photo cc Marie-Lan Nguyen
Accueil > Société | Par Loïc Le Clerc | 29 mai 2017

Anne Hidalgo et la Licra en croisade contre la non-mixité

Se faisant le relais de la fachosphère, la Licra et la maire de Paris, Anne Hidalgo, ont fustigé un festival afroféministe qui réserve certains moments aux femmes noires. Sur la foi d’informations fausses et en totale méconnaissance du principe de la non-mixité.

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Certains, qui n’ont jamais eu besoin de lutter pour leur émancipation et pour l’égalité, ont trouvé un nouveau passe-temps : chercher quel événement organisé par et pour les personnes racisées ils vont pouvoir attaquer. L’été dernier, le camp décolonial de Reims avait donné des haut-le-cœur aux antiracistes spécialistes ès "racisme anti-blancs" (camp qui, au demeurant, avait réuni 170 personnes). Cette année, c’est donc au tour du collectif Mwasi d’en faire les frais. En cause : l’organisation du "Nyansapo Fest", un "festival afroféministe", à Paris du 28 au 30 juillet.

Anne Hidalgo dans la foulée de la fachosphère

Concrètement, ce festival se décompose en quatre espaces : un premier réservé aux femmes noires, un deuxième aux personnes noires, un troisième aux femmes racisées et un dernier ouvert à tout le monde, comme il est clairement indiqué sur la brochure du programme.

Le 26 mai, sur le forum de jeuxvideo.com, la fachosphère organise la fronde pour dénoncer cet événement. Et les dominos tombent. Fdesouche et le FN d’abord. Puis la Licra s’en fait l’écho, osant sur Twitter un « Rosa Parks doit se retourner dans sa tombe ». Enfin viennent Ni putes ni soumises, SOS Racisme, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), Raphael Enthoven, Joann Sfar, etc.

Mais c’est surtout la vive réaction d’Anne Hidalgo, en sa qualité de maire de Paris, qui a le plus surpris. Via Twitter, elle « condamne avec fermeté l’organisation à Paris de cet événement "interdit aux blancs" », en « demande l’interdiction », annonce « saisir le Préfet de police en ce sens » et se « réserve également la possibilité de poursuivre les initiateurs de ce festival pour discrimination ».

Et voilà comment les « 80% du festival », soit la place laissée à « l’espace non mixte femmes noires » deviennent officiellement un « festival interdit aux blancs ». Une fois de plus, la non-mixité fait scandale. À Nuit debout, des réunions sont réservées aux femmes : scandale. Le camp décolonial : scandale. Et ce sont toujours des membres de groupes majoritairement masculins, blancs et influents qui protestent.

La non-mixité aux origines des mouvements d’émancipation

Des luttes pour les droits civiques des Noirs américains à celles des femmes françaises en passant par celles des LGBT, la non-mixité a toujours été un passage obligatoire, le début de quelque chose de plus grand avant l’offensive, l’ouverture. Christine Delphy en définissait parfaitement la « nécessité politique », l’année dernière sur le site Les mots sont importants : « Dans les groupes dominés-dominants, c’est la vision dominante du préjudice subi par le groupe dominé qui tend à… dominer. Les opprimés doivent non seulement diriger la lutte contre leur oppression, mais auparavant définir cette oppression elles et eux-mêmes ». La sociologue affirmait encore :

« C’est pourquoi la non-mixité voulue, la non-mixité politique, doit demeurer la pratique de base de toute lutte ; et c’est seulement ainsi que les moments mixtes de la lutte – car il y en a et il faut qu’il y en ait – ne seront pas susceptibles de déraper vers une reconduction douce de la domination. »

Les Noirs ne s’émancipent pas du Blanc en commençant par lui demander son avis (encore moins sa permission), pas plus que la femme de l’homme ou l’ouvrier du patron. Relisons ce témoignage de Monique Wittig, daté de 1979 mais publié seulement en 2008 par ProChoix (revue fondée par Caroline Fourest, entre autres), rapportant le contexte des premières réunions (non-mixtes) qui allaient donner naissance au mouvement féministe français, et à ce qu’on appellera par la suite le MLF : « Les filles de Vincennes n’arrêtaient pas de dire : "On ne peut pas faire ça, il faut prendre le terrain comme il est. Nous avons affaire à un ensemble de femmes et d’hommes, il faut partir de là". Finalement personne n’a lâché, on a beaucoup discuté, et on a fait quelque chose de très bien ». Et la romancière militante de préciser :

