser par soi même, d’exprimer sa compréhension du monde sans recevoir l’anathème ? Sans risquer d’être jeter dans la marmite d’huile bouillante ? Vous ne voulez nous offrir que deux voies : la pensée magique ou l’obéissance.

    La pensée magique et l’obéissance, de toutes façons vous nous définissez incompétent à priori : nous ne savons pas ce qui est bon pour nous même, nous ne sommes pas assez éclairés pour nous nous autorisions à émettre une opinion et notre obéissance est l’unique clé du succès de votre infaillibilité.

    Et dans votre attaque de M. Onfray, ce n’est pas ses idées qui sont débattue ? non la problématique est de savoir si il est de gauche ou de droite . RIDICULE.

    Ce qui vous emmerde au fond, c’est qu’il éduque de façon gratuite. Il ’n’offre pas du poisson, mais apprend à pêcher. Vous n’êtes plus les uniques ? On vous voit bien comme les marchands du temple. Mais sortez de la caverne et osez vivre !

    C’est comme à l’école où on ne fait plus que de la pédagogie et
    où on enseigne plus rien. Vous employez tout le lexique des mots (et des maux) pour ne produire aucune idée. Ce genre d’article ne sert à rien qu’à bouffer de l’encre et faire du faux bruit. C’est la forme pour les intellectuels de ce qu’on appelle la réunionite dans l’entreprise ; ça coûte beaucoup et ça n’apporte rien, mais on a brillé.

    La Renaudie Le 12 novembre 2015 à 09:35
  •  
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