Accueil > monde | Par Laura Raim | 20 novembre 2017

Aux États-Unis, la gauche "socialiste" de Sanders remporte des élections

La brillante campagne présidentielle de Bernie Sanders n’est pas restée sans lendemain malgré la victoire de Trump : les élections locales ont porté aux responsabilités nombre de ses partisans et autres figures de l’opposition au milliardaire-président.

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Il faut savoir reconnaître les bonnes nouvelles quand elles pointent leur nez, même timidement et sans fanfare, au milieu de la nuit trumpienne : les résultats des élections locales du 7 novembre dernier aux États-Unis ne reflètent pas seulement un fort rejet du Parti républicain du président, ils laissent espérer que la construction d’une force politique radicale amorcée par Bernie Sanders ne s’est pas essoufflée à la fin de sa campagne.

Si les journaux ont titré sur la revanche des démocrates, et notamment leur victoire au poste de gouverneur dans le New Jersey et surtout en Virginie (un État traditionnellement républicain), l’analyse dans le détail des multiples scrutins locaux révèle en effet le succès de nombreux militants (vraiment) de gauche.

"Our Revolution", un air de révolution

Sur les 59 candidats soutenus par Our Revolution, le mouvement créé il y a un an par le sénateur du Vermont peu après l’arrivée à la Maison blanche du milliardaire, 27 ont gagné, de même que 15 candidats issus des Democratic socialists of America. La principale organisation socialiste du pays, dont le nombre d’adhérents est passé de 6.000 à 30.000 depuis novembre dernier, affirme ainsi que 56% de ses candidats ont remporté des sièges, contre 20 % lors du cycle électoral précédent.

Parmi eux, Lee Carter, un ancien des marines de trente ans, qui a découvert le socialisme l’année dernière grâce à la campagne de Sanders. Malgré les tracts républicains le dépeignant en Staline et l’absence de soutien de l’appareil démocrate local – qui voyait d’un mauvais œil son engagement en faveur d’une assurance maladie publique et son opposition à un projet de gazoduc –, il a évincé le très puissant délégué républicain Jackson Miller de l’assemblée locale de Virginie.

Dans le Massachussetts, sept candidats appuyés par Our Revolution ont raflé des sièges au conseil municipal de Somerville. Des socialistes ont également remporté des sièges municipaux à Lakewookd dans l’Ohio, à Billings dans le Montana, à New Haven et à Hamden dans le Connecticut.

Mik Pappas, un avocat des droits civiques membre de DSA est devenu juge à Pittsburg, après une campagne contre l’incarcération de masse et notamment contre les peines de prison pour les délits liés à la drogue et pour le droit à un logement et des services juridiques abordables. Dans le Maine, les électeurs ont en outre approuvé par référendum l’élargissement du programme public de couverture maladie pour les plus modestes (Medicaid) à 70.000 personnes supplémentaires.

Figures de résistance

Pas forcément officiellement estampillées "socialistes", d’autres figures incarnant la résistance aux positions racistes et réactionnaires de Trump ont été élues. Larry Krasner, un avocat engagé contre les violences policières et contre la peine de mort, ayant défendu bénévolement des militants Occupy Wall Street et Black Lives Matter, est devenu procureur à Philadelphie, la ville au taux le plus élevé d’incarcération par habitant.

Melvin Carter est devenu le premier maire noir de St. Paul, dans le Minnesota, après avoir promis de réformer la police et d’instaurer la gratuité dans les crèches. Militante du salaire minimum à quinze dollars de l’heure, Vi Lyles est devenue la première maire noire de Charlotte, en Caroline du Sud.

La démocrate Danica Roem est devenue la première femme ouvertement trans à accéder à une assemblée locale. La femme de trente-trois ans a en effet été élue à la Chambre des délégués de Virginie, où sont votées les lois de l’État, délogeant le républicain Robert Marshall, un farouche opposant aux droits LGBT qui refusait de la désigner par le pronom "elle".