« C’est-à-dire : on invite tout le monde à venir, à une certaine occasion qui reste à définir, et après, on prend un amphi, on explique la situation à tout le monde, et on demande aux hommes de partir. "Nous ne commencerons la réunion que quand les hommes seront partis". C’était une gageure, mais c’est ce qu’on avait décidé de faire. »

Rétropédalage dans la semoule

On pourrait ici souligner les indénombrables lieux officiels (ou officieux) de non-mixité, genrée ou raciale, qui perdurent en France, mais il serait trop long d’explorer les méandres du CAC 40, du Parlement, du Conseil de Paris ou encore de l’organigramme de la Licra. Sans parler des clubs qui ont pignon sur rue : le Siècle, le Jockey, l’Interallié, le Travellers, le Polo ou l’Automobile Club de France, etc. Mais il est aussi des lieux très respectables, comme la Maison des femmes de Paris, "association féministe non mixte et laïque" qui se voit soutenue et financée par la mairie de Paris. En 2017, il n’y a que l’électorat de François Fillon qui verrait-là un affront à la condition masculine. Et pourtant, c’est bien la gauche qui s’indigne.

Quand le PS cherche un bon moyen pour faire oublier ses turpitudes politiques, il n’a toujours rien trouvé de mieux que d’agiter le drapeau de la République en chantant « Égalité ! Laïcité ! ». Des mots plus que des valeurs, puisque des années de pouvoir ont prouvé son peu d’enclin à occuper de ce terrain-là.

La maire socialiste de Paris s’est certes emparée de cet événement parce que le lieu principal du festival est un endroit loué par la municipalité à La Générale. Sauf que… les ateliers non-mixtes se dérouleront, eux, dans des locaux privés. Et Anne Hidalgo, réagissant au quart de tour, s’est empêtrée dans un bourbier dont elle ignorait les « subtilités », allant jusqu’à recevoir un « merci » de Fdesouche.

Dans un communiqué, La Générale rappelle que « lorsque la question de la race n’est pas évoquée, les groupes de discussion féministes "entre femmes" n’ont jamais posé de problème à grand monde. » Rétropédalage ce lundi 29 mai d’Anne Hidalgo, toujours via Twitter. La maire de la capitale assure qu’« à la suite de [s]on intervention ferme hier auprès des organisateurs, une solution claire a été établie ». Laquelle ? « Le festival organisé dans un lieu public sera ouvert à tous. Des ateliers non-mixtes se tiendront ailleurs, dans un cadre strictement privé. » Soit exactement ce qui était prévu initialement par les organisateurs. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour méditer les paroles de Nelson Mandela : « Ce qui est fait pour nous sans nous est fait contre nous ».

@LoicLeClerc33

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Vos réactions

  • Bravo Mr Le Clerc.

    Très bon article qui montre bien les impostures médiatico-politiques de politiciens (et apparentés, cf LICRA) tellement obnubilés par l’occupation de l’espace médiatique...
    qu’ils oublient de se renseigner avant de dire des bêtises. :)

    Ce type de comportement méprisable a été initié et popularisé
    il y a 10 ans par Mr Sarkozy...
    Il a ensuite été copié par le clone officiel de Mr Sarkozy appelé Mr Valls...
    qui a, semble-t-il, réussi à populariser ces agissements de politichiens irresponsables au sein du PS...
    Et voilà le résultat. :(

    Je vous félicite d’avoir bien pointé la chose. :)

    cavalierbleu Le 29 mai 2017 à 20:46
       
    • @93 - si je comprends bien, parce que noires, elles doivent en parler ?

      carlos Le 30 mai 2017 à 09:50
  •  
  • Personnellement, j’ai commenté l’article de Mr Le Clerc...
    que j’ai lu. :)

    93, en bon troll de la Fachosphère
    qui ne se respecte même pas lui-même
    et par conséquent ne risque pas de respecter qui que ce soit, :)
    n’a même pas lu l’article en question.

