Les écolos bretons ont fait les frais de la vision hollando-vallsiste de ce que sera la gauche demain. Quand le Parti socialiste a besoin des autres forces de gauche pour espérer gagner, il est prêt à tous les compromis. Mais quand il estime pouvoir remporter le morceau seul, pas question de laisser un espace à ses partenaires.
« Une caricature de baron local »
Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense et tête de liste pour les régionales en Bretagne, en a fait la démonstration éclatante en ce début de semaine. Après avoir ouvert la porte à une éventuelle négociation, après avoir maintenu l’illusion d’un accord pendant deux jours, ce très proche de François Hollande a claqué la porte au nez des mandataires de la liste Europe Ecologie-Les Verts.
« Nous avons été menés en bateau », tempête René Louail, chef de file des écolos bretons, fort d’un score de 6,7 % le 6 décembre. Sans prononcer le mot, il évoque une duplicité de la part du PS : « Ces discussions n’ont servi d’alibi pour que le PS obtienne des accords avec les écologistes dans les régions où cela leur est indispensable pour le second tour ». De son côté, le très puissant patron socialiste de la région Bretagne, fort de ses 34,92 % au premier tour, estime que les exigences d’EELV n’ont pas permis le rassemblement. En Bretagne, où le vote rural est important, la question écologique est sensible.
« Nous sommes écœurés, déclare, à l’AFP, David Cormand, secrétaire national adjoint d’EELV chargé des élections. [Le Drian] avait déjà fait le coup en 2010, c’est une caricature de baron local, la région lui appartient, poursuit le dirigeant écolo. C’est la seule région où un membre du gouvernement conduit une liste, c’est la seule région où il y a un refus de rassemblement. » De fait, la coïncidence est trop flagrante pour que l’on ne s’y attarde pas.
Rapport de forces brut
Le second tour des élections régionales a été directement piloté par le duo Hollande-Valls, avec Cambadélis pour la mise en musique. Ce sont eux, en cohérence avec les déclarations du premier ministre sur le Front républicain, qui ont décidé le retrait unilatéral des listes socialistes dans les trois régions où le FN était en tête et où les mathématiques de premier tour hypothéquaient toute victoire socialiste. Ce sont eux, aussi, qui ont lancé la charge contre Jean-Pierre Masseret, coupable de maintien en Alsace Champagne-Ardennes Lorraine. Ce sont eux, enfin, qui ont mollement réagi quand Jean-Yves Le Drian a mis une éventuelle démission dans la balance si on lui imposait les écolos sur "sa" liste.
De fait, un scénario d’après régionales se dessine déjà. L’Élysée et Matignon entendent bien finir de détricoter EELV après le départ de François de Rugy et Jean-Vincent Placé. La souplesse dont a fait preuve Claude Bartolone avec Emmanuelle Cosse en Île-de-France – vingt-six élus en cas de victoire, pas d’obligation de voter le budget, pas de majorité absolue pour les socialistes –, contraste avec la fermeté qui prévaut en Bretagne. Cette conception, où le rapport de forces brut prévaut, est aussi la marque de l’ex lamberto Cambadélis. À la fin, le message est clair : « Si l’on n’a pas vraiment besoin de vous, soyez dociles. Alors, on sera généreux. Sinon… »
Évidemment, la présidentielle est en ligne d’horizon de cette manœuvre à double détente. Hollande ne fait aucun mystère de son souhait de bénéficier du soutien d’EELV dès le premier tour, pour maximiser ses chances d’être au second.
Simplement par souci d’une information complète, sans porter jugement sur les comportements et positionnements des uns et des autres, comme ailleurs, les écologistes bretons ont refusé l’alliance au premier tour proposée par Le Drian . Ce dernier a également refusé, au second tour, de fusionner avec la listes des "Bonnets rouges". Enfin, les élus sortants du Front de gauche, eux, ont choisi l’alliance au premier tour tandis que le Front de gauche présentait des listes dans tous les départements bretons, sans atteindre nulle part la barre des 5%.
La Bretagne présente l’originalité d’avoir mis en tête un ministre socialiste qui commande des bombardements, vend des armes...et n’a pas mené de campagne électorale !
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