La littérature enfantine est connue pour être un haut lieu de la normalisation des comportements garçons/filles. De Martine à la plage au Petit ours brun, c’est bien le monde séparé du rose et du bleu, des princesses et des chevaliers, qui domine - de façon caricaturale pour les albums d’hier, de façon parfois plus subtile mais bien réelle dans ceux d’aujourd’hui. Or, progressivement, des albums tordant le coup aux stéréotypes sexistes émergent dans les bacs des librairies. En cette rentrée, deux d’entre eux attirent l’œil féministe. La militante Delphine Beauvois signe un efficace On n’est pas des poupées dans un univers graphique particulièrement séduisant, celui de Claire Cantais. Avec pour sous-titre « Mon premier manifeste féministe », on ne s’étonne pas d’y retrouver quelques notices, en fin d’album, de femmes célèbres telles que Simone de Beauvoir. La belle maison d’éditions Rue du Monde livre dans le même temps Le Grand zoo de la mode, un plaidoyer rigolo contre la mode imposée par les magazines. Une sorte d’éloge de la beauté au naturel. Le tout reste bien rose, histoire d’appâter le chaland féminin de 4 ou 6 ans… Qui ne manquera pas de nous interroger sur les idées bizarres véhiculées dans ces livres. Sans doute que le travail de création d’imaginaires d’un nouveau genre pour les petites filles, que Nelly Chabrol-Gagne [1] appelait de ses vœux dans son magnifique Filles d’albums, n’est pas encore né, ici comme ailleurs. Mais l’entreprise de sensibilisation antisexiste dès le premier âge a maintenant des outils simples et esthétiquement réussis. Ce n’est pas rien.
Le féminisme expliqué aux petites filles

On n’est pas des poupées, Delphine Beauvois et Claire Cantais, La ville brûle, 14 euros. Parution le 3 octobre, www.lavillebrule.com

Le grand zoo de la mode, Kristin Roskifte, Rue du Monde, 16 euros.
Notes
[1] Nelly Chabrol Gagne, Filles d’albums. Les représentations du féminin dans l’album, L’Atelier du poisson soluble, Le Puy-en-Velay, 2011, 240 pages, 38 euros.
Je trouve très dur d’être père de deux petits garçons et de trouver dans leurs lectures un monde à l’ancienne où maman est gentille, fait la cuisine, le ménage, les courses, ... tandis que papa n’apparaît que pour être rassurant.
Or dans le monde connu des enfants, c’est à dire le monde qu’ils voient, tout ou presque se passe à la maison.
Ainsi leurs lectures confortent les garçons dans leur désir de jouer, d’être dans un monde imaginaire, malgré les parents qui s’efforcent au partage des tâches, malgré la présence du père dans la maison.
C’est avant tout aux garçons qu’il faut expliquer le féminisme, c’est terrible de découvrir que leurs livres n’ont pas évolués. On se retrouve désarmé.
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