Seattle a élu sa première maire lesbienne tandis qu’un Sikh a remporté la mairie de Hoboken dans le New Jersey. À Helena, capitale du Montana, une réfugiée du Liberia qui avait dénoncé le "muslim ban" du gouvernement a été élue maire. À Iowa City, enfin, Mazahir Salih est la première américaine d’origine soudanaise à siéger dans le conseil municipal.

Des Démocrates immobilistes

Une petite liste qui confirme, après le succès inattendu de la campagne de Sanders, que l’étiquette "socialiste" ne fait plus peur à une nouvelle génération d’Américains, tout à fait réceptifs envers le projet de réduire les inégalités, d’étendre l’assurance maladie et de combattre l’emprise financière qu’exerce les multinationales sur la vie politique américaine.

Il est cependant probable que la direction du Parti démocrate, tenu par les attentes de ses donateurs de Wall Street, demeure sourde à la radicalisation de sa base, refusant toujours de comprendre que l’échec de Hillary Clinton à la présidentielle doit plus à la couleur ultralibérale de son programme qu’aux complots russes ou au sexisme des Américains.

Préférant retenir par exemple la victoire du centriste Ralph Northam au poste de gouverneur de Virginie, le parti de l’opposition semble se contenter, pour les élections législatives nationales de mi-mandat de l’année prochaine, de miser sur la seule détestation de Trump pour empocher mécaniquement les voix de la "résistance".

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Vos réactions

  • il serait intéressant de rapporter comment évolue "réellement" les tensions internes du parti démocrate entre d’un côté, les soutiens de Clinton et de l’autre, ceux de Sanders... Car enfin, il est important de voir s’il est possible que les E.U. s’orientent finalement vers une politique internationales moins "agressive" en cas de victoire démocrate aux prochaines élections présidentielles... ce qui ne sera pas le cas si le camp Clinton triomphe.

    carlos Le 20 novembre 2017 à 15:39
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  • Bonjour
    Voila une bonne chose,
    mais en espérant que la "gauche" clintonienne, l’appareil du parti démocrate , ne récupére pas ce mouvement à la base. ils ont plus d’un tout d’en leur sac et sont malin, et surtout on beaucoup de moyens, et de complicités...voir médias. Je rejoins carlos.

    bob Le 21 novembre 2017 à 11:28
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  • Vous ne pouvez pas vous empêcher d’avoir une vision communautariste en parlant de "genre" et "LGBT " alors que ce sont des citoyens élus sous des étiquettes Démocrate" ou "socialiste" façon Bernie Sanders.

    cording Le 21 novembre 2017 à 13:41
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  • Les guillemets au mot ’socialiste’ sont-ils justifiés ? Dans le texte de l’article parfois ils figurent, parfois non. Ce mot prend des sens si nombreux qu’il peut désigner des régimes ou des lignes politiques contradictoires. A côté de cela le socialisme a la propriété de changer de nom quand la réalité qu’il désigne devient indéfendable.

    Ce brouillage syntaxique est la providence des adeptes de la langue de bois. Ils peuvent y voir la ressource d’une carrière infinie où ils auront réponse à tout.

    Glycère Benoît Le 22 novembre 2017 à 08:49
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  • Réconfortante nouvelle qu’aux USA le mot socialisme retrouve son honneur.

    Bona Le 16 décembre 2017 à 16:44
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  • Bonjour
    Lire un article :A Pittsburgh on sait que le socialisme est possible dans Libé du 19/01. l’idée du socialisme , commence a progresser aux USA dans la foulé des résultats de Sanders, et pas seulement dans , dans la défenses des minorités.
    la jeunesse est de plus a plus attirés par le socialisme , ainsi que part le rejet de la religion. Cela progresse , lentement , mais surement.

    BOB Le 19 janvier 2018 à 15:15
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