Accueil > écologie | Par Cyril Lecerf Maulpoix | 2 octobre 2017

Écologie : la rentrée ratée de Nicolas Hulot

Suppression d’aides à l’agriculture bio, projet de loi ambigu contre les hydrocarbures, JO parisiens, ratification du CETA… La transition écologique restera lettre morte tant que son ministre servira de caution aux renoncements du gouvernement.

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Depuis la fin août, suites logiques du plan climat présenté en juillet dernier par Nicolas Hulot, poussant comme des légumes sous glyphosate, les mesures et les projets de lois se répandent un peu partout, dans les médias et sur les tables des commissions avant leur passage à l’assemblée.

Beaucoup de bruit pour ?

Nicolas Hulot définissait ainsi différents axes qui comprenaient notamment 4 milliards d’euros consacrés à la lutte contre la précarité énergétique dans le secteur des bâtiments publics, 50 millions d’investissements pour les bâtiments privés, la réduction de la part du nucléaire à 50% d’ici 2025, la fin de la commercialisation des voitures roulant à l’essence ou au gazole d’ici 2040, la fin de l’exploitation des énergies fossiles la même année.

Multipliant les interviewes et passages à la télévision, l’emblématique ministre de la Transition écologique présentait ainsi dans Libération, la semaine dernière, ses premières mesures et sa volonté de mener « une politique ambitieuse » sur tout le quinquennat afin de lutter contre le réchauffement climatique.

Primes à la conversion des véhicules et chèques énergies pour les ménages, crédit d’impôt pour la transition énergétique, le ministre pouvait alors s’enorgueillir de la dimension sociale des premières mesures présentées. Un ramdam qui s’est prolongé quelques jours tard avec la présentation d’Edouard Philippe de 57 milliards d’investissements dont 20 dédiés à la transition énergétique faisant de celle-ci « la priorité du gouvernement ».

Mais comme pourrait le dire l’adage : à gros chiffres, grand… flou. Rien de nouveau, en réalité, dans ces investissements dont « moins de la moitié est toutefois constituée de nouveaux investissements » rappelle l’économiste Maxime Combes, membre d’Attac. « C’est le programme d’investissement annoncé dans le cadre de la campagne d’Emmanuel Macron. La part de ce qui revient à la transition écologique est à préciser. Le gros enjeu, c’est de s’assurer que ces aides n’aillent pas qu’à ceux qui ont les moyens d’investir » ajoute-t-il.

Le diable est dans les détails

Le décalage entre les coups de com du gouvernement et les décisions concrètes dessinent au contraire les contours d’une transition menée avec le dos de la cuillère. Comme souvent, il faut s’attarder sur le contenu des projets de loi et des mesures à venir pour s’apercevoir que le diable néolibéral se loge évidemment dans les détails.

Il y a quelques semaines, 350.org, Attac, les Amis de la terre et plusieurs collectifs faisaient part de leur inquiétude quant au décalage entre les annonces d’un nouveau projet de loi « mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures » et la réalité du texte proposé en commission avant son passage à l’assemblée. Elles dénonçaient au contraire un projet de loi qui « ne permet pas d’atteindre la transition progressive jusqu’en 2040, ni d’interdiction effective de l’exploration des hydrocarbures non-conventionnels. Les permis actuels seront prolongés et donneront lieu à de nouvelles concessions, et les concessions actuelles pourront être prolongées jusqu’en 2040 ».

Il y a deux jours, le passage en commission du projet de loi – avant l’arrivée du texte à l’assemblée – confirmait quelques avancées, mais également les difficultés rencontrées pour faire passer des amendements pourtant essentiels afin de limiter la création de nouvelles exploitations.

Dans un communiqué, Juliette Renaud, des Amis de la terre France, interpellait ainsi directement le ministre : « Le gouvernement refuse de s’attaquer au cœur du problème ! Nicolas Hulot s’est justifié en indiquant que selon lui, refuser une concession au motif de la lutte contre le changement climatique porterait atteinte aux “droits acquis” des industriels. Alors que ce projet de loi était censé “sonner la fin d’un modèle” selon les propres mots du ministre, le gouvernement s’obstine dans une logique du passé qui fait passer les intérêts économiques privés avant le climat, l’environnement et les populations ».

Peur de la censure du conseil constitutionnel ou de celles des grands groupes industriels, le refus de M. Hulot de laisser passer des amendements au projet de loi en disait long sur l’actuel processus démocratique, mais également sur les cousinages entre gouvernement, lobbies et multinationales.

Make the pesticides great again

Du côté du ministère de l’Agriculture, mené par le très lobby-friendly Stéphane Travert, les reculades concernant l’interdiction des nicotinoïdes cet été ou du glyphosate il y a quelques jours ne faisaient que confirmer cette proximité.

Jouant sur les mots, le gouvernement présentait la dérogation de l’utilisation du désherbant (reconnu comme probablement cancérigène par l’OMS) [1] comme un geste de résistance. En réalité, face à la pression du syndicat agricole majoritaire FNSEA, maintes fois épinglé pour ses positions productivistes et anti-écologiques, le gouvernement et le ministre repoussaient la décision d’une interdiction totale –et par conséquent l’impulsion nécessaire vers un passage à une agriculture sans pesticides.

De quoi s’inquiéter pour la politique agricole de manière générale. La récente suppression des aides de l’État aux maintien de l’agriculture bio est un autre exemple de cette écologie de façade. Alors que la demande d’accompagnement vers le bio explose, dans un système agricole en crise, Stéphane Travert annonçait le désengagement de l’État et le transfert de financement au niveau régional d’une aide pourtant nécessaire et conséquente, sans chiffrer néanmoins le montant transféré aux régions.

Sauver le soldat Hulot ?

En claquant la porte du ministère de l’Écologie sous Hollande, Delphine Batho s’était exclamée : « Les lobbies sont les plus puissants ». Aujourd’hui, rien ne semble avoir changé. Les accords sur le CETA et les JO 2024 consacrent en ce sens la schizophrénie inhérente des politiques actuelles. Nicolas Hulot a, sur ces dossiers dont les conséquences environnementales s’avéreraient désastreuses, préféré recourir à la discrétion ou à l’aveuglement volontaire, renonçant à la volonté d’acter une transition écologique via des mesures volontaristes, et se montrant incapable de s’émanciper du régime qui va à son encontre.

Quant au plan climat de Hulot, il « se résume à intervenir à la périphérie de ce qui constitue la crise climatique ou de ce qui la génère. On va simplement tenter de modifier à la marge la façon dont les prix sont fixés avec des aides, des taxes, etc, analyse Maxime Combes. Là, on est dans ce qui convient au paradigme néolibéral ou de l’économie classique ».

Reléguée à une politique de bon gré mal gré, l’écologie telle qu’elle s’incarne au sein du gouvernement continue ainsi de courber la tête, faisant de la transition une série d’ajustements convenant au libéralisme gouvernemental. Tant que cette prise de conscience ne s’accompagnera pas d’une combativité accrue, au prix d’une opposition frontale aux coups de com et aux intérêts dominants, Nicolas Hulot aura beau lever le doigt du fond de la classe, il n’y aura personne quasiment personne pour le voir et l’entendre.

Notes

[1Sur cinq à sept ans au lieu des dix annoncés par la Commission européenne.

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Vos réactions

  • Hulot trahit-il l’écologie politique ?
    Ou est-il tout bonnement un irrémédiable benêt, incapable de comprendre que les intérêts de l’oligarchie (représentée par Macron) sont incompatibles avec la défense des écosystèmes et du climat ?

    seine 70 Le 2 octobre 2017 à 15:54
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