Elias Duparc est membre du PCF à Paris.
Ces élections municipales ont vu la victoire d’une centaine de listes menées par les communistes. À l’issue de cette nouvelle mandature, certaines communes auront été dirigées par le PCF pendant un siècle entier ! Un siècle de luttes et de politiques locales au service des salariés, des classes populaires et d’un idéal de solidarité. Mais dimanche dernier, le PCF a de nouveau perdu de nombreuses municipalités, et non des moindres. Bobigny, Villejuif, Vaulx-en-Velin étaient des villes communistes depuis des décennies. L’abstention qui sanctionne le gouvernement n’a pas épargné les élus locaux de gauche. La stratégie d’alliance au cas par cas du PCF lui a valu une campagne de déstabilisation. Le PS, la droite, le FN, se sont ici ou là unis pour faire tomber une équipe en place. Le Front de gauche est en péril. À l’aune de ces résultats difficiles (lire l’analyse de Roger Martelli), quels peuvent être les projets d’avenir du parti communiste ?
Un autre agenda que celui du calendrier électoral
Au soir du 23 mars, lorsque les premiers chiffres sont tombés, le PCF a fait savoir qu’il était satisfait car il « maintenait ses positions ». De fait, dans le contexte d’une sévère défaite de la gauche, le PCF s’en sort moins mal que le Parti socialiste. Mais la vérité c’est qu’il essuie des pertes très importantes, aussi bien en termes de municipalités que de nombre d’élus. Ce sont autant de communes populaires qui ne bénéficieront plus des mêmes efforts de solidarité et de redistribution. Ce constat met en lumière la grande pertinence de l’analyse du philosophe et militant communiste Lucien Sève : le PCF doit se doter d’une autre ligne stratégique que celle dictée par la succession des échéances électorales.
Le fameux mot d’ordre (légèrement galvaudé) qui nous enjoint à « faire de la politique autrement » doit être repensé à cette aune. Faire de la politique autrement, ce doit être d’abord et avant tout sortir du seul rythme des votations que nous impose la Ve République et élargir radicalement nos perspectives. L’abstention populaire, qui a lourdement handicapé nos sortants, nous y invite. Sève propose par exemple de s’intéresser au « déjà-là » communiste (solidarités, mises en commun, espace de partage et de gratuité, coopératives, services publics…), afin d’étayer ces alternatives vivantes et respirantes. À l’instar du Syriza en Grèce, il faut créer des chaines de solidarité quotidiennes qui impliqueront nos dizaines de milliers de militants bien au-delà des pratiques traditionnelles de tractage, affichage, meetings et porte-à-porte. Développer des réseaux d’entraide populaire permettra de recréer une forte solidarité locale au moment où la droite a conquis des villes de la "ceinture rouge" en s’attachant les services de groupes de jeunes, chargés de noyauter les quartiers avec une approche clientéliste et communautaire.
De nouvelles ambitions
À l’issue de ces élections municipales, une seule certitude : le PCF ne peut être un simple « syndicat d’élus » à l’image d’EELV selon Noël Mamère, incarnant une sensibilité plus "sociale". L’agenda du communisme ne peut pas se réduire au calendrier électoral. Nous devons inventer notre propre temporalité, réfléchir à une procédure de conquête démocratique du pouvoir par d’autres voies que les seules élections. Au sein du Front de gauche, le PCF ne peut plus se contenter de l’objectif de "limitation des dégâts" s’agissant de son patrimoine d’élus. Si le travail qu’il réalise dans les communes populaires est à l’évidence formidable, il ne peut se consacrer seulement à ce que ses positions électives « résistent » et « se maintiennent ». Nous devons déployer de nouvelles ambitions !
Et ce d’autant plus que, après trois décennies d’une révolution conservatrice, les choses bougent. Le long reflux du parti s’est achevé. Au cours de ces dernières années, avec une énième crise économique dévastatrice, « le libéralisme a brûlé sa part de rêve » (Serge Halimi). Mieux, certains repèrent une « résurrection du communisme » (Alain Badiou). De fait, après la belle campagne de 2012, le parti a vu ses scores se relever et ses effectifs augmenter. Dans les réunions publiques de la gauche critique, une foule nouvelle se masse. Les publications fleurissent, tout comme les séminaires d’étude de la pensée marxiste. Même la presse grand public ne peut passer outre ce regain : Philosophie Magazine vend comme des petits pains son hors-série sur « Les philosophes et le communisme » ! On y lit que « l’idée communiste connaît une nouvelle jeunesse » [1]. En Grèce, les communistes ont participé à la fondation du mouvement radical Syriza qui est aujourd’hui aux portes du pouvoir et en tête dans tous les sondages. La conjoncture n’est pas révolutionnaire, mais elle est à la recherche d’alternatives véritables à un système économique à bout de souffle.
