Ce devait être celui du renouveau. Pour le Parti socialiste, le congrès qui débute samedi 27 janvier ressemble à ceux qui l’ont précédé. Olivier Faure, qui martelait il y a encore deux mois qu’il préférait être président de groupe à l’Assemblée nationale, se retrouve favori des médias alors que Julien Dray ne cache pas son envie de revenir aux affaires. Il y a pourtant des questions de ligne politique à régler.
La première question est peut-être celle de la survie d’un parti qui ressemble aujourd’hui beaucoup à la SFIO des années 60, une naine blanche qui n’émet plus aucune idée, recroquevillée sur quelques rares bastions et où le poids des apparatchiks et des élus locaux n’a jamais été aussi pesant sur la vie du parti. En réalité, les militants s’en vont, plus ou moins discrètement.
"Nouvelle gauche"
Le siège historique du parti rue de Solférino en vente, la fédération du Nord ne compterait plus que 2.000 adhérents, selon des sources internes, et le vote interne du jeudi 18 janvier a mobilisé à peine 12% des membres parisiens du PS, entre autres détails révélateurs d’un parti à l’agonie.
Les proches de Benoît Hamon organisent leurs départs avec autant de régularité et de publicité que les cadres de l’appareil lui apportaient un soutien empoisonné pendant la campagne présidentielle. Dimanche encore, le mouvement Génération.s, qui rassemble les hamonistes, se félicitait que 105 adhérents du PS dans les Yvelines les rejoignent.
Les quelques proches de l’ex-candidat à la présidentielle restés à la maison socialiste, comme le député de la Loire Régis Juanico, n’entendent pas rester inertes dans le congrès. Annoncés en soutien de Luc Carvounas, l’ancien premier lieutenant de Manuel Valls bruyamment reconverti en héraut d’une "nouvelle gauche" du PS, ils mégoteraient leurs signatures. Le député du Val-de-Marne espérait également le ralliement de Martine Aubry et de ses proches. La maire de Lille a finalement apporté sa caution à Olivier Faure.
Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale semble rassembler le centre du PS et les cadres des grosses fédérations. À la tête d’une banque de "quadras", Olivier Faure parle "renouvellement". Mais il doit aussi faire oublier qu’il proposait, le 6 juin 2017, de jouer « les bons amis » au profit d’Emmanuel Macron.
"Nouvelle synthèse"
Sur ce créneau aussi, Olivier Faure est en concurrence avec Stéphane Le Foll, député de la Sarthe. L’ancien ministre de l’Agriculture est candidat à la tête du PS pour « défendre l’héritage » de François Hollande. Au moins, il porte une ligne politique claire – une singularité qu’il partage avec Emmanuel Maure, ancien leader du courant Maintenant la gauche.
Peu suspect de complaisance vis-à-vis de la politique menée pendant le quinquennat Hollande, Emmanuel Maurel continue de croire que « le socialisme est toujours une idée neuve ». Alors que le PS est en état de survie artificielle, il défend les valeurs historiques de ce parti : émancipation des classes populaires, union de la gauche, valeurs républicaines.
L’eurodéputé de l’Ouest engrange les soutiens venant de l’ancien pôle majoritaire du PS, notamment en province. Avec ces ralliements, qu’il pourrait faire connaître dans la semaine, il entend porter, sur une ligne de gauche, une « nouvelle synthèse ». Reste à savoir si l’outsider pourra disputer la compétition que doit lancer le conseil national qui se réunit samedi 27 janvier à la Maison de la chimie.
En effet, Delphine Batho, elle aussi candidate bien, qu’elle soit restée très silencieuse depuis son départ du gouvernement en juillet 2013, a assigné son parti en référé. Si la justice donne suite favorable à sa requête (le jugement est attendu ce lundi soir), tout le processus de congrès pourrait être remis en cause. Ce qui rajouterait encore de la confusion à un parti qui ne sait déjà plus où il va.
La social-démocratie est un concept très souple, et ouvert à la marge. Il peut s’adapter à toute circonstance que les théories politiques réunies dans son périmètre n’auront pas su anticiper. On peut par exemple renier l’une d’elle, en accepter telle autre qui jusque-là était rejetée par principe, en inventer une nouvelle au besoin. C’est dans cet exercice que l’imagination des politiciens peut se révéler salutaire afin de sortir d’une impasse thématique, marquée par la défaveur de l’électorat ou par la difficulté à assumer la charge du pouvoir.
La ligne social-démocrate de la gauche française a déjà montré qu’elle a de la ressource dans cet exercice. La faculté d’adaptation est une qualité importante pour toute espèce vivante. Perdurent celles qui en sont le mieux pourvues.
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