« Ça y est, j’ose ! » a annoncé Danielle Simonnet sur son site internet. À l’heure où nombre de personnalités politiques louvoient quant à leur éventuelle candidature à diverses primaires et élections, c’est un tout autre défi que s’est lancée l’élue du XXe arrondissement et membre du Conseil de Paris. La coordinatrice nationale du Parti de Gauche, dont les prises de position et discours revigorent par leurs positions fermes, saute le pas du théâtre.
C’est son intérêt pour les conférences gesticulées – forme popularisée notamment par le militant de l’éducation populaire Franck Lepage – qui l’a amené à ce projet. « Une camarade du Parti de gauche a fait une conférence gesticulée sur les déchets il y a un an. J’avais trouvé la forme excellente, car tout le monde peut à la fois se projeter et réfléchir à travers de l’humour, des questionnements politiques et des réflexions sur la vie quotidienne. » Embarquée cet été dans un stage, Danielle Simonnet s’est prise au jeu et a commencé à écrire la sienne.
D’Uber aux ovaires, le fil de la contestation
Pour ce faire, elle est partie d’un projet de livre. « Je voulais au départ raconter ma découverte, à travers le soutien à la lutte des taxis et l’étude du contenu de la loi travail, des problématiques d’ubérisation. » Le stage estival a permis au fond de se structurer en cohérence avec sa forme, la seconde nourrissant et permettant d’affiner le premier. Alors que l’embryon de livre portait uniquement sur « la dénonciation de l’ubérisation », le spectacle articule d’autres propos, pour certains plus personnels.
Cet élargissement se retrouve dans l’intitulé même : "Uber, les salauds, mes ovaires". Rappelant que « l’ubérisation n’est pas une fatalité, elle est organisée par les tenants des plates-formes, et par des personnage politiques comme Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron », Danielle Simonnet a déroulé d’autres fils. « C’est Jean-Paul Sartre qui désignait ceux qui sacrifient autrui pour défendre leurs intérêts personnels par "les salauds" ». L’ayant employé à plusieurs reprises, lors de l’affaire de la chemise arrachée d’Air France, ou pour le procès des huit salariés de Goodyear, Danielle Simonnet tire avec ce terme « le fil de la dénonciation de la logique oligarchique. »
Quant au versant féministe porté par « mes ovaires », il est né lors du stage estival. « Même si je n’ai jamais subi ce qu’ont vécu mes camarades écologistes dans l’affaire Denis Baupin, être une femme en politique n’est pas toujours simple. Et lors de certaines vidéos de mes interventions au Conseil de Paris (pour les taxis ou contre le partenariat avec Lafarge pour Paris Plages), j’ai souvent retrouvé des commentaires "elle est couillue", "elle a des couilles". Finalement, même le compliment renvoie à la domination patriarcale... »
« Chercher de nouvelles formes, casser les codes »
Le choix de la scène pourra sembler déroutant pour certains, démagogique pour d’autres, ou relever de la pure stratégie politique. Et s’il s’agissait, plutôt, de prendre le contre-pied de la spectacularisation navrante de la scène politique ? Refusant la politique-spectacle, Danielle Simonnet assume de concevoir un spectacle politique. Modeste, l’élue précise ne rien théoriser : « Je ne dis pas que les formes politiques actuelles sont dépassées. Simplement cela m’intéresse de chercher de nouvelles formes, de tenter de casser les codes. Je suis convaincue que pour toucher les consciences, il faut aussi toucher les cœurs et les âmes, et se mettre à égalité. »
Selon elle, la conférence gesticulée se prête bien à cet objectif : « Je peux faire des clins d’œil à mon enfance, évoquer des luttes et tout à la fois des personnes que j’ai rencontrées. Ce sont ceux qui luttent qui comprennent le monde, pas forcément ceux qu’on catégorise comme les dominants, les "sachants" ». Connue pour ses actions atypiques, souvent proches du théâtre d’agitprop – elle a notamment organisé des ateliers de lecture du traité européen en 2005 ; ou encore une action sensibilisant au TAFTA lors des élections européennes de 2014 – Danielle Simonnet défend la force de contestation de l’humour, autant que sa capacité à toucher un large public. « C’est une arme possible de dérision du système très forte. »
Accompagnée par Papy, aka Alain Degeois à la mise en scène, l’un des maîtres-d’œuvre de la compagnie Déclic-Théâtre à Trappes (qui a notamment permis l’émergence de Jamel Debbouze), l’élue ne met pas de côté ses engagements. Et de rappeler que « des personnes qui ne viendraient pas forcément à un meeting, ou qui ni liraient pas forcément mes tribunes politiques, peuvent venir au théâtre. Par sa méthode d’éducation populaire dans son élaboration et sa forme théâtrale, la conférence gesticulée fait passer différemment des messages. Ce sont d’autres manières d’interpeller sur des problématiques d’actualité… »
A quand la diffusion en vidéo pour le provincial que je suis ?
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