Marie-Christine Vergiat est eurodéputée Front de gauche.
Le démantèlement du bidonville de Calais [1] touche à sa fin et on peut en faire un premier bilan. Les conditions auraient pu être réunies pour que les chosent se passent au mieux dans le respect des droits de toutes celles et ceux qui vivaient là notamment parce que la majorité des associations présentes sur place, y compris depuis de longues années, s’étaient déclarées favorables au démantèlement du bidonville stricto sensu tant les conditions de vie y étaient indignes pour un pays comme la France. Une "mise à l’abri" humanitaire aurait dû avoir lieu depuis longtemps. De telles situations ne devraient pas exister dans notre pays.
Une précipitation coupable
Mais, au-delà des mots, c’est l’urgence à évacuer les lieux et à détruire tous les habitats de fortune sans même se demander si leurs occupants avaient été pris en charge qui a prévalu, le tout sous le contrôle de 1.200 policiers et sans réelle présence d’accompagnateurs sociaux. La précipitation ne fait pas bon ménage avec le respect des droits et de la dignité des personnes et au fur et à mesure du déroulement de l’opération, le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan s’est éloigné de l’auto-satisfecit de la préfecture du Pas-de-Calais.
8.143 personnes avaient été recensées sur le camp mi-octobre (contre 10.000 début juillet), la taille d’une petite ville. Parmi elles, un nombre important de demandeurs d’asile en cours de procédure, des personnes ayant le statut de réfugié et un nombre croissant de mineurs. Dans le cadre du démantèlement, 6.000 personnes auraient été "mises à l’abri" et près de 300, toutes mineures auraient été accueillies au Royaume-Uni [2].
Il ne fait pas de doutes que certain-e-s migrant-e-s ont préféré quitter les lieux avant, et même pendant l’opération de démantèlement et que de nouveaux campements précaires vont ressurgir ici ou là. Calais restera "attractif" quoi que l’on fasse, c’est le point de passage le plus court vers le Royaume-Uni, à quarante kilomètres des côtes anglaises.
Grâce à l’accompagnement des associations et à la bonne volonté des migrants eux-mêmes, et sans doute aussi à la présence, au moins le premier jour, de quelques 700 journalistes, on a évité le pire. Mais on aurait pu faire tout autrement. Un certain nombre de choses sont incompréhensibles, voire inadmissibles – dont l’envoi immédiat vers des centres de rétention d’une centaine de migrants parmi lesquels des Soudanais, des Afghans, des Érythréens et même des Syriens.
La méthode en questions
Pourquoi certaines grandes associations telles qu’Emmaüs, Avocats sans frontières et Human Watch Rights n’ont pas obtenu d’habilitation ? Pourquoi les journalistes se sont-ils vus interdire l’accès au périmètre de la jungle et comment l’un d’entre eux, a-t-il pu se retrouver en garde à vue pendant plus de trente heures ? Pourquoi, une fois arrivés dans les hangars, les migrants ne pouvaient plus en sortir et n’avaient donc plus le droit de changer d’avis, et ce, jusqu’à l’arrivée dans le CAO [3] ce qui ressemble étrangement à une privation de liberté qui ne dit pas son nom.
À quoi rime le fait de leur proposer un choix entre deux régions dont ils ne savaient rien sans prendre le temps de leur expliquer où ils allaient réellement aller ? L’idée d’assurer une répartition sur l’ensemble du territoire n’est pas une mauvaise idée en soi, mais ne pouvait-elle pas être accompagnée du côté tant des migrants que des lieux d’accueil ? Force est de constater que certaines régions, villes ou même villages de France sont plus "habitués" à accueillir des migrants que d’autres. Et n’est-il pas préférable que des associations soient là pour assurer la prise en charge et veiller à assurer les droits des migrants ? Bien souvent, les élus locaux ont été prévenus à la dernière minute. Et pourtant, en dépit de tout cela, hormis quelques rares incidents, les Français dans leur immense majorité ont fait preuve de générosité et de solidarité. Et c’est sans doute la chose la plus positive.
Pourquoi avoir envoyé vers ces CAO des demandeurs d’asile alors qu’ils ont droit à des places en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile, avec comme conséquence la plus probable que nombre de procédures devront être recommencées dès le début, au mépris du travail engagé à Calais et en obligeant les demandeurs d’asile à revivre leur parcours douloureux ? Pourquoi tant d’urgence ?