    Il n’est là que pour répandre les thèmes de prédilection de sa fachosphère d’origine,
    transformant ainsi internet en un vaste cloaque à ciel fermé...

    sans que ces thèmes n’aient le moindre rapport avec le sujet de l’article de Mr Le Clerc.

    cavalierbleu Le 29 mai 2017 à 22:08
  •  
  • C’est drôle, j’aurais titré "Anne Hidalgo et la Licra s’opposent au tri des êtres humains selon des présupposés raciaux"...
    Commencer cet "article" nauséeux en mélangeant Anne Hidalgo, la Licra, et la fachosphère, est indigne.

    Car c’est ainsi que ce "Festival" était présenté, par ses organisateurs eux-mêmes : 20% d’espace "mixtes" et 80% d’espace réservés tantôt aux métisses, aux noirs, avec ou sans hommes. Ce, au même endroit et non dans un quelconque "espace privé". Du moins dans un premier temps. Ce n’est pas Anne Hidalgo qui a "rétropédalé" mais les organisateurs.

    Rien à voir, donc, avec des maisons spécialisées qui accueillent des populations spécifiques en détresse et dont le travail est tout à fait louable, comme "Le Refuge" pour les jeunes homosexuels, par exemple. Nul ici n’oserait crier à la discrimination.

    Depuis deux jours, des personnalités comme Audrey Pulvar se font agonir sur le net, car elles ont le malheur de s’offusquer de telles pratiques.
    On nous renvoie à des manifestations des années 1970, mais sommes nous encore dans les années 1970 ? On ne peut pas, en France, parler du racisme, dans l’espace public, y compris dans les médias, sans pratiquer et organiser la ségrégation ?
    Je rappelle que la dernière fois que l’on a fait le tri des humains à Paris, c’est pour envoyer des Juifs à Drancy puis dans des camps de la mort...
    Voilà pourquoi on ne peut être que révulsé par ces manifestations, d’autant qu’elles sont soutenues par d’authentiques racistes (le PIR et autres...) et organisées par des gens qu’au fond, on ne connait pas.
    A propos, c’est quoi cette histoire de lobby de vêtements, d’affaire commerciale ? Je suis totalement ignorant de ce fait, la personne qui a écrit cela a-t-elle des précisions ?
    Merci.
    L

    Laurenzo Le 30 mai 2017 à 14:07
  •  
  • Eh bien Laurenzo a eu sa réponse de 93,
    la grande bouche de la Fachosphère
    qui, une fois de plus l’avait ouverte pour dire n’importe quoi
    et qui est obligé de "rétro-pédaler". :)

    Et maintenant la mienne. :)

    Il est proprement scandaleux de galvauder le terme de "ségrégation" comme vous le faites
    en confondant la vraie ségrégation,
    qui est une politique menée par des pouvoirs publics contre une partie de la population
    comme cela a été le cas aux USA jusque dans les années 1960
    et en Afrique du Sud jusqu’à la fin de l’Apartheid...

    et votre pseudo-ségrégation qui n’en est pas véritablement une
    puisqu’il s’agit d’une simple manifestation organisée par une association.
    Les deux choses n’ont rien à voir.

    Seuls les gens de la Fachosphère font de tels amalgames...

    et les gens extrêmement poreux aux discours de la Fachosphère comme, par exemple, Mrs Sarkozy, Fillon ou Valls. :)

    cavalierbleu Le 30 mai 2017 à 16:54
  •  
  • Complètement d’accord avec Carlos, écouter avant de juger et condamner ! Hidalgo et compagnie se vautrent encore dans de la posture bien démago..

    Pour "neuf trois" ou "quatre-vingt treize" :

    J’ai aussi de la famille proche au Fasso, au quartier Dioulassoba et aux secteurs 24 et 25, j’y vais quand j’ai le temps et des tunes et j’ai croisé des "toubabous rastas" qui s’étaient fait mélanger la tête par des brancheurs-guides, certains sont devenus très vite aigris et cyniques par rapport à leur ex-idéalisation de l’Afrique, alors que d’autres ont bien pigé comment se comporter, vivent très bien avec les bobolais et sont appréciés.
    Je ne parle pas des gros expats et de leurs villas avec personnel ; jamais fréquenté ces gens là, rien qu’a les voir faire leurs courses chez les libanais pour piger on fait pas partie du même camp.
    Et ça peut arriver à tout le monde de se faire embrouiller par les griottes pendant les mariages..

