Les partis indépendantistes ont remporté les élections régionales que le gouvernement de Mariano Rajoy avait convoquées en Catalogne le 21 décembre. Si on les additionne, les sièges obtenus par Junts per Catalunya (JxC), Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) et la Candidatura de Unitat Popular (CUP) représentent la majorité du Parlement régional, ce qui leur permettra de former un gouvernement indépendantiste.
Ce résultat constitue une défaite pour Rajoy, qui espérait clore la crise catalane par cette élection surprise avec une victoire des partis unionistes. C’est néanmoins le parti de centre-droit Ciudadanos (opposé à l’indépendance) qui a pris la pole-position en nombre de sièges et de voix – défaite symbolique s’il en est pour le mouvement indépendantiste. Mais, au-delà de la question nationale, ce sont les partis de droite néolibérale qui sortent vainqueurs de l’élection, ce qui ne devrait pas manquer de faire réfléchir la gauche catalane.
Un scrutin singulier
Le jour du vote, le 21 décembre dernier, tout semblait normal dans les rues de Barcelone ; les très longues files d’attente devant les bureaux de vote étaient le seul signe visible du caractère exceptionnel de cette élection (la participation a atteint le chiffre de 83%). Pourtant, la mobilisation n’a pas été la seule originalité de cette convocation aux urnes : d’abord, les Catalans ont été appelés à voter sur décision du gouvernement espagnol après qu’il a décrété la suspension de l’autonomie politique de la région pour la première fois depuis la fin de la dictature de Francisco Franco.
Une décision prise par Mariano Rajoy après la déclaration symbolique d’indépendance votée par le Parlement catalan le 27 octobre. La suspension de l’autonomie brandie au nom de l’article 155 de la Constitution a pourtant été considérée anticonstitutionnelle par des juristes comme Joaquín Urías, ancien membre de la Cour constitutionnelle espagnole.
Effet direct : les deux principaux candidats indépendantistes ont été empêchés de mener la campagne électorale à égalité de conditions avec le reste des candidats. L’ancien président du gouvernement régional Carles Puigdemont (JxC) a dû faire campagne depuis son exil forcé de Bruxelles, où il est parti pour fuir la justice espagnole.
Puigdemont en bonne position
Quant à l’ancien vice-président catalan Oriol Junqueras (ERC), c’est depuis une prison madrilène qu’il a tenté de diriger son parti jusqu’au jour du vote. Les deux têtes de liste – comme d’autres leaders indépendantistes – ont été accusés de plusieurs délits liés à l’organisation du référendum d’auto-détermination du 1er octobre, déclaré illégal par la Cour constitutionnelle.
Mais, là encore, il y a eu deux poids deux mesures : quand Carles Puigdemont a mené une campagne électorale très efficace, au travers d’interventions filmées, l’activité électorale d’Oriol Junqueras a été limitée à l’envoi de lettres à ses soutiens depuis la prison. Cette différence de traitement pourrait expliquer en partie l’inattendu succès électoral de Junts per Catalunya, qui a obtenu la première position dans le bloc indépendantiste et la deuxième dans le Parlement.
Ce résultat place ainsi Puigdemont dans une position favorable pour obtenir la majorité qui lui permettrait d’être à nouveau élu président ; En effet, la candidate de Ciudadanos, Inés Arrimadas, n’aura pas de majorité au Parlement, même si son parti a le plus grand nombre de sièges. Mais la situation n’est toujours pas claire : il n’est pas certain que Carles Puigdemont soit élu président, dans la mesure où il sera certainement arrêté par la police espagnole s’il retourne en Catalogne pour son investiture.
Sursaut électoral à droite
Indéniablement, les partis de gauche ont subi des revers électoraux et ce sont les partis de droite (indépendantistes ou unionistes) qui ont attiré la plupart des voix. Force est de constater que Ciudadanos, parti nationaliste espagnol qui apparaissait souvent très réactionnaire aux yeux des Catalans, a réussi à atténuer cette image pour conquérir un électorat indécis, opposé à l’indépendance de la région et fatigué du blocage de la situation politique depuis la première victoire électorale des indépendantistes en 2015.