Pour une réappropriation du concept de communisme
Cela doit conduire le PCF à se réapproprier pleinement ce communisme qu’il est après tout le seul à brandir dans son nom. Car ces élections municipales l’ont montré : la volonté bien légitime de conserver nos communes a conduit la plupart des sortants à gommer cette appartenance pour valoriser des « fronts », des « arcs », des listes d’union élargies. Même la référence au "communisme municipal" a été dédaignée, au profit de mots d’ordres plus neutres, progressistes, républicains et citoyens. Certes, il est impossible de gagner et de garder des positions électives en agitant le drapeau rouge, les scores de l’extrême gauche en attestent. L’ouverture ainsi que le rassemblement de toutes les bonnes volontés de gauche sont indispensables. Mais doivent-ils se traduire par l’abandon du référent-communisme ? Une chose est sûre, malgré l’anticommunisme intuitif des classes moyennes, cet effacement n’est en aucun cas une garantie de victoire.
Il nous faut construire un communisme qui permette de dépasser l’interprétation vague et timorée qui en est faite par certains. Surtout à l’heure où le "socialisme" du PS n’a plus aucune signification. L’absence d’idéologie socialiste au PS est peut-être ce qui explique que ce parti sans programme, sans visée ni armature intellectuelle, n’accède au pouvoir que par défaut, quand les extorsions de la droite la rendent trop impopulaire et l’obligent à céder la place. Pour revivifier notre communisme, il faudra éviter d’une part l’écueil de l’idéalisme abstrait d’un communisme "transcendantal" (communisme hors-sol et jamais là, fait d’invocations de "l’universel", inoffensif parce qu’irréel), et d’autre part la tentative d’édulcoration du programme communiste en une vulgate attrape-tout du "bien-vivre-en-commun".
Socialisme vs. communisme
Lucien Sève insiste sur la grande différence entre socialisme et communisme, une différence dont nous devons nous saisir à nouveau en ce lendemain de défaite de la gauche. Le socialisme, « c’est un projet d’émancipation incomplète », dit le philosophe, « qui fait intervenir le pouvoir d’État comme moyen de dépasser la gestion capitaliste. C’est un moyen qui est solidaire d’une voie démocratique, d’où l’appellation de social-démocratie. Communiste, c’est l’idée d’une émancipation radicale, qui va jusqu’au bout dans l’appropriation en commun par les producteurs eux-mêmes. » Or, toute l’histoire récente de la conceptualisation du communisme dans les textes théoriques de congrès du PCF [2] montre qu’il a eu tendance à le renvoyer à une peu concrète « visée », à un « idéal » à poursuivre, soit d’après Sève, quasiment à « une utopie ».
« Du côté communiste il y a des tendances très fortes à abandonner le mot communisme, considéré comme irrémédiablement défraichi par l’histoire, irrémédiablement solidaire de choses indéfendables ». D’où le retour, notamment en Amérique latine, d’une revendication socialiste — dans le Venezuela de Chavez par exemple. Mais symétriquement, un courant s’est redéveloppé dont la conviction est qu’une « repensée fondamentale du communisme est aujourd’hui à l’ordre du jour ». C’est dans cette direction que nous devons désormais avancer résolument : la mise en commun des richesses par leur appropriation collective et singulière — afin que tous puissent accéder au meilleur.
J’espère que le PC ne se rangera pas derrière le PS pour les élections européennes !.
Malheureusement, la « gauche de gauche » ne s’oriente pas vers la remise en question radicale de la dictature européenne et de sa monnaie unique : J.-L. Mélenchon continue en effet de prétendre que « l’Europe est à nous » (sic) et que « l’euro est notre monnaie » (sic), pendant que Pierre Laurent, président du Parti de la Gauche Européenne, se prononce pour une impossible « refondation » de la construction européenne… dans le cadre de cette prison des peuples qu’est l’UE…
Un parlement européen qui trahit les peuples !
Au demeurant, le « parlement » européen n’a jamais été autre chose qu’une fiction coûteuse : sa mission est de masquer le fait que l’UE est pilotée par une poignée d’États très puissants qui n’ont d’oreilles que pour les « marchés financiers » et pour les exigences du grand patronat. Pendant ce temps, les parlements nationaux privés de tout pouvoir budgétaire réels par le Traité européen de gouvernance (TSCG), se transforment en chambres d’enregistrement des directives édictées par Bruxelles.
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