Alors que les incidents étaient devenus marginaux dans les grandes compétitions depuis… la Coupe du monde 1998 en France, le cauchemar hooligan a fait un retour fracassant dès le deuxième jour de l’Euro 2016. Le pire scénario imaginable, qui a immédiatement fait de la compétition une scène ultra-médiatisée pour les hooligans. Ce n’était donc pas des mouvements sociaux qu’il fallait craindre qu’ils « gâchent la fête » ou ternissent « l’image de la France » : la démonstration a été brutale elle aussi.
Les récents mois de mobilisations, émaillés de violences (y compris policières), ne pouvaient servir de préparation pour les forces de l’ordre. Celles-ci ont en effet passé l’essentiel de leur temps à se défendre elles-mêmes, parfois en pratiquant l’attaque. À Marseille, il leur fallait protéger des populations, ce dont elles ont perdu l’habitude, et gérer des supporters, ce qu’on leur a soigneusement évité de faire, cette saison, en multipliant les interdictions de déplacement pour les supporters de Ligue 1. Ces derniers sont pourtant en nombre bien inférieur à celui qu’accueille une compétition comme l’Euro, et présentent un risque très relatif en comparaison des hooligans susceptibles de se déplacer pour un tel événement.
Le "splendide isolement" des forces de l’ordre françaises
Cette saison, les ultras français avaient maintes fois ironisé, par banderoles interposées, sur ce qui attendait les autorités en juin. En préférant recourir à [un arsenal de mesures répressives et privatives de libertés complètement disproportionné à l’enjeu de sécurité publique, en renonçant à tout dialogue, elles ont renoncé à se former un tant soit peu sur le terrain. Et alors que tout le monde s’accordait à dire que le hooliganisme s’était éloigné des stades, des incidents graves se sont déroulés à l’intérieur même d’une tribune du Vélodrome, samedi soir, malgré leur caractère totalement prévisible compte tenu de ce qui avait précédé en ville et de ce qui se manifestait dans les gradins. Le fiasco pouvait difficilement être plus achevé.
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La doctrine policière française du maintien de l’ordre est de plus en plus critiquée pour son évolution contraire à celle de la plupart des pays européens, qui optent pour la désescalade là où elle choisit la confrontation (lire "Un splendide isolement – Les politiques françaises du maintien de l’ordre"). Concernant la gestion spécifique des supporters, le sociologue Nicolas Hourcade avait parfaitement cerné les risques. Le 1er juin, il soulignait notamment l’inaptitude de la police française à adopter la stratégie de « profil bas » en vigueur ailleurs, ainsi que son impréparation : « En interdisant les déplacements de fans dès qu’un risque était annoncé, on n’a pas permis aux policiers de s’entraîner et de se forger des routines de travail ».
Absence de stratégie, doctrine à rebours
Son confrère Ludovic Lestrelin a fait les mêmes constats : « En France, la stratégie du maintien de l’ordre est fondée sur du renseignement, mais surtout sur la présence visible et massive, de la police, armée avec de l’équipement lourd, qui se veut dissuasive. On est sur du rapport de forces, et cela génère une dynamique négative ». Autre spécialiste, Sébastien Louis avait anticipé les conséquences de cette inadaptation, avant de dresser un constat accablant au lendemain des événements : non-intervention malgré le repérage précoce des hooligans russes, aucune interpellation par la suite. « J’ai vu une police apeurée, fatiguée, qui avait besoin d’une hiérarchie compétente ; ce qui n’a pas été le cas. Les tactiques policières pour lutter contre ces hooligans sont dépassées. (…) Cette situation est aussi le fruit d’une absence de stratégie de la part de la DNLH et de l’amalgame qui est fait entre supporteurs, ultras et hooligans ». (lire "La condamnation du supporteurisme se substitue à la lutte contre le hooliganisme")
Vendredi dernier, Geoff Pearson, un universitaire spécialiste de la question (il conseille la police britannique), présent à Marseille lors d’incidents entre des locaux et des supporters anglais dès le jeudi 9 juin, regrettait auprès du Guardian la disproportion de l’intervention policière : « Il y a une politique du tout ou rien dans la police française. Les policiers reculent et ne font rien jusqu’à ce que des incidents éclatent, avant d’utiliser une force disproportionnée ». Il disait ne pas comprendre pourquoi les forces de l’ordre françaises ne s’inspiraient pas des succès de leurs homologues à l’étranger, qui dialoguent pour poser des limites à ne pas franchir.
"Pas de constat d’échec"
Les pouvoirs publics auraient pu, en bonne conscience de leurs lacunes et de leur impréparation, prendre des mesures préventives : déplacement du match ou de son horaire, dispositif de séparation des supporters… Ils ont préféré laisser leur inconséquence encourir des conséquences graves, que pour autant il n’est pas question, pour eux, d’assumer. Conformément à la culture de notre haute administration, bien qu’aculés devant leurs manquements, ils se sont livrés à un festival de déni de la réalité et de leurs responsabilités. Antoine Boutonnet, commissaire et chef de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) : « Il n’y a pas de constat d’échec ». Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur : « S’il y a un échec, c’est celui du football ». Patrick Kanner, ministre des Sports : « [le centre opérationnel départemental de la préfecture] a très correctement géré la situation ». Laurent Nunez, préfet de police de Marseille : « Les hooligans russes ne sont pas rentrés en France » ; « Je ne veux pas qu’on puisse dire que le dispositif n’était pas adapté ».
Les uns et les autres se sont – entre autres – défaussés sur l’absence de signalement des hooligans par leur pays d’origine, ou par la « suralcoolisation » des supporters, passant totalement à côté du problème. Leur incurie s’est avérée aussi structurelle que circonstancielle. Aucun n’envisagera de démissionner, aucun n’y sera contraint : après tout, leur ministre de tutelle Bernard Cazeneuve n’avait décelé « aucun faille » dans le dispositif antiterroriste en 2015.
On est cependant certain de plusieurs choses :
1. Aucun "hooligan" russe n’a été capturé. Or, il y en avait (puisque France Inter le dit !).
2. Toutefois, ce sont bien les Russes (et eux seuls !) qui sont responsables du grabuge (puisque France Inter le dit !) ...
3. Pire encore ... Aucun hooligan russe n’a été jugé ni condamné (ce qui est un scandale puisque France Inter le dit !).
Par conséquent, le pouvoir socialiste est à la solde de Poutine ... (ça, je ne l’ai pas entendu, parce que France Inter est à la solde du pouvoir socialiste !).
Hum !
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