    Et alors ?

    Quel rapport avec cette réunion ?

    Arouna Le 31 mai 2017 à 11:06
  •  
  • Allez il y a peu de temps lorsqu on militait contre le fait qu’ une militante NPA porte le voile lors du temps électoral et sur les affiches , on se faisait traiter d islamophobes

    Certains parmi ceux qui faisaient partie du npa 13 sont devenus en bouffant à tous les rateliers candidat france insoumise 5 eme circo de Marseille ( ou l’ entrisme du fachisme vert chez la France insoumise )

    La bienpensance EELV Autainiste Ensemble anti République me fait un peu gerber ...C est ce qui fait perdre la France insoumise version législatives qui s est gauchisée et qui a quitté cette défense de la République Sociale chère à Mélenchon ( on parle d’ écologie , de vivre ensemble etc etc)

    A gerber et quel gâchis ! Loin du peuple !

    STORA Antonin Le 2 juin 2017 à 21:58
  •  
  • @93 - si je comprends bien, parce que noires, elles doivent en parler ?
    carlos Le 30 mai à 09:50

    Le taux de prévalence de l’excision chez les filles sénégalaises âgées de moins de 15 ans est passé de 18 à 14,6% entre 2013 et 2015, a déclaré, jeudi à Dakar, Moussa Faye, représentant résident assistant au Sénégal du Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa en anglais).
    "Pour la jeune génération, des progrès notables ont été obtenus ces dernières années au Sénégal, entre 2013 et 2015, la prévalence de l’excision chez les filles âgées de moins de 15 ans, est passée de 18 à 14,6%", a expliqué M. Faye à l’ouverture d’un symposium sur les mutilations génitales féminines.Au Sénégal, a poursuivi Moussa Faye, la proportion de femmes âgées de 15-49 ans ayant déclaré avoir subi l’excision est passée de 28% en 2005, à 25% en 2014 et à 24% en 2015, avec toutefois des disparités régionales car, les régions de Tambacounda, Kédougou (Est) Sedhiou, Kolda, Ziguinchor (Sud), Matam (Nord sont plus touchées.
    "En termes de progrès vers l’abandon des mutilations génitales féminines, la baisse de la pratique de l’excision est cependant remarquable chez les ethnies qui la pratiquent le plus ‘’ , a expliqué Moussa Faye.
    Ainsi, a-t-il poursuivi, chez les mandingues, 37% des filles de -15 ans sont excisées alors que 71% de leurs aînées (15-49 ans) le sont.
    Chez les Soninkés, a encore dit Faye, la prévalence de l’excision est de 60% chez les aînées contre 39% chez les plus jeunes.
    Cela signifie que les filles subissent de moins en moins la pratique des Mutilations génitales féminines (Mgf) comparées à leur mère, note-t-elle.
    Selon lui, l’argument médical a permis de renforcer la sensibilisation auprès des communautés, et qu’il est plus que jamais essentiel de travailler avec le personnel de santé qui peut jouer un rôle déterminant pour accélérer la dynamique sociale des communautés et à continuer à sensibiliser les communautés.
    Extrait Seneweb .
    Avec mon salut aux petits franchouillards !

    buda Le 14 juillet 2017 à 02:45
  •  
  • Quand on réfléchit futur, on pense à l’humain d’abord. L’humain n’a de couleur que face au soleil, le reste relève de schéma de penser du 19eme.

    L’humain n’a ni race, ni couleur. Il n’a que la culture et son histoire pour le différencier, puis le réunir à nouveau.

    Je suis toujours dubitatif sur les personnes qui se vautre dans ces Pseudo débats où Regard et le PCF ne sont jamais les derniers pour se donner l’habit du revolutionnaire .

    La Renaudie Le 23 juillet 2017 à 06:17
  •  
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