En langage geek, on appelle ça une rencontre IRL pour In Real Life, la vraie vie. Cette semaine, l’entreprise américaine du Net, créatrice de l’incontournable moteur de recherche, est passée du virtuel au réel. Google a ouvert, à Paris, dans ses locaux français nichés dans un hôtel particulier de la rue de Londres, un Lab, espace privé de rencontres et d’expérimentations. L’événement constitue « un investissement significatif en France pour la démocratisation de l’accès à la culture », a déclaré Nick Leeder, son directeur général national.
Le groupe Google sait être généreux et finance depuis quelques années des projets dans le domaine culturel liant art, éducation et numérique. En 2011, en lançant son Institut en ligne, initiative beaucoup plus ambitieuse, le but était double : rendre la culture accessible à tous et en garder une trace numérique « afin d’éduquer et d’inspirer les générations futures ».
En à peine deux ans, l’institut a déjà noué près de 400 partenariats avec des musées et monuments du monde entier, proposant visites et expositions virtuelles, le Google Art Project et le Projet World Wonders. En France, il y a une certaine frilosité des établissements à y participer, on trouve le Château de Versailles (Google y a débauché le responsable de son Lab) ou le musée d’Orsay mais d’autres résistent, comme le Louvre ou le Centre Pompidou.
L’institut met également en ligne des fonds d’archives comme celles concernant Nelson Mandela, Yad Vashem, mémoire de l’Holocauste ou encore Mai 68... via une université canadienne.
Pour les institutions, quelle que soit leur taille, c’est la chance d’une visibilité mondiale et l’accès à des moyens technologiques qu’elles n’auraient peut-être pas pu se payer autrement. Tout ça, gratuitement pour l’internaute et sans publicité imposée, et sans but commercial pour Google... Officiellement, car si certaines de ces initiatives revêtent un réel intérêt, chaque projet nécessite, à un moment ou un autre, d’utiliser un outil maison, permettant ainsi au groupe d’étendre un peu plus son hégémonie sur la Toile.
Pour visualiser et zoomer sur des monuments reconstitués en 3D, ça passe par Google Earth. Pour créer sa galerie perso de tableaux issus du Google Art Project ou ouvrir une Google Open Gallery, service nouveau offrant un « ensemble d’outils en ligne gratuits pour les artistes, les musées, les archives et les galeries », il faut obligatoirement posséder un compte et une adresse Gmail. Vivre une expérience interactive comme Versailles, Chaos to perfection nécessite de télécharger le navigateur Google Chrome. Et ainsi de suite.
Autre gros bémol : le partage ne dépasse pas l’écran car rien n’y est téléchargeable, toutes les images, y compris celles d’oeuvres appartenant au domaine public, y étant verrouillées.
L’inauguration physique de l’Institut culturel Google aurait dû être une fête mais l’annulation au dernier moment de la venue de la ministre de Culture a jeté un froid. Aurélie Filippetti, remplacée in extremis par Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’innovation et à l’économie numérique, s’est justifiée dans Le Monde : « Malgré la qualité des projets conduits, je ne veux pas servir de caution à une opération qui ne lève pas un certain nombre de questions que nous avons à traiter avec Google ». Et d’évoquer quelques dossiers sensibles : « La question de l’équité fiscale, celle de la protection des données personnelles, celle de la protection de la diversité culturelle et enfin le dossier des droits d’auteurs. »
Dans la foulée, Bruno Julliard, adjoint au Maire de Paris chargé de la culture, souhaita sur Twitter la bienvenue au nouvel institut, avant d’ajouter, copiant-collant la ministre : « Mais n’oublions pas la protection des données perso, la diversité culturelle et les droits d’auteurs » (ce qui n’empêche pas la capitale de nouer un partenariat avec Google pour ses musées, projet en chantier). A quoi, Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, répondit : « C’est pour ne pas oublier ces fondamentaux que je n’irai pas non plus ». Ambiance.
C’est en effet une belle initiative de la part de Google, mais il ne faut pas se leurrer, le moteur de recherche, un peu à l’image de Microsoft par le passé, est en train de s’ériger un monopole de l’information à travers ses différentes plates-formes d’accès (Google drive, recherche, mail, etc.) dont les ramifications nous dépassent souvent. Une tendance que l’on voit de plus en plus lorsqu’on recherche quelque chose, c’est que Google extrait le contenu des pages web (que ce soit wikipedia ou d’autres sites culturels) pour les présenter directement à l’utilisateur. Au final, tout ce trafic échappe aux sites internet et Big G peut le rentabiliser en y glissant des publicités.
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