Les résultats 2013 des sociétés de l’indice parisien sont connus, de même que les dividendes qu’elles se proposent de verser à leurs actionnaires. Le résultat est sans appel : les bénéfices nets réalisés sont globalement en baisse de 8% – à hauteur néanmoins respectable de 48 milliards d’euros. Ce résultat global en baisse est notamment dû à la perte de plus de 9 milliards réalisée par GDF-Suez qui paie au prix fort ses mauvais choix stratégiques. Si l’on retranche cette entreprise, il y a eu augmentation de 13% des profits.

Total des résultats net consolidés part du groupe, des entreprises du CAC 40 et des dividendes versés aux actionnaires, en milliards d’euros. Voir ici le détail pour les différentes entreprises.
Il n’empêche, les dividendes qui seront versés sur les résultats 2013 versés à l’ensemble des actionnaires des entreprises du CAC 40 augmentent eux de 5,5%. Ils ne sont en baisse dans aucune entreprise de l’indice, y compris pour celles qui ont fait moins de profits que l’an passé et y compris chez GDF-Suez malgré la perte abyssale, ce qui est totalement exubérant et même selon certains illégal. En 2013, les dividendes devraient représenter 81 % des bénéfices. Record de 2009 battu pour le coût du capital (lire "Mener campagne contre le coût du capital")
Prélèvements nets de prédation
Les thuriféraires du capital actionnarial comme Bertrand Jacquillat du Cercle des économistes, « Il s’agit là d’un taux de rémunération à peu près normal que l’on retrouve d’ailleurs dans la plupart des autres économies développées. Pour ce qui est de l’économie réelle, on remarque que depuis les années 1970 les sociétés distribuent chaque année des dividendes et que l’ensemble de ces versements ont représenté un peu moins que ce que l’on baptise l’appel au marché financier. Autrement dit, explique-t-il, les gains amassés grâce à ce type d’action servent au financement de l’économie et sont le plus souvent supérieurs aux versements des dividendes ». L’économiste aurait dû consulter la cartographie annuelle des tendances des marchés financiers de l’AMF. À la page 31 de l‘édition 2013, il aurait vu le graphique suivant :

Les actionnaires des sociétés cotées ne contribuent plus au financement de ces entreprises. Aux États-Unis, depuis des années, les émissions nouvelles d’actions sont inférieures aux rachats d’actions opérés pour faire monter les cours. En France, le solde est pratiquement à zéro. Comme ces données ne tiennent pas compte des dividendes versées, la conclusion est évidente : les actionnaires opèrent un prélèvement net prédateur sur les ressources de l’entreprise, prélèvement qui n’a pas du tout pour contrepartie leur participation au financement de l’économie réelle.
« Une lame obscène »
Bref, rien n’a changé, sauf peut-être en pire, par rapport à il y a trois ans. C’était le 23 mars 2011. On venait de publier les résultats 2010 des entreprises du CAC 40. Sur son blog, Arnaud Montebourg expliquait alors :
« Le chiffre est tombé comme une lame obscène : 83 milliards de profits pour les entreprises du CAC 40 en 2010. Le niveau d’avant la crise est presque rattrapé (96 milliards en 2007). Les actionnaires ont délocalisé les conséquences de la crise vers les seuls salariés et ils se distribuent les dividendes. L’année dernière, 35 milliards ont été distribués dans la poche des actionnaires, soit l’équivalent du grand emprunt. Et il y a belle lurette que ces profits ne font plus les investissements de demain et les emplois d’après-demain. Ils font les dividendes et les délocalisations d’aujourd’hui... (...) En résumé, ces profits sont inutiles pour l’investissement, inutiles pour l’emploi, inutiles pour la France, inutiles pour l’Etat, inutiles pour le tissu économique des sous-traitants et inutiles pour l’ensemble des salariés qui ne voient pas la couleur de leurs efforts (...). Pire, ces profits créent des tensions dans les entreprises en soulevant le cœur de chacun, du salarié au bas de l’échelle au patron à qui les actionnaires intiment l’ordre de ne pas augmenter les salaires. Les actionnaires sont devenus la cause majeure de la démotivation des travailleurs ».
Les montants ont changé, mais à part cela ? Inutile de dire que la question a peu de chance d’être traitée par le pacte de responsabilité.