« De nombreuses personnes veulent redonner du sens à la politique », affirme Caroline De Haas. Cette militante féministe, échappée du PS en 2014, a la pêche. Elle ressort de la première réunion parisienne des Chantiers d’espoir qui s’est tenue samedi 8 février. Elle se dit « attachée aux orgas » et elle était un peu sceptique sur la démarche, mais « là, vraiment, on a amorcé quelque chose de nouveau ! »
Caroline De Haas est particulièrement touchée par les nouvelles méthodes qui s’inventent : « Par exemple, chacun a mis son nom, prénom et si besoin organisation sur un post-it à l’entrée. Une fois aux tables rondes, nous nous présentons uniquement par notre prénom, chacun bénéficie du même temps de parole, finie la monopolisation de la parole. On s’est enfin retrouvé sur un réel pied d’égalité. » Un petit détail qui pourrait faire sourire ou un réel changement culturel dans la manière d’aborder la politique ? L’avenir nous le dira.
Laisser surgir les idées nouvelles
Ce devait être des assises pour la transformation sociale initiées par le mouvement Ensemble, à l’intérieur du Front de Gauche. Peu à peu, au fil de l’automne puis de l’hiver, cinq cents personnalités ancrées à gauche ont peaufiné un appel à la création des Chantiers d’espoir. Repoussé à cause des attentats de janvier, l’appel sort le 22 janvier sur Mediapart. Le texte peut paraître de prime abord un peu succinct. Une manière efficace de ne froisser ni les uns ni les autres et de se rassembler. Mais aussi, la possibilité laissée aux idées nouvelles de surgir.
Pour ceux des Verts qui ont participé au gouvernement, pour ceux du Front de Gauche qui peinent à rassembler, il était temps de se mettre devant une nouvelle page blanche, d’aller chercher la gauche du PS et Nouvelle donne. Mais pas question de se rassembler à l’ancienne ! « On peut attendre que les têtes des partis se mettent autour d’une table et espérer qu’il en ressorte quelque chose. Ou nous parler le plus largement possible », insiste Caroline De Haas. Résonnent alors doucement les assemblées citoyennes qui ont bouleversé l’Espagne avec le mouvement des places ou accéléré la construction de Syriza en Grèce.
Combattre la crise politique
En France, la politique est en panne, la défiance contre les partis est grande, la Ve République bat de l’aile, les partis de gauche comme les syndicats perdent bataille sur bataille, les élans de l’altermondialisme semblent retombés. Les entailles orchestrées par le gouvernement de François Hollande dans les engagements de campagne du PS accentuent et accélèrent la défiance générale vis-à-vis de la politique, et même de la démocratie. Et pendant ce temps, le FN, qui apparaît comme le seul parti "anti-système" cohérent, ne cesse de progresser.
« Tout est concentré sur l’élection présidentielle, par les choix faits par un homme au sommet. L’exemple avec Hollande est flagrant. Cela influe aussi sur le comportement des militants politiques. Les partis politiques sont institutionnellement trop proches des institutions de la Ve République », nous dit Robert Crémieux, fondateur du MES, emballé lui aussi par cette première rencontre. Il est soulagé par le fait que, pour une fois, il n’est pas question de primaires, ni de choisir un candidat pour 2017, mais bien de dessiner ensemble une alternative crédible à gauche pour combattre la crise politique. « Il y a une exigence aujourd’hui : les partis et les syndicats doivent se remettre en cause. C’est à la fois leur problème à l’intérieur mais c’est aussi une demande qui doit aussi s’exprimer de l’extérieur du point de vue du citoyen qui aujourd’hui boude les élections, les partis politiques et les syndicats. Il faut leur faire des propositions ; quitte à ce que cela les bouscule. »
Défendre les biens communs
Les succès de la gauche grecque et de Podemos sont dans toutes les têtes. Même si leurs traductions françaises ne sont pas possibles telles quelles, leurs expériences rendent tangibles le fait qu’une alternative à gauche est possible. Est-ce que le modèle français est en route ?
Alice Canabate est sociologue et co-directrice de la revue de la décroissance Entropia et travaille plus spécifiquement sur les politiques alternatives. Elle a observé ces dernières années les formes d’engagement politique qui émergent à la suite de la crise et plus particulièrement les fameuses assemblées citoyennes en Espagne et en Grèce. Elle aussi ressort stimulée par les balbutiements des Chantiers d’espoir. Mais elle ne perd pas le Nord pour autant. Pour elle : « Rien de nouveau, ni d’audacieux ne surgira si l’on s’arrête aux thématiques habituelles développées par les partis de gauche. Le pouls global de l’actualité est tout autre et il faut que l’on s’attache à vibrer avec ce pouls pour fabriquer de la politique qui nous ressemble. Parler de biens communs me semble plus audacieux ; de ce que l’on a en partage et que l’on ne veut pas céder. Par bien communs, je n’entends pas que la question de l’accès à l’eau, mais, par exemple, de la démocratie. » Et cette chercheuse en sciences sociales rêve d’un « grand pari épistémologique » où tout serait repris à la base.
Créer une large alternative à gauche
Les Chantiers d’espoir s’inscrivent pleinement dans les valeurs d’une gauche de transformation sociale. L’envie d’élaborer des propositions théoriques et programmatiques est bien présente. Mettre tout le monde d’accord avec des cultures si différentes va être un sacré défi. Pour le moment, les deux cents personnes qui se sont rassemblées lors de cette première réunion parisienne comptent bien faire tache d’huile. Ça et là, en province, des collectifs se montent. Et les collectifs antilibéraux se rappellent à notre bon souvenir. Ou au mauvais. Depuis, la gauche de gauche a tout de même fait du chemin et les équilibres ont quelque peu changé.
Prochaine étape : le 11 avril. Une journée éclatée partout en France mais coordonnée en une grande réunion nationale – sans doute avec un temps fort sur Internet. Les Chantiers d’espoir semblent bien avoir l’ambition de créer une alternative à gauche la plus large et la plus forte possible. « De toute façon, s’amuse Caroline de Haas, nous n’avons pas le choix. » À suivre !
Enfin on retrouve l’élan de la gauche plurielle, un grand ouff de soulagement !
Allons donc panser ces quelques petites "entailles" dans le programme fondamentalement juste d’Hollande, puis tous les espoirs seront permis !
Quelques questions quand même :
Raisons de la crise capitaliste mondiale ?
Raisons de l’intégration totale de la social-démocratie dans les règles concurrentielles de la mondialisation et de son ordre sécuritaire ?
Raisons de la désertion complète des gros et petits partis de gauche par les milieux populaires, y compris à cette réunion ?
Révolution des conseils ou réunions de clubs ?
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