Sans vergogne depuis lundi soir, Marine Le Pen fait des œillades à tous ceux qui se sont opposés aux politiques libérales du gouvernement Hollande et Valls. Elle déclare Macron candidat de la France soumise. Elle recommence à chasser sur les terres de la colère quand la possibilité d’une sortie progressiste disparaît. Elle reprend son discours en l’accentuant comme quand elle semblait la seule à parler aux jeunes, aux catégories populaires exposés au chômage, à la misère et à la précarité.
Le danger est grand qu’elle atteigne pour partie sa cible et se glisse au milieu de tous ceux qui ont retrouvé le sens de la solidarité et de l’humanité. Jean-Luc Mélenchon a détourné une partie d’entre eux d’un vote Le Pen et plus sûrement encore d’un rejet de la politique et de l’abstention. C’est une première victoire. Elle est fragile et doit être confortée.
Les arguments ne peuvent relever de la morale et de la culpabilisation des électeurs. Il faut, comme Mélenchon le fait depuis des années, parler au cœur et à la raison de chacun d’eux sans nier la complexité de la situation. Nous aurions voulu qu’elle ne soit pas ainsi et qu’une proposition positive soit présente au second tour.
Il faut redire que Jean-Luc Mélenchon a enregistré score magnifique et historique (sept millions de voix) mais que ce n’est qu’un début. Le retour à la politique pour beaucoup, les débuts en politique pour d’autres doivent être confortés par une argumentation solide qui doit faire appel à l’histoire, à la réalité des idées du Front national et à la réflexion politique.
[Lire aussi l’appel de Regards "Redire la vérité sur le Front national"]
Le 8 mai il faudra combattre Macron, en particulier ses ordonnances antisociales. Qui tiendra le haut du pavé ?
Souvenons-nous qu’en 2005 le "non" à la constitution européenne a gagné parce que des gens de gauche et de droite ont voté ainsi. Mais pour la suite, il était décisif que le "non" soit majoritairement de gauche et qu’à gauche le "non" ait été majoritaire. Tous nos combats en ont été différents. Nous ne contestons pas l’Europe des peuples, mais l’Europe libérale. Nous ne récusons pas l’autre, mais la concurrence entre tous.
Si par malheur Marine le Pen parvenait à convaincre un, deux, trois millions d’électeurs supplémentaires de voter pour elle, elle serait renforcée et en position de force pour imprimer son discours, sa politique dans les oppositions à Macron.
Jean-Luc Mélenchon a eu raison de ne pas donner une absurde consigne de vote qui n’est plus de ce temps. Sa position a provoqué des débats par centaines, par milliers. Elle ne doit pas souffrir d’ambiguïté : évidemment que pas une voix ne doit aller à Marine Le Pen. Mais on attend le renfort de sa puissance d’argumentation et de conviction pour que ce braconnage en terre de contestation cesse.
Cet article me renvoie à des interventions sur des articles précédents :
Alors qu’à "gauche", comme à droite, on reprenait les thèmes du Front National tout en le combattant (disait-on), c’est maintenant au Front National de venir prendre les éléments du discours de la France Insoumise pour ratisser plus large que dans les rangs des simples racistes ordinaires...
Stratégie d’ailleurs facilitée (peut-être même inspirée) sans le vouloir par la propension des médias à rapprocher "coûte que coûte" le programme France Insoumise de celui du Front National dans une tentative de propagation du virus de la "diabolisation" de Lepen vers Melenchon... Or, dans la mesure ou cette dernière a réussi pour une part à se dédiaboliser, probablement grâce à l’effet de désensibilisation produit par l’exposition régulière qui en est faite par ces même médias (sinon elle n’aurait pas fait 20%), la manoeuvre apparaissait comme dangereuse en ce qu’elle banalisait encore plus, en rapprochant des mouvements politiques qui n’ont strictement rien à voir l’un avec l’autre (sauf à vouloir les réduire insidieusement en complexité), l’extrêmisme (FN) de ce qui ne l’est pas (FI).
Comment ceux qui sont censés critiquer, interroger, analyser et donc faire preuve d’intelligence, peuvent-ils confondre la feuille de route des "insoumis" : liberté, égalité, fraternité, avec celles des "frontistes" : travail, famille, patrie ?
Et si eux les confondent, malgré un discours qui est clair, alors pourquoi s’étonner que des électeurs puissent en arriver là ?
( http://www) commission-des-sondages.fr/notices/files/notices/2017/avril/8464-pres-ipsos-france-tele.pdf
Voici un lien très intéressant renvoyant à un sondage très récent mentionnant les 9% d’électeurs de Mélenchon au 1er tour qui souhaitent voter Lepen au second ainsi que le chiffre des 3% qui en appelleraient le candidat de la France Insoumise à se prononcer pour elle...
Mis à part ces 3% qui semblent avoir rompu toute relation avec leur cortex cérébrale (ou alors d’avoir parfaitement intégré l’idée véhiculée par certains médias à grande écoute selon laquelle Mélenchon = lepen, le hasard a fait le reste... ce qui revient au même), il reste les motivations mystérieuses de ces 6% d’électeurs qui me laissent dubitatifs ! Ils ont en effet compris que demander à Mélenchon d’appeler à voter Lepen revenait un peu à lui demander de se couper une oreille... alors pourquoi ? Pourquoi passer de Mélenchon, qui en est l’exact opposé, à Lepen ?
Est-ce par calcul ? Pour que la France soit à feu et à sang avec pour objectif de hâter une révolution démocratique salvatrice ? (ce serait un peu méchant pour les victimes quand même)
Est-ce parce que la seule chose qui les avait convaincus dans le programme de la France insoumise, c’était le plan "B" ? Du coup, vite, il reste Lepen !
Est-ce par passion déraisonnable pour les personnalités fortes charismatiques et les discours enflammés (le programme on s’en fout et on assume) ? Mélenchon éliminé il reste Lepen... Le vote s’impose donc de lui-même (hum !).
En même temps, ils apparaîssent être très peu nombreux... Mais ça semble contrarier beaucoup des acteurs médiatiques ! Peut-être dans ce cas là faudrait il éviter d’évoquer, dans ce même sondage, les 33% d’électeurs de Fillon qui pensent voter Lepen au second tour et les 15% qui veulent que celui-ci se range clairement derrière elle ! Sinon cela risquerait de vouloir dire qu’il y a un terreau plus favorable à l’extrême droite au sein du parti "Les Républicains" qu’au sein du mouvement démocratique la "France Insoumise" ! Chuuuutt !
A noter pour ceux qui s’inquiètent de l’extrême droite au second tour, les 2 derniers sondages (ça vaut ce que ça vaut) indiquent à peu de chose près : 65% pour Macron / 35% pour Lepen...
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