Les époques se suivent et ne se ressemblent pas. Le conservatisme fait mine de revêtir les habits de la subversion et du scandale. On pourrait en rire si la manipulation des symboles n’était pas si contestable, si l’enjeu n’était pas si grave. Ainsi, le magazine Causeur d’Elisabeth Lévy publie cette semaine le Manifeste des 343 salauds qui crient haut et fort : « touche pas à ma pute ! ». Une tripotée de machos et/ou réacs bien connus, parmi lesquels Eric Zemmour, Ivan Rioufol, Nicolas Bedos, Richard Malka (l’avocat de DSK), Basile de Koch (le mari de Frigide Barjot) ou encore… Frédéric Beigbeder, s’oppose à la pénalisation des clients de prostituée prévue dans la nouvelle loi initiée par la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Des voix qui s’élèvent au nom de la liberté bien sûr, comme si la prostitution était étrangère aux rapports sociaux entre les sexes et aux impératifs du monde marchand, comme si la traite des êtres humains n’existait pas, comme si les hommes étaient ici menacés dans leurs droits fondamentaux. « Les 343 salopes demandaient à disposer de leur corps, les 343 salauds demandent à disposer du corps des autres », a rétorqué la porte-parole du gouvernement. Du côté du STRASS, le syndicat du travail sexuel, Morgane Merteuil répond aux « 343 connards » : « Votre paternalisme, lorsque vous énoncez "touche pas à ma pute" : nous ne sommes les putes de personne, et encore moins les vôtres. »
S’opposer à la pénalisation des clients de prostituées est un combat légitime. La pénalisation croissante des rapports sociaux est préoccupante et la traque des clients risque de rendre plus difficile encore la vie des prostituées. Mais comment peut-on comparer la demande de non-pénalisation des clients de prostituées avec le courage des 343 femmes qui ont réclamé, en 1971 dans Le Nouvel Observateur, le droit fondamental à maîtriser leur fécondité ? Ces 343 femmes s’étaient mises de facto hors la loi pour exiger que cesse l’illégalité dans laquelle se pratiquaient les avortements au péril de leur vie ou au risque de la perte de leur fécondité. Il s’agissait d’un acte de courage politique visant l’obtention d’un droit fondamental pour l’émancipation des femmes. L’avortement, c’est aussi l’une des conditions de la sexualité libérée. La version réac 2013 du Manifeste des 343 vise à permettre la reproduction de l’existant. Que l’on ne dérange pas ces messieurs qui veulent tarifer leurs relations sexuelles. Misère…
Moi je trouve que cette opposition n’est qu’apparence, car sur le fond ce sont des libéraux qui s’opposent à d’autres libéraux. Leurs buts divergent mais leur moyen, le recours au sacro-saint libéralisme (interdit d’interdire, défense de l’individu et des minorités au risque de réduire la majorité au silence), est le même.
Quand je lis "amour tarifé" franchement je m’interroge sur le sens du mot amour pour ces gens.
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