Ainsi, la candidate de Ciudadanos, Inés Arrimadas, a-t-elle obtenu le soutien d’une bonne partie des électeurs du Parti populaire (le PP de Mariano Rajoy, qui a obtenu moins de 5% des voix), tout en réussissant son pari d’attirer beaucoup de citoyens des classes populaires qui, auparavant, votaient pour le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) ou, plus récemment, pour Podemos.
Toujours à droite, mais du côté indépendantiste, Junts per Catalunya est l’incarnation la plus récente de Convergència Democrática de Catalunya (CDC), le parti conservateur et néolibéral qui a gouverné la Catalogne pendant trois décennies. Certes, Convergència a trempé dans de nombreux scandales de corruption et ses gouvernements ont appliqué des politiques d’austérité extrêmement dures et impopulaires, mais le récent retour en grâce du mouvement indépendantiste lui a permis de renouveler son image. C’est pourquoi, aujourd’hui, les partis défenseurs de l’austérité occupent la majorité des sièges du Parlement catalan, malgré l’opposition populaire aux coupures budgétaires.
Mauvais résultat pour la gauche
À l’inverse, le parti de centre-gauche ERC, le PSOE, Catalunya en Comú-Podem (la coalition formée par Podemos, le parti de la maire de Barcelone Ada Colau et d’autres partis de gauche) et la CUP font figures de grands perdants de l’élection.
Dans le camp indépendantiste, Esquerra et la CUP ont souffert des conséquences de la concentration des voix séparatistes dans la candidature de Carles Puigdemont, considéré comme le président légitime de la Catalogne par le mouvement indépendantiste. Du côté unioniste, le Parti socialiste a perdu beaucoup de voix au détriment de Ciudadanos, dont le discours anti-indépendance apparaissait plus radical.
Finalement, Podemos et ses alliés n’ont pas réussi à séduire l’électorat avec leur proposition d’un référendum légal sur l’indépendance de la région, référendum dans lequel le parti de Pablo Iglesias aurait sûrement défendu le "non" à la sécession. À l’heure actuelle, il apparaît que le conflit sur l’indépendance et sur l’identité nationale ne constitue pas un terreau favorable pour les partis catalans de gauche, quelle que soit leur position sur la question nationale-territoriale.
Tensions chez les indépendantistes
Pour l’heure, la composition du futur gouvernement catalan est incertaine, alors que la première session du Parlement aura lieu le 17 janvier. Carles Puigdemont a demandé d’être investi président à distance par le Parlement, pour pouvoir retourner en Catalogne et mettre le gouvernement espagnol face au dilemme d’arrêter un président élu ou lui permettre prendre ses fonctions. Cependant, cette possibilité n’est pas explicitement reconnue par le règlement du Parlement régional.
La question de l’investiture du président est en train d’aggraver les tensions entre les deux grands partis indépendantistes, Junts per Catalunya et Esquerra Republicana de Catalunya. De son côté, Catalunya en Comú-Podem a l’avantage de ne pas avoir à choisir entre le bloc unioniste et le bloc indépendantiste, puisque son petit groupe parlementaire (huit députés) ne sera pas déterminant pour l’élection du président de la région.
Mais c’est bien là la seule consolation pour les alliés catalans de Podemos, qui devront maintenant entamer une réflexion sur leur place dans le si complexe contexte politique catalan.
Bonjour
cela était un peu prévisible....a flatter les nationalismes, tout les nationalismes, grands ou petits !?, NON
Flatter les égoïsmes aussi, les riches ne veulent pas payer pour les pauvres. Alors , quand cela, est, qu’on passe à autre chose.
La Catalogne libre ne peut vraiment se construire , que dans le socialisme et le communisme, et solidaire des autres peuples d’Espagne, d’Europe et du monde. relire G Orwell "Hommage a la Catalogne"
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