J’ai écrit ce livre parce que l’obsession identitaire me navre et m’inquiète. Nous ne sommes plus "chez nous" ? Allons donc ! Quand l’identité se mêle au "choc des civilisations", à "l’état de guerre" et à "l’état d’exception", nos sociétés s’enlisent dans un climat de peur qui nous ramène, bien malgré nous, à l’expérience traumatique de l’été 1914.
Or je suis convaincu que, si la France et l’Europe souffrent, ce n’est pas d’un déficit d’identité, mais d’une carence criante d’égalité. À l’oublier, nous nous laissons gagner par le désir rassurant de la clôture, de la frontière et du mur. Nous oublions la solidarité et nous nous laissons submerger par le ressentiment. Nous nous défions de "l’autre" et nous érodons notre propre liberté.
Il est temps, plus que temps de réagir. L’identité, hélas, ne nourrit pas la recherche de soi mais la détestation d’autrui, non pas le désir de rencontre mais l’acceptation de la guerre. Si nous ne le voulons pas, l’égalité, la citoyenneté, la solidarité doivent redevenir nos passions. Mais elles méritent des actes, davantage encore que des mots.
À lire
"Faute de sortir de l’obsession identitaire, la gauche risque de perdre son âme", interview pour Les Inrocks.
"La justice, pas « l’état de guerre »"
Finkielkraut, Zemmour, Houellebecq… La politique de la tension
L’obsession identitaire. À propos d’un livre de Laurent Bouvet
Le véritable scandale, à mon sens, c’est que l’on nous impose une lecture dévoyée, partisane de l’identité où celle-ci se situe en perpétuel et nécessaire contraste avec l’altérité. Effet nocif de cette novlangue très prisée des cénacles réactionnaires qui, confisquant méthodiquement le champs linguistique, pervertit le sens commun. Car en somme, s’il était posé avec sérieux et générosité, un postulat identitaire n’aurait nullement les moyens de contredire le principe d’égalité. Question ouverte en tous les cas. Peut-être me détromperez-vous... ou me détromperai-je à la lecture de votre livre.
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