Mineurs et femmes malmenés
Poser les questions, c’est déjà en partie y répondre. Ce sont les mineurs et les femmes qui ont été les plus malmenés dans le cadre de cette précipitation dénuée de sens. Les femmes parce qu’elles se sont senties comme les oubliées de l’histoire. Cantonnées dans le centre d’hébergement, elles ont manifesté à plusieurs reprises en demandant à pouvoir, elles aussi, se rendre au Royaume-Uni pour rejoindre leur mari. « Help us UK », ont-elles crié. Mais rien n’a été prévu pour elles, sauf de les évacuer elles aussi, sans tenir compte de la diversité de leur situation – notamment au regard du risque d’être séparée de leur mari et de certains de leurs enfants.
Quant aux mineurs, l’incapacité des pouvoirs publics à les prendre en charge est une honte pour la France depuis de nombreuses années. Faut-il rappeler qu’au regard du droit international et des conventions signées par la France, tout mineur a droit à protection et doit être traité, s’il est isolé, comme un mineur et non comme un étranger ?
Nous sommes dans l’un de ces imbroglios juridiques dont notre pays a le secret. La protection des mineurs relève des départements et donc ceux qui sont à Calais, du Pas-de-Calais dont les structures sont particulièrement saturées. La solidarité nationale aurait dû jouer d’autant plus qu’en cas de mise en danger, la responsabilité de l’État est en cause. Plusieurs centaines d’entre eux, y compris des jeunes filles, vivaient pourtant sans protection dans le bidonville depuis des mois. Ils devaient être prioritairement identifiés, mais on l’a fait au faciès et tant pis pour les grand gabarits… Après les tests osseux, on franchit là une nouvelle étape.
Opacité des opérations
Pour leur trouver de la place, les majeurs hébergés dans le Centre d’accueil provisoire (CAP), les fameux containers, ont dû évacuer les lieux. Les mineurs devaient y rester « dans l’attente de l’instruction de leur dossier », mais le dispositif s’est avéré rapidement insuffisant. Plusieurs centaines d’entre eux sont restés livrés à eux même dans ce qui restait du bidonville. On a alors décidé de tous les évacuer vers des CAOMIE [4], créés pour l’occasion, en dehors du cadre légal de la protection de l’enfance, sans se demander s’ils venaient d’arriver à Calais, s’ils étaient déjà pris en charge, s’ils avaient déjà fait une demande de regroupement familial, etc... Et l’on s’étonne qu’à peine arrivés dans les centres, certains soient déjà repartis !
À ce jour, tous les mineurs "répertoriés" auraient été évacués vers les CAOMI avec des accompagnateurs britanniques du Home Office ! Leurs demandes sont censées être examinées sous trois semaines. N’aurait-il pas été plus simple d’organiser cela à Calais ? Tout ceci est assez indigne. Un collectif d’associations [5] a fait un recours en référé pour demander des comptes sur la "dispersion" des mineurs ainsi opérée en dénonçant l’opacité des opérations et l’absence de tout contrôle judiciaire.
La situation de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants n’est pas réglée. Leur "dispersion" ne facilite pas le suivi de la situation et l’inquiétude monte quant au sort de celles et ceux dont les demandes d’asile ou de regroupement familial sont ou seront rejetées, alors que les centres de rétention ont été mis en situation d’alerte. L’opération aura eu le mérite de dégager des places en urgence pour des personnes qui en attendaient depuis des mois, voire des années, mais le premier bilan est assez éloigné de la belle histoire qu’a tenté d’écrire le gouvernement.
La "Jangal" a été démantelée mais rien n’est réglé, comme en témoigne les opérations de police à Paris. Une nouvelle fois, on n’a fait que déplacer le problème. À quand de vraies réponses humanitaires dignes des valeurs républicaines ? Humanisme et fermeté, comme le dit le gouvernement, sont des mots inconciliables. Le gouvernement vient une fois encore de le démontrer.
Peut-on être pour le maintien de Bidonvilles, campements, etc ?
Il y en a plus de 500 en France ...
Avec La désespérante absence de la gauche ...
On combat la droite, on ne peut plus faire confiance en la "gauche " : Reste : le Merdier de Calais
jean wadier
Paris/Calais/Helsinki
Répondre